3 juillet 2007 2 03 /07 /juillet /2007 19:36
A France Brel.
Parce qu'elle a dû porter des jupes...

Parce que son père était fantastique mais invivable...
Parce qu'elle a accepté que je la tutoie...

Une maman, c'est important.
Ma mère a réussi le tour de force d'interviewer Jacques Brel après sa mort. Brel est assis dans un fauteuil ; elle doit trouver qu'il a les cheveux un peu longs et les lèvres luisantes. Brel dit : "Dieu, ce sont les hommes, et un jour, ils sauront." Cette vitre qui les sépare n'est rien. La télé en noir et blanc met face à face deux êtres qui m'ont bousculé. Brel est à Buzet-sur-Tarn, dans la salle à manger. Il passe dans la petite lucarne entre "La pie qui chante", "la vache qui rit" et mon père qui fait la gueule. Brel reproche à ma mère : "Vous savez, madame Fauré,  je crois que l'injustice la plus flagrante du monde, c'est l'attitude des adultes quand quelqu'un a dix ou quinze ans. Parce que là, il n'y peut rien. De cette attitude dépendra sa vie qui sera déterminante. C'est l'instant où il se demande si ce sont les adultes qui sont cons ou si c'est lui qui se trompe."
Que veut-il dire par là ? L-a-t-il entendu dire : "S'il était là, il serait à ses pièces le pauvre enfant." ? Parle-t-il de mon père ? Parle-t-il de lui-même qui obligeait ses filles à ne porter que des jupes ?
France prétend -à juste titre- qu'elle a des comptes à régler avec son père. Elle le dit fantastique mais invivable. Et le plus souvent absent.
Mon père, Fernand, était invivable, peureux, poltron. La seule chose agréable dont je me souvienne, c'est qu'il avait la main verte, qu'il était un excellent jardinier, qu'il m'a aidé à planter dans un petit pot la petite brindille de sapin offerte par le magazine "Pif-Gadget."

Le sapin de Pif.
Ainsi donc, en 1975, le magazine pour les jeunes "Pif-Gadget" avait eu l'heureuse idée de glisser sous son céllophane un jeune plan de sapin du Grand Nord. En fait, un épicéa. Je l'ai planté, avec mon père, d'abord dans un pot, puis en pleine terre, près du puits et de sa vieille pompe à chapelet, en orée de la forêt de Buzet-sur-Tarn (Combien j'aimerais qu'on rebaptise "Buzet-sur-Tarn" "Buzet-la-Forêt...)
Nous l'avons planté, très précisemment le dimanche 19 octobre 1975 (je l'ai marqué sur un petit carnet... vous savez, je note tout...) Et aujourd'hui, superbe et luxuriant, il me parle avec force et nostalgie du temps qui a passé. Il reste un vrai symbole de vie.
Je suis fier de le voir respirer. Nous l'avons planté, et j'ai souvent imaginé que d'autres enfants, à l'époque, avaient fait de même.
Et la question que je me pose aujourd'hui est la suivante :  "que sont les sapins de "Pif-Gadget" devenus ?" Où sont-ils ? Et leurs petits planteurs, ont-ils gardé la main verte ? Se souviennent-ils que le conifère du jardin qui a bien grandi est le reflet d'une époque ?
Je rêve d'établir une sorte de "sapineraie" du coeur, du souvenir et de la mémoire.
"Et qu'il soit pareil aux arbres que mon père avait plantés, fiers et nobles comme un soir d'été..." (L'homme dans la cité.)

Sur le tourne-disques...
Chez ces gens-là, monsieur, on sortait pas.

L'homme qui vit et l'homme qui écrit...
peuvent-ils, comme un seul homme, impunément étaler leur intimité ? La littérature nous a donné d'impitoyables journaux de l'intranquillité. Les auteurs, les artistes sont de grands oiseaux blessés qui regardent leur sang couler. Ils mettent sur la table leurs tripes et leurs cerveaux. Brel se moque des bigotes, mais avoue : "Je me rends compte que je suis moi-même un bigot." Les bourgeois ? "J'en suis."  Jef ? "Jef, c'est un peu tout le monde, mais c'est un peu moi."
"En fait, on n'invente rien, on se raconte."

(A suivre.)

Joël Fauré

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PETIT BILAN DE SITUATION
au bout de 3 mois de blog-notes

Ce qui est intéressant avec la "blogosphère", c'est l'échange, les arborescences, les associations d'idées. "Tenir un blog", je veux dire "l'alimenter" sans trop de mièvrerie n'est pas seulement destiné à quelques adolescentes suicidaires, selon l'idée fréquemment répandue. J'en veux pour exemple l'excellent travail de Pierre Assouline (La République des Lettres.)
Une fois déblayées la pléthore "médiocratique" et les fourmis masquées de loups de ce "no man's land" (mais vous savez, je suis comme tout le monde, et certains soirs, je vais dans des lieux crasseux, pisseux, merdeux...), l'outil est bien utile.

Je me suis aperçu que la tenue d'un blog était très chronophage.
Personnellement, j'y consacre environ deux heures par jour. Si je le fais, c'est que je veux bien le faire, me direz-vous ? Et vous n'aurez pas tort.
Je mets un point d'honneur à rendre ce"site" plus convivial (la "charte typographique" y aide), agréable à lire, à le fidéliser tant sur la thématique que sur le choix des mots et le respect de l'orthographe.
"A propos de bottes"  se voulait être au départ un espace entièrement dédié au fétichisme des bottes et des cuissardes. Et puis, très vite, ma passion de la littérature a repris le dessus. Il me permet de ressortir de mes tiroirs les manuscrits qui ont tous été unanimement refusés par les éditeurs !
Il n'empêche, je reste un homme aux semelles indécrottables, et les cuissardes feront toujours leur petit effet dans ma tête et dans mon ventre.

