2 juillet 2007 1 02 /07 /juillet /2007 16:38
Une petite annonce dans "La Dépêche du Midi"
Alors voilà l'itinéraire. Vous allez à la bibliothèque municipale de Toulouse, rue du Périgord, département des périodiques. Vous demandez à consulter les archives du quotidien "La Dépêche du Midi". Vous précisez votre recherche : mardi 28 novembre 1995. On vous apportera un volumineux registre.
Vous vous rendrez à l'exemplaire jauni de la date sus-dite, page 28. Ce sont les petites annonces. Vous y êtes ? Dans la dernière colonne à droite, sous la rubrique "Rencontres", c'est la troisième petite annonce :
"J.H. esthète, aimant Brel, Brassens, les mots et la sensualité des bottes de cuir qui dépassent le genou, rech. J.F. alter égo. Ecrire : X - 16463 "Dépêche" 31095 Toulouse Cédex."
C'est moi qui ai passé l'annonce. C'est dire s'il y a urgence pour trouver une botte à mon pied...
Le 14 décembre 1995, je reçois cette réponse :
"Votre annonce est ambiguë = c'est pour cela que j'ai hésité à y répondre. D'abord, elle est mal ciblée (on ne sait pas tout à fait ce que vous recherchez exactement, à part la sensualité, et encore exclusivement centrée sur un point, êtes-vous fétichiste ?) ; ensuite, on ne sait quasiment rien de vous = êtes-vous beau garçon, ou bien ingrat, petit, atteint de calvitie précoce, ou boutonneux ?
Ou encore terriblement timide, complexé ?
Vous insistez sur l'amour porté à 2 chanteurs, mais ce n'est pas le but d'une vie...
L'amour des mots, mais votre annonce ne le montre pas. J'essaie donc, sans trop d'espoir : j'attends votre appel, espérant avoir plus de renseignements sur vous.
Pourriez-vous m'appeler le soir tard, à partir de 21 H 30 ? Merci. Marie."
Je n'ai pas rappelé "Marie". Pour la bonne raison qu'elle a "oublié" de me communiquer son numéro de téléphone.
"Les filles, ça joue à jouer
Ca joue pour tricher
Ca joue pour gagner
Mais les chiens
Ca ne joue à rien...
C'est peut-être pour ça
Qu'on doit les aimer."
(Les filles et le chiens.)
La prochaine fois, promis-juré, je passe une petite annonce pour adopter un petit chien...

Un mauvais geste.
Je me souviens, c'était en novembre 1992, l'inauguration du Centre Musical Jacques Brel de "Saint-je-m'y-perds", dans la banlieue toulousaine.
Après les traditionnelles conventions (discours des élus, couper du ruban, découverte de la plaque... verbes interchangeables), le maire de la cité annonce qu'une "poète de Paris" va maintenant déclamer un poème de Jacques Brel : "Le Plat Pays".
Une dame s'approche du micro, distinguée, bien habillée, parfumée à la sulfateuse, et entonne son texte. A la fin d'une strophe, pour illustrer par le geste "le plat pays qui est le sien", elle jette son bras derrière elle, amplement, et sa main vient s'écraser sur le nez du Président d'une assemblée territoriale, celui-là même qui se targue de connaître Jacques Brel aussi bien que moi.
Le Président, imperturbable, garde un sang-froid déconcertant, malgré les rires feutrés de l'assemblée.
La poète termine quand même ses rimes, puis, ramenant sa main fautive sur sa bouche, mesure l'étendue de son geste, le regrettant confusément.
Le mouvement des marées, le flux et le reflux, le souci de restituer la gestuelle brelienne expliquent sans doute ce geste déplacé.

Nouveau seuil critique.
Plus que jamais, je sens mon sang qui bout dans ma tête. Tant qu'il n'y aura que des grumeaux, ça ira. Par contre, je crains les caillots.
L'éditeur a bien fait de se hâter de prendre mon livre. Quand il me l'a annoncé, j'ai caché ma joie. J'ai fait celui qui... Mais, à l'intérieur, mon plus beau manège s'est allumé et s'est mis à tourner...
Il y avait tellement longtemps qie j'attendais ça...
J'en avais plein les bottes d'arpenter les librairies, à fendre la tranche des livres des autres. Et d'arrêter ma lecture à 19 h 30 parce que la FNAC fermait. Et qu'il faudrait que je revienne demain si je voulais savoir la suite...

(A suivre.)

Joël Fauré

-----
Brèves:

Quelques miettes de madeleine.

