21 mai 2014 3 21 /05 /mai /2014 17:00

Mes relations avec la parentèle se sont dégradées. A l’évidence, je suis un incompris. Je suis étrange et étranger aux miens. Mes parents ont eu les mots qui tuent. J’ai adopté le mutisme qui est tout aussi douloureux que les frictions d’autrefois. Ma vie est ratatinée.

Lorsque je reviens dans la maison, grise l’hiver, verte l’été car elle est dans son corset de vigne vierge, je me replonge dans le bain à l’eau croupie. C’est l’immersion dans le passé. Tout est si pesant, écrasant.

Avec mes parents, nous nous épions beaucoup.

Savez-vous à quoi je rêve ? A un petit "chez moi" sans prétention, propre, bien tenu, où je pourrais m’installer sans scrupule sur un canapé, regarder la télévision sans angoisse, lire un journal ou un livre sans compulsion, aider ma femme à préparer le repas et faire la vaisselle, et un bureau avec un vrai plan de travail, avec une petite bibliothèque, et surtout avec un coin propret et accueillant pour recevoir mes amis.

En lieu et place de cette normalité qui m’échappe, que trouvons-nous ?

Un minuscule appartement miteux, à la ville, puant, qui me répugne, où les choses se dégradent et s’entassent ; où je m’endors dans des draps crasseux, où le ménage ne peut être fait, où j’élève des moutons.

Une chambre à la campagne, dans la maison grise et verte de mes parents, qui me répugne aussi, qui ressemble à un débarras de sous-préfecture.

Je ne sais plus où j’habite.

J’ai l’impression d’ être un "non-être"

J’aimerais bien, pourtant, qu’on me vît sous un autre angle.

Mes frères ont chacun leur petite maison, leur petite femme, leur petit travail, leurs enfants...

Suis-je un peu jaloux ? Mes deux frères sont-ils heureux ? Enfin, plus heureux que moi ? Je me sens si différent d’eux. Là encore, je suis gêné, oui, gêné quand je leur parle. Quels avis ont-ils sur moi ? Je crois qu’ils sont à cent lieues d’imaginer ce que j’endure.

Quant à leurs femmes, on sait, j’en ai parlé.

Il y a celle qui me fit découvrir Brel, qui me considère comme son petit frère, la première en date. Nous pourrions, pour la commodité du récit, la nommer BS1 (Belle-Soeur 1) et il y a l’autre, "celle avec qui les tables ne restent pas planes", que nous pourrions nommer BS2. Je n’invente rien, cette technique a été utilisée par Nathalie Sarraute dans son théâtre (H1, homme 1, F1, femme1, etc...)

Fatalité et destinée. Il est des êtres marqués par le sceau de la malédiction : j’en suis.

Je suis fatigué mais vivant. Il m’arrive de bouger encore. De toute façon, depuis l’âge de 16 mois et de la sinistre méningite, je suis sursitaire. Je peux m’estimer heureux. J’ai dépassé l’âge qu’ont péniblement atteint les artistes maudits.

 

"J'ai l'impression

d'être un non-être

 

 

 

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