24 avril 2007 2 24 /04 /avril /2007 16:13

Le quotidien Libération avait la réputation d'être le journal des "pédés et des camés". Je n'étais ni l'un ni l'autre mais j'aimais la chose imprimée ; j'aimais sa maquette, son graphisme, sa charte typographique, ses formules et ses photos prises sous un angle inattendu.

Quand ai-je "découvert" Libé dans ma cambrousse ? En 83 ? 84 ? Quoi qu'il en soit, en 85, un désir était devenu un besoin, et les colonnes de Libé daté samedi 19 et dimanche 20 octobre accueillirent ma première petite annonce en poste restante : JEUNE ET BEL ANIMAL (mâle) de cirque recherche jeune (max. 30 ans) et jolie dompteuse bien dans ses cuissardes pour monter numéro. Envoyez programme à M. Faure. PR 9 rue Lafayette, 31000 Toulouse RP.

Il faut que je vous dise que j'ai commencé à travailler dans une fabrique de bottes, et que j'ai passé toute mon enfance (et une partie de mon adolescence) dans un zoo avec une dompteuse, et, à 10 ans, en jouant, je suis tombé le nez à terre, entre les bottes de ma petite camarade. Ce fut le premier émoi. Ca explique bien des choses.

Après, on viendra nous dire que les fétichistes sont des abstraits qui accordent plus d'importance aux choses qu'aux êtres...

Le pilchard aux oignons, moi, je trouve ça bon.

Il y en a qui disent que "ça leur reproche", et qu'ils rôtent du pilchard toute la journée.

Mon père prend une feuille de La Dépêche d'avant le changement de format, et en tapisse le fond d'un cageot. Que va-t-il y déposer ? Des oignons. Il passe beaucoup de temps au jardin. Il ne veut pas que je l'aide. Il dit que je ne sais pas. Surtout ne pas lui dire que j'ai passé une petite annonce dans Libé.

Libé daté du samedi 8 et dimanche 9 octobre 1988 accueillit ma deuxième petite annonce : FETICHISTE, adorateur des bottes-cuissardes recherche dominatrice bottée jusqu'aux cuisses, gantée jusqu'aux coudes, une cravache à la main. Etudie tout autre fantasme de maîtresse bardée de cuir.

Ce samedi, ma mère pleure dans sa cuisine en épluchant trop d'oignons. Elle les coupe en dés dans un plat. Sel, huile et vinaigre s'ensuivent. Et dessus ? Du pilchard. Pilchards d'Unico sur son lit d'oignons des Champs-Grands.

Ma mère passe beaucoup de temps dans la cuisine. Elle ne veut pas que je l'aide. Elle dit : "Ne fais pas... Tu sais pas..." Surtout ne pas lui dire que j'ai passé une autre petite annonce dans Libé.

Libé cesse de publier ses annonces "chéries" le samedi. Il ne les publiera pas non plus un autre jour. Je le déplore.

Reste La Dépêche sur laquelle je me rabats.

Le 28 novembre 1995, le titre Toulousain compose, sous la rubrique "rencontres" : J.H. esthète, aimant Brel, Brassens, les mots et la sensualité des bottes de cuir dépassant le genou, rech. J.F. alter égo. - Ecrire : X-16463 "Dépêche", 31095 Toulouse Cedex.

Voici ma quête, mes bouteilles d'encre à la mer.

Et maintenant, je vous entends d'ici ; vous avez une question qui vous brûle les lèvres :

"Qu'est-ce qu'on va bien pouvoir manger, samedi, à midi ?"

Joël Fauré

Ce texte est dédié à O. (Une femme sans histoire) de Libé

Elle se reconnaîtra.

 

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A
Belles<br /> Odeurs<br /> Tant<br /> Tannées,<br /> Esthétisme<br /> Savant...
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