30 avril 2007
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Avec "A propos de Bottes", j'ai voulu soulever un problème qui ressemble à ces croutes de peau que l'on soulève aussi parce que ça démange.
Je raconte l'histoire d'un homme fétichiste des bottes en cuir qui dépassent le genou.
Sa marotte, obsédante, gère son système de pensée jusqu'à l'assiéger.
Alternant fascination et répulsion, il analyse cliniquement l'anomalie.
Une femme viendra, le comprendra et l'aidera dans sa démarche.
Pour y voir plus clair.
La pièce "A propos de bottes" n'est pas éditée. L'immatriculation SACD est en cours. Bien entendu, elle ne demande qu'à vivre sur un plateau.
Un texte de théâtre est un squelette ; ce sont les acteurs qui lui donnent sa chair.
Lire le théâtre implique une discipline, une gysmastique cérébrale.
"A propos de bottes" ne déroge pas à la règle.
Toutefois, en voici un extrait, en amuse-bouche :
"Nous avons dansé jusqu'à l'écroulement. Je me suis senti aspiré par le bas. Elle, elle est restée debout. Hiératique. Je me suis enfoncé jusqu'au tronc. Elle m'a enjambé. Je n'étais plus qu'une aspérite du sol. Ses bottes étaient si brillantes que je m'y suis miré. J'ai vu ma gueule de chien sauvage, battu, apeuré et traqué.
J'ai vu mes rictus et mes yeux concupiscents. Je me suis effrayé. J'ai senti des bribes et des fantômes de mon passé pleuvoir sur moi en pluies acides.
Pourtant, j'ai tendu mes doigts pour caresser le très luisant objet de mon désir. Ce que j'avais ardemment souhaité, je le voyais, là, tout près, surfait. Spécieux. Mensonger.
J'étais là, las, épuisé de la trop longue attente, de la longue macération dans mon jus faisandé ; incapable d'agir.
A cet instant crucial, qui aurait dû être pour moi le couronnement, "l'abotissement" de plus de trente ans de hantise, de cohabitation forcée, je me suis senti sec, vidé, sans moteur ni énergie, exténué, profondément déçu.
A l'image de ces dépliants qui promettent la vue sur la mer, qui n'est rien d'autre qu'une bouche d'égout.
A grand mal, je me suis extirpé de la fange et je me suis enfui. J'ai couru et je suis tombé à genoux.
Ce qui s'est passé ensuite, je le sais parce qu'elle me l'a raconté. Elle a ôté l'une de ses bottes, rien qu'une, comme ça, pour voir. Elle a gardé l'autre. Elle est sortie du dancing improvisé.* Elle s'est approché de moi , en claudiquant. Elle s'est placée en face de moi qui fermais les yeux. Très doucement, de son genou, elle a effleuré ma joue. Elle m'a dit : "As-tu un jour songé que, sous le cuir, il se pourrait qu'il y ait un peu de peau ?"
J'ai veillé au grain. C'est ce jour-là que j'ai découvert la tendresse.
* Pour situer le contexte, la scène se déroule dans une cabine téléphonique, le seul lieu clos et sécurisant où la femme, selon l'auteur, apprend à l'homme à danser !
Joël Fauré
Je raconte l'histoire d'un homme fétichiste des bottes en cuir qui dépassent le genou.
Sa marotte, obsédante, gère son système de pensée jusqu'à l'assiéger.
Alternant fascination et répulsion, il analyse cliniquement l'anomalie.
Une femme viendra, le comprendra et l'aidera dans sa démarche.
Pour y voir plus clair.
La pièce "A propos de bottes" n'est pas éditée. L'immatriculation SACD est en cours. Bien entendu, elle ne demande qu'à vivre sur un plateau.
Un texte de théâtre est un squelette ; ce sont les acteurs qui lui donnent sa chair.
Lire le théâtre implique une discipline, une gysmastique cérébrale.
"A propos de bottes" ne déroge pas à la règle.
Toutefois, en voici un extrait, en amuse-bouche :
"Nous avons dansé jusqu'à l'écroulement. Je me suis senti aspiré par le bas. Elle, elle est restée debout. Hiératique. Je me suis enfoncé jusqu'au tronc. Elle m'a enjambé. Je n'étais plus qu'une aspérite du sol. Ses bottes étaient si brillantes que je m'y suis miré. J'ai vu ma gueule de chien sauvage, battu, apeuré et traqué.
J'ai vu mes rictus et mes yeux concupiscents. Je me suis effrayé. J'ai senti des bribes et des fantômes de mon passé pleuvoir sur moi en pluies acides.
Pourtant, j'ai tendu mes doigts pour caresser le très luisant objet de mon désir. Ce que j'avais ardemment souhaité, je le voyais, là, tout près, surfait. Spécieux. Mensonger.
J'étais là, las, épuisé de la trop longue attente, de la longue macération dans mon jus faisandé ; incapable d'agir.
A cet instant crucial, qui aurait dû être pour moi le couronnement, "l'abotissement" de plus de trente ans de hantise, de cohabitation forcée, je me suis senti sec, vidé, sans moteur ni énergie, exténué, profondément déçu.
A l'image de ces dépliants qui promettent la vue sur la mer, qui n'est rien d'autre qu'une bouche d'égout.
A grand mal, je me suis extirpé de la fange et je me suis enfui. J'ai couru et je suis tombé à genoux.
Ce qui s'est passé ensuite, je le sais parce qu'elle me l'a raconté. Elle a ôté l'une de ses bottes, rien qu'une, comme ça, pour voir. Elle a gardé l'autre. Elle est sortie du dancing improvisé.* Elle s'est approché de moi , en claudiquant. Elle s'est placée en face de moi qui fermais les yeux. Très doucement, de son genou, elle a effleuré ma joue. Elle m'a dit : "As-tu un jour songé que, sous le cuir, il se pourrait qu'il y ait un peu de peau ?"
J'ai veillé au grain. C'est ce jour-là que j'ai découvert la tendresse.
* Pour situer le contexte, la scène se déroule dans une cabine téléphonique, le seul lieu clos et sécurisant où la femme, selon l'auteur, apprend à l'homme à danser !
Joël Fauré