30 mai 2007
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L'occasion -en or- m'est donnée de légitimer l'existence de ce blog, et surtout sa "ligne éditoriale" : littéraire et érotique !
A la lecture des premiers éditos, on le sait, je suis fétichiste avéré et littéraire épidermique.
Longtemps je me suis cherché une identité sans pouvoir me réaliser. Il me semble que cette "tribune" m'aide à y voir un peu plus clair, et tant pis si j'écris dans le désert, ou pour des inconnu(e)s du hasard (Merci à Angelique et à Théo.) ou encore pour des "happy few" (Camille, Ondine, Phil. C. et surtout Aurora, fidèle de la première heure, qui m'a donné envie de poser les mots sur la neige d'un ordinateur.)
Or donc, occasion aujourd'hui m'est donnée de mélanger le suc littéraire et érotique, en plein mitan écartelé entre le vice et la vertu, grâce à Jardin père et fils (Pascal et Alexandre.)
J.F.
Pascal Jardin, romancier, dialoguiste, a laissé une oeuvre attachante. Ce touche-à-tout de talent a d'abord été touché dans sa prime enfance par les bottes de sa gouvernante. Il raconte cet épisode dans "La guerre à neuf ans". (Les Cahiers Rouges - Grasset)
Florence est restée ma référence sensuelle. Si elle n'a pas réussi à me façonner aux goûts et aux jeux de la douleur, elle a imprimé tout au fond de moi une fascination sexuelle formidable pour les bottes. Mon premier désir d'homme fut provoqué par cette rousse charnue, bottée haut, fin, cambré, et je sais que, si demain je rencontre une fille à mon goût qui porte des bottes, il y aura quelque chose en moi qui battra plus vite. Pas seulement dans mon ventre, mais aussi dans mon coeur.
A titre de symbole et de schéma, je dirai que, peu de temps après notre mariage, ma première femme commença à refuser de porter des bottes pour me plaire. Ce fut le début pour moi d'un processus d'échec irréversible. J'étais incapable de séduire un être qui partageait ma vie et de l'amener réellement à admettre un goût, plus qu'un goût pour moi, un moyen, une approche, un passage. Cela signifiait en fin de compte que j'étais impuissant à la faire sortir d'elle-même pour la mener jusqu'à moi.
Il n'y a pas de détail dans l'alchimie qui porte un être vers un autre. Porter des bottes, pour elle, c'était être réduite à l'idée de ne me plaire que sous une certaine apparence. Mon travers la plaçait dans un porte-à-faux qui la dépossédait d'elle-même. Elle ne se retrouvait plus en face de moi. Elle se sentait objet. Et moi, de mon côté, je ne parvenais pas à comprendre que l'on refuse un geste.
De gestes refusés en gestes refusés, nous nous sommes acheminés vers une immobilité qui s'avéra être un jour une paralysie. Et quand je divorçai, je ne ressentis rien. On venait de m'amputer d'un membre déjà mort.
Ma seconde femme m'apporta les bottes, la liberté de mouvement et de pensée. La liberté tout court. Elle dissipa mes fantasmes comme le vent chasse la fumée, tout en les entretenant sous un feu de cendres qui ne s'éteint jamais. Avec elle, j'ai trouvé ma guerre sainte. Nous nous démolissons, nous nous reconstruisons. Pas côte à côte, mais face à face, sans tendresse, front contre front comme des taureaux.
... ET ALEXANDRE, RAYON EQUITATION
Alexandre Jardin (le fils de Pascal), après avoir écrit des romans à succès (Le zèbre, Fanfan..) qu'il qualifie lui-même de "bon garçon", a semble-t-il trouvé sa "veine" avec une écriture libérée de tous carcans, en publiant "Le roman des Jardin". (Grasset)
La presse, les autres ont remarqué ce tournant.
Au nom de la littérature et de l'érotisme encore, qu'il me soit beaucoup pardonné de reprendre in-extenso le chapitre du "Roman des Jardin" intitulé : "La cravache de Monsieur et Madame F."
J.F.
Pour des raisons hautement morales, l'Arquebuse tenait donc à recevoir chez elle les couples illégitimes. Vilipender l'adultère lui paraissait un manque indéniable de savoir-vivre. Elle regardait toute liaison -érotiquement valable- comme un acte de résistance contre l'affalement contemporain. Les entraves à l'amour, même minimes, la révulsaient. Lorsqu'on sollicitait son avis sur la question du mariage des prêtres catholiques (...) elle répondait invariablement avec la dernière indignation : "S'ils s'aiment entre eux, pourquoi s'opposer à leur union ?"
