15 juin 2007
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16:11
A madame Avy.
Avec toute ma reconnaissance.
Toute une salle nommée Jacques Brel.
Mes années-collège, je les passai à Montastruc-la-Conseillère. Passer du Cours très moyen 2 à la sixième et du Lieu-Dit au Chef-Lieu de canton me procura bien des nuits agitées. Le collège, massive bâtisse, flanquée d'un fenestrage de persiennes rouillées, se trouvait près de la Halle aux Grains, transformée en salle des fêtes, où l'on donnait des bals. Un slogan faisait fureur dans les années 60 : "A Montastruc, on y danse, on y danse..." (air connu.)
Le collège ? Il s'appelait "Collège" tout simplement. C.E.G plus précisement, trois lettres marronasses si j'ai bonne mémoire sur fond crème : "C.E.G comme Collège d'Enseignement Général." Au fil des ans, les troupes d'élèves grossissant, des salles de classe furent improvisées dans des préfabriqués. C'était la grande mode. De la salle 14, je pouvais voir le mur de la salle des fêtes. Au mois de septembre, il y avait de grandes affiches collées dessus qui donnaient le programme des Grandes Fêtes Générales de Jour et de Nuit de Lavaur.
Les préfabriqués poussaient comme des champignons. Pour aller en cours d'Anglais, il fallait même traverser une route en tête d'épingle très dangereuse...
C'est d'ailleurs pour ça que j'ai quitté le collège : parce que j'avais peur de me faire écraser. Je ne vous mens pas. Vous pouvez vous transporter sur les lieux. Garante de mes dires, la brigade de gendarmerie a été construite juste là, dans la courbe difficile à négocier...
Je quittai le collège sans nom pour un destin sans perspective, sauf celle de devenir apprenti...
Le temps passa. Un nouveau collège fut construit. Il prit le nom de Georges Brassens.
Je ne suis jamais allé danser dans la vieille Halle aux grains devenue salle des Fêtes, elle aussi sans nom. Ce serait bien de lui en donner un...
En 89 (19), la municipalité décide de rafraîchir l'édifice, qui présente des signes de faiblesse.
Je m'enhardis d'une audace : celle de demander audience au maire et lui soumettre l'idée de donner à cette salle le nom de Jacques Brel. Il est séduit. Le Conseil Municipal l'est aussi. Un tramway est nommé désir, toute une salle peut bien être nommée Jacques Brel...
Le 12 mai 1990, c'est l'adresse d'un ami sûr, fidèle et fiable qui est dévoilée sur une plaque de marbre. Au moment de couper le ruban tricolore, un esprit badin trouve le moyen de glisser : "Savez-vous comment font les Belges pour inaugurer leurs machines à écrire ? Ils coupent le ruban."
Il y a là le maire, un sous-préfet, deux ou trois députés, quatre ou cinq costumes trois-pièces qui rêvent de l'être, un président d'un Conseil territorial, qui se targue d'avoir très bien connu Jacques Brel, et Maddly, la compagne des années insulaires...
Madame Jacques Brel, sollicitée, nous a donné son accord pour que feu son époux habite désormais dans l'ancienne halle aux grains de la commune...
C'est un petit classeur noir...
qui fait des choses quand on le touche. A la pince"Dymo", très en vogue dans les années septante, j'ai gravé sur un ruban rouge "Français". Je l'ai collé dessus. C'est à cause de madame Avy. Qu'est devenue madame Avy ? Si elle lit ces lignes, où qu'elle soit, même si elle est très vieille, même si elle est très laide, même si elle sent mauvais, même si elle est clouée sur un lit de souffrance, je souhaiterais qu'elle se manifestât.
Et oui, je suis devenu un grand écrivain ! Un de ceux qu'elle me fit rencontrer, dans un préfabriqué, à Montastruc, toutes fenêtres ouvertes -il fait déjà très chaud et les lattes du plancher étouffent-. Madame Avy me professe le Français. Même qu'un jour, monsieur, elle se paie le luxe de grèver le budget de l'Education Nationale (Ministre de l'époque oublié : voir Quid.) et elle amène un électrophone. Elle pose un disque dessus et alors, monsieur...
Elle m'interroge sur Brel comme si je ne connaissais que lui, comme si je n'avais que ça à afire, à écouter un chanteur, à vivre un peu... Elle avait fait le même coup avec Zola. Elle prétendait enquêter sur les mines de charbon et Germinal...
Madame Avy me met sous le nez et dans l'oreille "Le Plat Pays." Alors, vous comprenez, monsieur, c'est normal que ma tête se dégage et que je ne pipe plus mot.
(A suivre)
Joël Fauré
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Brèves
Le marathon des mots
Toulouse, la ville "Prose"
La réponse à la lettre que j'ai adressée à Alexandre Jardin le 13 mai 2002 m'est parvenue aujourd'hui même vendredi 15 juin 2007, et de la bouche même du destinataire, excusez du peu, venu lire "himself" (et avec quel talent devant un théâtre plein comme un oeuf dans le cadre du Marathon des mots.) des extraits de son dernier livre "Le roman des Jardin"
Voici d'abord la lettre suivie de la réponse.
