5 juin 2007
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J'ai très bien connu Jacques Brel.
Ce qui me donne toute liberté d'écrire ces lignes.
J'ai très bien connu Jacques Brel.
C'est un ami personnel de longue date.
J'ai passé avec lui des heures formidables et torrentielles, des secondes chair-de-poule, des jours inoubliables.
Des nuits ? N'en parlons pas.
J'ai très bien connu Jacques Brel.
Quand il est mort, le 9 octobre 1978, j'avais 16 ans et lui 49.
J'ai des révélations à faire...
J'ai très bien connu Jacques Brel.
Quand il est mort, j'ai été bouleversé, atterré, malheureux. Et seul.
Je le suis resté.
J'ai très bien connu Jacques Brel.
Aujourd'hui qu'il a presque trente ans de tombeau, on va tous planter des chrysanthèmes en même temps.
Je sais qu'il n'aimerait pas beaucoup mais, moi, j'ai très bien connu Jacques Brel.
Je peux bien vous l'avouer aujourd'hui : le "Joël" de la chanson "Madeleine", c'est moi.
Vous ne me croyez pas ?
Vous avez sans doute raison.
Et pourtant...
J'ai très bien connu Jacques Brel.
Surtout depuis septante-huit.
J'étais apprenti cuisinier alors. Le 10 octobre, place Esquirol à Toulouse, il était une heure après-midi. Je suis furtivement passé devant un café. Une télévision était allumée. Oui, il était une heure après midi et c'est important. C'était l'heure du journal télévisé. J'ai simplement eu le temps de voir, moi, le passant, Brel en noir et blanc dans le tube. Au même instant, ailleurs que là, j'ignore que ma mère, Marthe, Madeleine, Mathilde Trémolières, à la campagne, près de la forêt de Buzet-sur-Tarn, dans la maison, dans la salle à manger, a branché un magnétophone et enregistre. Elle ne sait pas trop s'en servir. Et le micro capte tout ce que dit la télé, mais aussi tout ce qu'elle dit, elle. A un moment, elle dit : "S'il était là, il serait à ses pièces, le pauvre enfant." Mais loin de ma maman, dans ma tête, je me suis dit : "S'ils le passent comme ça, à cette heure-là, c'est qu'il doit être mort, Brel." Je suis monté dans un autobus. J'ai dit à un copain, arpète lui aussi : "J'en suis pas sûr, mais je crois que Brel est mort." Une dame m'a entendu. Elle m'a dit : "Oui, il est mort."
Si pour Philippe Delerm, la mort de Brel est "une autoroute à trois voies avec un gros camion Antar sur la file de droite", pour moi, c'est un café, un autobus et la place Esquirol à Toulouse.
J'ai très bien connu Jacques Brel.
(A suivre.)
Joël Fauré
Ce qui me donne toute liberté d'écrire ces lignes.
J'ai très bien connu Jacques Brel.
C'est un ami personnel de longue date.
J'ai passé avec lui des heures formidables et torrentielles, des secondes chair-de-poule, des jours inoubliables.
Des nuits ? N'en parlons pas.
J'ai très bien connu Jacques Brel.
Quand il est mort, le 9 octobre 1978, j'avais 16 ans et lui 49.
J'ai des révélations à faire...
J'ai très bien connu Jacques Brel.
Quand il est mort, j'ai été bouleversé, atterré, malheureux. Et seul.
Je le suis resté.
J'ai très bien connu Jacques Brel.
Aujourd'hui qu'il a presque trente ans de tombeau, on va tous planter des chrysanthèmes en même temps.
Je sais qu'il n'aimerait pas beaucoup mais, moi, j'ai très bien connu Jacques Brel.
Je peux bien vous l'avouer aujourd'hui : le "Joël" de la chanson "Madeleine", c'est moi.
Vous ne me croyez pas ?
Vous avez sans doute raison.
Et pourtant...
J'ai très bien connu Jacques Brel.
Surtout depuis septante-huit.
J'étais apprenti cuisinier alors. Le 10 octobre, place Esquirol à Toulouse, il était une heure après-midi. Je suis furtivement passé devant un café. Une télévision était allumée. Oui, il était une heure après midi et c'est important. C'était l'heure du journal télévisé. J'ai simplement eu le temps de voir, moi, le passant, Brel en noir et blanc dans le tube. Au même instant, ailleurs que là, j'ignore que ma mère, Marthe, Madeleine, Mathilde Trémolières, à la campagne, près de la forêt de Buzet-sur-Tarn, dans la maison, dans la salle à manger, a branché un magnétophone et enregistre. Elle ne sait pas trop s'en servir. Et le micro capte tout ce que dit la télé, mais aussi tout ce qu'elle dit, elle. A un moment, elle dit : "S'il était là, il serait à ses pièces, le pauvre enfant." Mais loin de ma maman, dans ma tête, je me suis dit : "S'ils le passent comme ça, à cette heure-là, c'est qu'il doit être mort, Brel." Je suis monté dans un autobus. J'ai dit à un copain, arpète lui aussi : "J'en suis pas sûr, mais je crois que Brel est mort." Une dame m'a entendu. Elle m'a dit : "Oui, il est mort."
Si pour Philippe Delerm, la mort de Brel est "une autoroute à trois voies avec un gros camion Antar sur la file de droite", pour moi, c'est un café, un autobus et la place Esquirol à Toulouse.
J'ai très bien connu Jacques Brel.
(A suivre.)
Joël Fauré