Or il arriva un événement qui m'en apprit plus long sur la folie des couples que toutes les confidences des Jardin. Nous possédions dans nos relations deux êtres fringants, très mariés et lustrés de culture, qui se trompaient l'un l'autre avec constance : leur mariage était une très ancienne habitude. M.F., diplomate patiné par les popos niaiseux d'ambassade, venait chez nous se requinquer en compagnie d'une rousse sévère ; tandis que de son côté Mme F. se consolait de temps à autre (...) de son rôle d'Ambassadrice potiche avec un coquet Mexicain. A chaque fois, l'Arquebuse prêtait au couple désassemblé notre fameux petit cabanon, charmante bâtisse érigée à cet effet au bout du jardin. Soucieuse du détail, orfèvre en tromperie, elle réservait au mari et à l'épouse les mêmes draps fleuris, comme pour les réunir dans leurs extases séparées.
Naturellement, ces culbutes illégales enchantaient les enfants de la famille. A dix ans, j'escaladais avec mes cousins le toit du cabanon en toute occasion et me postais au bord du Velux qui surplombait la literie. La première fois que j'espionnai M.F., il se déshabilla avec soin, sans manifester de hâte. Puis, déroutant tous nos pronostics, il sortit une paire de menottes (comme dans les séries policières), s'attacha lui-même à la tête de lit et pria -fort courtoisement- la rousse divine de lui administrer de virulents coups de cravache. A mon grand étonnement, je vis soudain le diplomate éprouver une vive et très visible satisfaction... Mes cousins et moi en restâmes ébaubis, comme des cornichons.
Quand vint le tour de Mme F., quelques semaines plus tard, nous étions tous au rendez-vous, juchés sur le toit du cabanon. Se produisit alors un événement tout à fait extraordinaire : Mme F. ôta methodiquement son tailleur, sortit des liens de cuir et somma le Mexicain de l'attacher au lit ; puis elle lui ordonna de la fouetter à la cravache ! Plus les coups cinglaient sa chair d'ambassadrice plus elle réclamait ces friandises inattendues, avec une insistance qui nous rappela aussitôt... celle de M.F. Mes cousins et moi, en demeurâmes estomaqués.
Comment était-il possible que M. et Mme F. partageassent les mêmes désirs, à l'insu de l'autre ? Que ne se fouettaient-ils pas en famille ? Ce détour compliqué pour obtenir les béatitudes identiques me fit bien saisir que les couples étaient des machines à ne pas se comprendre et à consommer du rêve. De toute évidence, M. et Mme F. avaient besoin de se raconter une fable adultère ; même si la cravache utilisée était de même facture.
Alexandre Jardin sera l'invité du "Marathon des mots" à Toulouse, le vendredi 15 juin à 14 h 30. Une lecture dans le noir et en langue des signes du "Roman des Jardin" se fera, petite salle du TNT.
Longtemps je me suis cherché une identité sans pouvoir me réaliser. Il me semble que cette "tribune" m'aide à y voir un peu plus clair, et tant pis si j'écris dans le désert, ou pour des inconnu(e)s du hasard (Merci à Angelique et à Théo.) ou encore pour des "happy few" (Camille, Ondine, Phil. C. et surtout Aurora, fidèle de la première heure, qui m'a donné envie de poser les mots sur la neige d'un ordinateur.)
Or donc, occasion aujourd'hui m'est donnée de mélanger le suc littéraire et érotique, en plein mitan écartelé entre le vice et la vertu, grâce à Jardin père et fils (Pascal et Alexandre.)
J.F.
Pascal Jardin, romancier, dialoguiste, a laissé une oeuvre attachante. Ce touche-à-tout de talent a d'abord été touché dans sa prime enfance par les bottes de sa gouvernante. Il raconte cet épisode dans "La guerre à neuf ans". (Les Cahiers Rouges - Grasset)
Florence est restée ma référence sensuelle. Si elle n'a pas réussi à me façonner aux goûts et aux jeux de la douleur, elle a imprimé tout au fond de moi une fascination sexuelle formidable pour les bottes. Mon premier désir d'homme fut provoqué par cette rousse charnue, bottée haut, fin, cambré, et je sais que, si demain je rencontre une fille à mon goût qui porte des bottes, il y aura quelque chose en moi qui battra plus vite. Pas seulement dans mon ventre, mais aussi dans mon coeur.
A titre de symbole et de schéma, je dirai que, peu de temps après notre mariage, ma première femme commença à refuser de porter des bottes pour me plaire. Ce fut le début pour moi d'un processus d'échec irréversible. J'étais incapable de séduire un être qui partageait ma vie et de l'amener réellement à admettre un goût, plus qu'un goût pour moi, un moyen, une approche, un passage. Cela signifiait en fin de compte que j'étais impuissant à la faire sortir d'elle-même pour la mener jusqu'à moi.
Il n'y a pas de détail dans l'alchimie qui porte un être vers un autre. Porter des bottes, pour elle, c'était être réduite à l'idée de ne me plaire que sous une certaine apparence. Mon travers la plaçait dans un porte-à-faux qui la dépossédait d'elle-même. Elle ne se retrouvait plus en face de moi. Elle se sentait objet. Et moi, de mon côté, je ne parvenais pas à comprendre que l'on refuse un geste.