La lettre :
"Bonjour Alexandre,
C'est le souvenir de votre père qui me dit aujourd'hui de vous approcher pour échanger quelques points de vue.
Il se trouve que je suis, moi aussi, autant -si ce n'est plus, tant pis pour cet orgueil- fétichiste des bottes qu'il a bien voulu le dire dans "La guerre à neuf ans."
Cet aspect de la personnalité m'a longtemps tourmenté, et ce n'est qu'après de longues réflexions que j'ai pu m'échapper du doute et de la curiosité qu'il suscitait.
Les mots de Michel Tournier : "(Des) cas (de fétichisme) peuvent faire sourire. Ils n'en illustrent pas moins un érotisme plus construit, élaboré et finalement civilisé que la sexualité considérée comme "normale" et qui, par son incapacité à dissocier érotisme et procréation, est directement responsable de deux énormes charniers, celui des avortements et celui de la famine dans le Tiers-Monde." (Michel Tournier, "Le Fétichiste") ont fini de m'éclairer sur le sujet et de me "laver" de tout souçon.
Je viens donc vers vous aujourd'hui, non pas pour quémander l'absolution, mais pour avoir votre avis sur la question.
Pour avoir lu certains de vos livres, il ne me semble pas que le fétichisme soit héréditaire mais je me trompe peu-être...
Si vous avez une minute, dites-moi objectivement ce que vous pensez de tout ça...
Je vous serre la main, salue au passage votre travail, et vous assure de mes meilleurs sentiments."
La réponse :
"Mon père ? Oui, c'était un fétichiste. Mais un fétichiste joyeux. Il déboulait à la maison avec plein de paires de bottes. C'était flamboyant."
Réponse réjouissante.
PS : Je confirme la sympathie naturelle d'Alexandre Jardin, et les rires qui ponctuent son discours...
---
Mon égo hypertrophié a été très flatté, dans le hall du TNT où l'on attendait, toujours dans le cadre du Marathon des mots l'auteur Laurent Mauvignier (pour son très remarqué "Dans la foule")
Un responsable "marathonien" s'est approché de moi :
" - Excusez-moi ? Vous êtes Laurent Mauvignier ?"
Ca y est ! C'est un signe... Je sens que je vais enfin "percer"...
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Bonnes nouvelles de Delphine Mélèze, artiste "encagée" dont je vous ai dit beaucoup de bien dans mon billet du 25 mai dernier.
Après la Pologne, où elle a remporté un franc succès, son spectacle "universel" sera présenté cet été en Corée.
JF
Avec toute ma reconnaissance.
Toute une salle nommée Jacques Brel.
Mes années-collège, je les passai à Montastruc-la-Conseillère. Passer du Cours très moyen 2 à la sixième et du Lieu-Dit au Chef-Lieu de canton me procura bien des nuits agitées. Le collège, massive bâtisse, flanquée d'un fenestrage de persiennes rouillées, se trouvait près de la Halle aux Grains, transformée en salle des fêtes, où l'on donnait des bals. Un slogan faisait fureur dans les années 60 : "A Montastruc, on y danse, on y danse..." (air connu.)
Le collège ? Il s'appelait "Collège" tout simplement. C.E.G plus précisement, trois lettres marronasses si j'ai bonne mémoire sur fond crème : "C.E.G comme Collège d'Enseignement Général." Au fil des ans, les troupes d'élèves grossissant, des salles de classe furent improvisées dans des préfabriqués. C'était la grande mode. De la salle 14, je pouvais voir le mur de la salle des fêtes. Au mois de septembre, il y avait de grandes affiches collées dessus qui donnaient le programme des Grandes Fêtes Générales de Jour et de Nuit de Lavaur.
Les préfabriqués poussaient comme des champignons. Pour aller en cours d'Anglais, il fallait même traverser une route en tête d'épingle très dangereuse...
C'est d'ailleurs pour ça que j'ai quitté le collège : parce que j'avais peur de me faire écraser. Je ne vous mens pas. Vous pouvez vous transporter sur les lieux. Garante de mes dires, la brigade de gendarmerie a été construite juste là, dans la courbe difficile à négocier...
Je quittai le collège sans nom pour un destin sans perspective, sauf celle de devenir apprenti...
Le temps passa. Un nouveau collège fut construit. Il prit le nom de Georges Brassens.
Je ne suis jamais allé danser dans la vieille Halle aux grains devenue salle des Fêtes, elle aussi sans nom. Ce serait bien de lui en donner un...
En 89 (19), la municipalité décide de rafraîchir l'édifice, qui présente des signes de faiblesse.
Je m'enhardis d'une audace : celle de demander audience au maire et lui soumettre l'idée de donner à cette salle le nom de Jacques Brel. Il est séduit. Le Conseil Municipal l'est aussi. Un tramway est nommé désir, toute une salle peut bien être nommée Jacques Brel...
Le 12 mai 1990, c'est l'adresse d'un ami sûr, fidèle et fiable qui est dévoilée sur une plaque de marbre. Au moment de couper le ruban tricolore, un esprit badin trouve le moyen de glisser : "Savez-vous comment font les Belges pour inaugurer leurs machines à écrire ? Ils coupent le ruban."