Je me pose une question. Combien sont celles et ceux qui évoquent la fameuse "madeleine de Proust" sans jamais avoir lu l'historique passage où elle dévoile ses secrets ?
Pour la beauté du texte, voici. Lege, quaeso.
Mais avant, une astuce personnelle pour lire mon ami personnel, le fragile et délicat Marcel : n'ayez pas peur de la longueur des phrases, coupez "mentalement", ne tenez pas compte des parenthèses et des tirets de retrait, et vous verrez, ça va couler tout seul, et c'est vraiment très beau.
"Et tout d'un coup, le souvenir m'est apparu. Ce goût c'était celui du petit morceau de madeleine que le dimanche matin à Combray (parce que ce jour-là je ne sortais pas avant l'heure de la messe), quand j'allais lui dire bonjour dans sa chambre, ma tante Léonie m'offrait après l'avoir trempé dans son infusion de thé ou de tilleul. La vue de la petite madeleine ne m'avait rien rappelé avant que je n'y eusse goûté ; peut-être parce que, en ayant souvent aperçu depuis, sans en manger, sur les tablettes des pâtissiers, leur image avait quitté ces jours de Combray pour se lier à d'autres plus récents ; peut-être parce que ces souvenirs abandonnés si longtemps hors de la mémoire, rien ne survivait, tout s'était désagrégé ; les formes - et celle aussi du petit coquillage de pâtisserie, si grassement sensuel, sous son plissage sévère et dévot - s'étaient abolies, ou, ensommeillées, avaient perdu la force d'expansion qui leut eût permis de rejoindre la conscience. Mais, quand d'un passé ancien rien ne subsiste, après la mort des êtres, après la destruction des choses, seules, plus frêles mais plus vivaces, plus immatérielles, plus persistantes, plus fidèles, l'odeur et la saveur restent encore longtemps, comme des âmes, à se rappeler, à attendre, à espérer, sur la ruine de tout le reste, à porter sans fléchir, sur leur goutelette presque impalpable, l'édifice immense du souvenir."
Marcel Proust. (A la recherche du temps perdu. Du côté de chez Swann.)

*

Voyage autour de mon bureau.

Vraiment, la souris de l'ordinateur ressemble plus à une coccinelle.

Les tampons, timbres, dateurs, cachets font de la Résistance : ce sont les derniers Mohicans de l'administration de papa. L'informatique ne les détrônera jamais.

Vous croyez que si j'invente les rideaux pour fenêtres d'enveloppes à fenêtres, mon invention pourra être brevetée ?

Je m'étonne que les secrétaires n'utilisent pas de liquide correcteur pour se laquer les ongles.

J'ai punaisé sur le mur près de mon bureau deux citations.
L'une de Joseph Delteil :
"Qu'importe la pieuse formule bureaucratique, le formalisme de l'encre et de la parole quand il s'agit des choses du coeur."
Et, là où je suis, ça prend tout son sens.
L'autre de Paul Claudel :
"Je fais l'apologie du désordre qui, en m'obligeant à chaque instant à revoir les affaires qui jonchent mon bureau, m'empêche de les oublier, ce que je ferais certainement si elles dormaient en une pile bien arrangée."


Voici ma ligne directe :

123   123   123    123  123
456   456   45   456  456
789   789    789   789   789
*0#    *0#    *0#   *0#   *0#

123   123  12 123   123
456    456 456   456   456
789    789  789  789    789
*0#     *0#  *0#  *0#    *0#


*

A Camille, à son trouble, à ses caractères :

Mon indomptable,
Furtive mais pas captive.
(Tu n'aimerais pas.)
Tu m'obéis quand je ne veux plus que tu m'obéisses.
Tu lèches mes bottes quand je les ai enlevées.
Tu déjoues. Tu désarçonnes.
Tu brises mes fouets.
Et tu me suces quand je ne m'y attends plus.
Parce que c'est ton bon plaisir.
Animal, va !
Chameau ? Chien ? Lion ? Chat ? Hyène ? Mante ? Abeille ?
Ablette ? J'aime les bêtes.

JF



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commentaires

C
Voilà, sommes-nous comme des mésites, ces beaux oiseaux à la tête masquillée de lames de feu, comdamnés à ne pas voler de nos propres ailes, jusqu'à disparaître dans la nuit des temps? Camille ("Caractères").
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A
Intriguée par "mésite", je me suis plongée dans l'encyclo des animaux de mon Bambino.<br /> Et j'ai trouvé que c'était "l'oiseau le plus rare au monde"...<br /> Comme cela vous va bien à tous les deux!
Répondre
C
...Et pensez-vous avoir trouvé les caractéristiques du mésite qui nous ressemblent? Camille ("Caractères").
Répondre
J
Camille : Vous m'avez obligé à chercher... Forte, Camille. Forte.
Répondre
C
Je me fais souvent penser à un mésite. Savez-vous pourquoi?... Alors, c'est que vous en êtes peut-être un aussi... Camille ("Caractères").
Répondre

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