Les deux (!) lectrices fidèles et revendiquées de ce blog l'ont aussi compris : je souffre de troubles obsessionnels compulsifs assez invalidants pour être autorisé à écrire : "Les Toc, c'est une vraie saloperie".
Les mots que je trace sur la neige de cet écran ne sont que thérapie et catharsis. Tant mieux s'ils trouvent un écho favorable chez vous.

Je voudrais ici remercier Aurora, que j'ai l'impression de connaître depuis toujours, et qui a été le "catalyseur" de ce blog ; Camille, providentielle ; Téberli que je m'entête à écrire par son nom "Liberté" ; Théo et ses doux friselis et dentelles de mots, et tous(tes) les inconnu(e)s du hasard venu(e)s et à venir.

Brèves:

Noms d'oiseaux.

"Le poète est semblable au prince des nuées
Qui hante la tempête et se rit de l'archer
Exilé sur le sol au milieu des huées
Ses ailes de géant l'empêchent de marcher.'
Charles Baudelaire. (L'Albatros)

Camille a déniché des buissons épineux où il se réfugie le mésite. Aurora a consulté "l'encyclo de son bambino", et a découvert que le mésite était l'oiseau le plus rare du Monde. Et le plus vulnérable aussi. Elle en a déduit que nous en étions. Merci et bravo à elle. Nous l'acceptons dans la nichée. Pour la becquée et les bécots.
A mon tour de vous faire découvrir ce que vous ne saviez peut-être pas sur l'oiseau le plus apprécié pour sa chair : l'ortolan. (Non, ce n'est pas la contraction d'orthographe et verlan !) L'ortolan qui s'est si souvent retrouvé calciné (ou suicidé ?) dans l'assiette d'un certain François Mitterrand. (Il en était friand.) s'appelle ainsi car il fréquente assidûment les "orts", autrement dit les "jardins" en occitan.
Si vous venez un jour à Toulouse, vous pourrez vérifier mes dires : le square-jardin "Wilson" est "sous-titré" "Ort Wilson-Goudouli"
L'Amérique occitane, voilà un bon rapprochement est-ouest.

*

Dites le avec des fleurs.

Ce matin, pour agrémenter mon bureau, j'ai acheté un bouquet de fleurs. Des cosmos.
Ma mère en avait beaucoup dans son jardin. Le marchand me les a emballées dans une feuille de papier-journal.
J'ai mis les cosmos dans un vase et, avant de jeter la feuille de papier, je l'ai rapidement parcourue.
Je suis tombé sur une annonce qui disait : "Amandine. Soins du corps, Donjon. 10 h / 18 h 30. Avenue de la Gloire."  La gloire ! Suivait un contact téléphonique et le numéro du Registre du Commerce. J'ai appelé, je suis tombé sur une voix humaine. De femme. Je lui ai demandé ce qu'il fallait entendre par "donjon". Elle m'a dit : "Ce sont des rapports sado-masochistes". Je lui ai demandé si elle possédait des cuissardes. Elle m'a dit : "Oui." Je lui ai demandé ses tarifs : "120 euros une heure." J'ai remercié.
Tu vois, maman, je n'arrive pas à m'en sortir... même quand je veux penser à autre chose...
Dans le passé, je faisais ça aussi, mais en cachette, j'étais plus jeune, ignorant, frustré, le coeur battant, culpabilisé, humilié et tremblant, et après, j'avais du mal à passer à autre chose.
Aujourd'hui que la vie m'a appris, à mes dépens,  que la masturbation ne rend pas sourd mais que la frustration rend hypertendu, trois choses ont changé :
- j'appelle sans honte la dame de l'annonce ;
- j'ai bien envie de faire comme la dame de l'annonce (Déjà, avec 2 fois 120 €, je pourrais..) ;
- j'aime beaucoup plus les fleurs.

Joël Fauré



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commentaires

J
Teberli : Taratata... qu'est-ce que je lis là ? Jeu lilas ? Liberté, je suis votre voisin de planète, et si je sais à peu près aligner deux ou trois mots, je ne sais pas, comme vous, cultiver un jardin, m'occuper de la chair de ma chair... <br /> Vous serez toujours la bienvenue ici.
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T
Merci de ces mots gentils ..<br /> Mais voilà ... Teberli, qui se veut (voudrait ) libre dans sa tête, au moins, doit lutter très fort contre un terrible manque de confiance en elle ....Elle ne se sent pas "à la hauteur" quand elle lit vos notes et les commentaires de vos brillants commentateurs ...<br /> Elle sais, c'est con...<br /> Alors elle passe.. et elle se tait ....et elle le regrette... mais ... c'est comme ça ....<br /> C'est comme une maladie incurable
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J
Faut dire que je suis en réelle période de ravalement intérieur...je pense cette fois que le lien sera viable sinon http://lessansciel.hautetfort.com
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A
Faire bien quelque chose, oeuvrer, fantasmer, créer, donner forme, former à la débauche, informer, structurer....donner vie ...<br /> C'est peut être cela le cosmos ?
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J
LLG : Grand merci pour vos mots auxquels je suis très sensible. Mes connaissances rudimentaires en blogosphère me barrent la route lorsque je veux entrer chez vous. Est-ce normal ? Donnez moi une piste pour que je découvre le papier peint de votre appartement...
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petit jardin virtuel.

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c'est passer d'un espace à un autre
en essayant le plus possible
de ne pas se cogner."

Georges PEREC



 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

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