De gestes refusés en gestes refusés, nous nous sommes acheminés vers une immobilité qui s'avéra être un jour une paralysie. Et quand je divorçai, je ne ressentis rien. On venait de m'amputer d'un membre déjà mort.
Ma seconde femme m'apporta les bottes, la liberté de mouvement et de pensée. La liberté tout court. Elle dissipa mes fantasmes comme le vent chasse la fumée, tout en les entretenant sous un feu de cendres qui ne s'éteint jamais. Avec elle, j'ai trouvé ma guerre sainte. Nous nous démolissons, nous nous reconstruisons. Pas côte à côte, mais face à face, sans tendresse, front contre front comme des taureaux.
... ET ALEXANDRE, RAYON EQUITATION
Alexandre Jardin (le fils de Pascal), après avoir écrit des romans à succès (Le zèbre, Fanfan..) qu'il qualifie lui-même de "bon garçon", a semble-t-il trouvé sa "veine" avec une écriture libérée de tous carcans, en publiant "Le roman des Jardin". (Grasset)
La presse, les autres ont remarqué ce tournant.
Au nom de la littérature et de l'érotisme encore, qu'il me soit beaucoup pardonné de reprendre in-extenso le chapitre du "Roman des Jardin" intitulé : "La cravache de Monsieur et Madame F."
J.F.
Pour des raisons hautement morales, l'Arquebuse tenait donc à recevoir chez elle les couples illégitimes. Vilipender l'adultère lui paraissait un manque indéniable de savoir-vivre. Elle regardait toute liaison -érotiquement valable- comme un acte de résistance contre l'affalement contemporain. Les entraves à l'amour, même minimes, la révulsaient. Lorsqu'on sollicitait son avis sur la question du mariage des prêtres catholiques (...) elle répondait invariablement avec la dernière indignation : "S'ils s'aiment entre eux, pourquoi s'opposer à leur union ?"
Or il arriva un événement qui m'en apprit plus long sur la folie des couples que toutes les confidences des Jardin. Nous possédions dans nos relations deux êtres fringants, très mariés et lustrés de culture, qui se trompaient l'un l'autre avec constance : leur mariage était une très ancienne habitude. M.F., diplomate patiné par les popos niaiseux d'ambassade, venait chez nous se requinquer en compagnie d'une rousse sévère ; tandis que de son côté Mme F. se consolait de temps à autre (...) de son rôle d'Ambassadrice potiche avec un coquet Mexicain. A chaque fois, l'Arquebuse prêtait au couple désassemblé notre fameux petit cabanon, charmante bâtisse érigée à cet effet au bout du jardin. Soucieuse du détail, orfèvre en tromperie, elle réservait au mari et à l'épouse les mêmes draps fleuris, comme pour les réunir dans leurs extases séparées.
Naturellement, ces culbutes illégales enchantaient les enfants de la famille. A dix ans, j'escaladais avec mes cousins le toit du cabanon en toute occasion et me postais au bord du Velux qui surplombait la literie. La première fois que j'espionnai M.F., il se déshabilla avec soin, sans manifester de hâte. Puis, déroutant tous nos pronostics, il sortit une paire de menottes (comme dans les séries policières), s'attacha lui-même à la tête de lit et pria -fort courtoisement- la rousse divine de lui administrer de virulents coups de cravache. A mon grand étonnement, je vis soudain le diplomate éprouver une vive et très visible satisfaction... Mes cousins et moi en restâmes ébaubis, comme des cornichons.
Quand vint le tour de Mme F., quelques semaines plus tard, nous étions tous au rendez-vous, juchés sur le toit du cabanon. Se produisit alors un événement tout à fait extraordinaire : Mme F. ôta methodiquement son tailleur, sortit des liens de cuir et somma le Mexicain de l'attacher au lit ; puis elle lui ordonna de la fouetter à la cravache ! Plus les coups cinglaient sa chair d'ambassadrice plus elle réclamait ces friandises inattendues, avec une insistance qui nous rappela aussitôt... celle de M.F. Mes cousins et moi, en demeurâmes estomaqués.
Comment était-il possible que M. et Mme F. partageassent les mêmes désirs, à l'insu de l'autre ? Que ne se fouettaient-ils pas en famille ? Ce détour compliqué pour obtenir les béatitudes identiques me fit bien saisir que les couples étaient des machines à ne pas se comprendre et à consommer du rêve. De toute évidence, M. et Mme F. avaient besoin de se raconter une fable adultère ; même si la cravache utilisée était de même facture.
Alexandre Jardin sera l'invité du "Marathon des mots" à Toulouse, le vendredi 15 juin à 14 h 30. Une lecture dans le noir et en langue des signes du "Roman des Jardin" se fera, petite salle du TNT.