Il y a là le maire, un sous-préfet, deux ou trois députés, quatre ou cinq costumes trois-pièces qui rêvent de l'être, un président d'un Conseil territorial, qui se targue d'avoir très bien connu Jacques Brel, et Maddly, la compagne des années insulaires...
Madame Jacques Brel, sollicitée, nous a donné son accord pour que feu son époux habite désormais dans l'ancienne halle aux grains de la commune...
C'est un petit classeur noir...
qui fait des choses quand on le touche. A la pince"Dymo", très en vogue dans les années septante, j'ai gravé sur un ruban rouge "Français". Je l'ai collé dessus. C'est à cause de madame Avy. Qu'est devenue madame Avy ? Si elle lit ces lignes, où qu'elle soit, même si elle est très vieille, même si elle est très laide, même si elle sent mauvais, même si elle est clouée sur un lit de souffrance, je souhaiterais qu'elle se manifestât.
Et oui, je suis devenu un grand écrivain ! Un de ceux qu'elle me fit rencontrer, dans un préfabriqué, à Montastruc, toutes fenêtres ouvertes -il fait déjà très chaud et les lattes du plancher étouffent-. Madame Avy me professe le Français. Même qu'un jour, monsieur, elle se paie le luxe de grèver le budget de l'Education Nationale (Ministre de l'époque oublié : voir Quid.) et elle amène un électrophone. Elle pose un disque dessus et alors, monsieur...
Elle m'interroge sur Brel comme si je ne connaissais que lui, comme si je n'avais que ça à afire, à écouter un chanteur, à vivre un peu... Elle avait fait le même coup avec Zola. Elle prétendait enquêter sur les mines de charbon et Germinal...
Madame Avy me met sous le nez et dans l'oreille "Le Plat Pays." Alors, vous comprenez, monsieur, c'est normal que ma tête se dégage et que je ne pipe plus mot.
(A suivre)
Joël Fauré
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Brèves
Le marathon des mots
Toulouse, la ville "Prose"
La réponse à la lettre que j'ai adressée à Alexandre Jardin le 13 mai 2002 m'est parvenue aujourd'hui même vendredi 15 juin 2007, et de la bouche même du destinataire, excusez du peu, venu lire "himself" (et avec quel talent devant un théâtre plein comme un oeuf dans le cadre du Marathon des mots.) des extraits de son dernier livre "Le roman des Jardin"
Voici d'abord la lettre suivie de la réponse.
La lettre :
"Bonjour Alexandre,
C'est le souvenir de votre père qui me dit aujourd'hui de vous approcher pour échanger quelques points de vue.
Il se trouve que je suis, moi aussi, autant -si ce n'est plus, tant pis pour cet orgueil- fétichiste des bottes qu'il a bien voulu le dire dans "La guerre à neuf ans."
Cet aspect de la personnalité m'a longtemps tourmenté, et ce n'est qu'après de longues réflexions que j'ai pu m'échapper du doute et de la curiosité qu'il suscitait.
Les mots de Michel Tournier : "(Des) cas (de fétichisme) peuvent faire sourire. Ils n'en illustrent pas moins un érotisme plus construit, élaboré et finalement civilisé que la sexualité considérée comme "normale" et qui, par son incapacité à dissocier érotisme et procréation, est directement responsable de deux énormes charniers, celui des avortements et celui de la famine dans le Tiers-Monde." (Michel Tournier, "Le Fétichiste") ont fini de m'éclairer sur le sujet et de me "laver" de tout souçon.
Je viens donc vers vous aujourd'hui, non pas pour quémander l'absolution, mais pour avoir votre avis sur la question.
Pour avoir lu certains de vos livres, il ne me semble pas que le fétichisme soit héréditaire mais je me trompe peu-être...
Si vous avez une minute, dites-moi objectivement ce que vous pensez de tout ça...
Je vous serre la main, salue au passage votre travail, et vous assure de mes meilleurs sentiments."
La réponse :
"Mon père ? Oui, c'était un fétichiste. Mais un fétichiste joyeux. Il déboulait à la maison avec plein de paires de bottes. C'était flamboyant."
Réponse réjouissante.
PS : Je confirme la sympathie naturelle d'Alexandre Jardin, et les rires qui ponctuent son discours...
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Mon égo hypertrophié a été très flatté, dans le hall du TNT où l'on attendait, toujours dans le cadre du Marathon des mots l'auteur Laurent Mauvignier (pour son très remarqué "Dans la foule")
Un responsable "marathonien" s'est approché de moi :
" - Excusez-moi ? Vous êtes Laurent Mauvignier ?"
Ca y est ! C'est un signe... Je sens que je vais enfin "percer"...
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Bonnes nouvelles de Delphine Mélèze, artiste "encagée" dont je vous ai dit beaucoup de bien dans mon billet du 25 mai dernier.
Après la Pologne, où elle a remporté un franc succès, son spectacle "universel" sera présenté cet été en Corée.
JF