22 juillet 2007 7 22 /07 /juillet /2007 20:05

C'est comme ça, je ne me referai pas.
Ce devait être il y a une bonne dizaine d'années. J'effectuais mes premiers séjours dans ce qui allait devenir ma "résidence secondaire", ma "maison de répit" : la clinique psychiatrique "Castelviel", près de Toulouse. J'allais y apaiser le feu de mes dragons, poser un temps ma fatigue physique et psychique...
La vie, le temps, la pudeur m'ont dicté de ne pas dire qui j'y ai côtoyé... 
Ainsi le père de cet homme de télévision, maniaco-dépressif, qui me laissa m'asseoir près de lui, et me parla de Dali, qui, en guise d'autographe, lui offrit un chèque de une péseta ;
Ainsi la fille, adolescente alors, de  cet écrivain réputé dont ma mère a dévoré tous les livres ;
et surtout, ce prof de lettres, qui, par affinité élective, m'écrivit ceci :
"9.VIII
Nouvellement -mais néanmoins cher- ami,
Ce petit mot, pour vous laisser du temps.
Entre autres de vos pièces -et dans un but d'utilisation pédagogique- j'aimerais assez que vous puissiez tenir + ou - moins rapidement un exemplaire de votre pièce "L'Agence". D'après la lecture de votre press-book, c'est l'oeuvre qui m'a semblé la mieux adaptée à celle d'un jeune public, et à son "backround" environnant, mais c'est déjà un pléonasme.
Prenez votre temps ; il y a bien sûr des contraintes matérielles. Mais veuillez-y tout de même.
Je pars demain -croisons les doigts- mais j'ai pu apprécier dans nos quelques rencontres, un homme affable et humaniste, mais surtout un de ces héros de Tournier qui savent transformer un destin négatif en quelque chose de positif.
Ce fut une réelle joie de vous avoir connu, mais quelque chose me dit que nous n'en resterons pas là.
Votre.
D.B."
Je n'ai jamais revu D.B. 
Il m'avait beaucoup parlé de Michel Tournier, dont il était ami. De Michel Tournier, j'avais bien entendu dévoré "Le Fétichiste".
J'ai écrit une lettre à Michel Tournier... que je ne lui ai jamais envoyée.
Et le temps a passé.
Et ce soir, je ne sais pourquoi, j'ai interrogé -comme je l'avais fait avec Jeanne de Berg- les pages blanches de l'annuaire téléphonique, sur Internet maintenant, et j'ai tapé "Michel Tournier" dans l'endroit où je savais qu'il résidait, dans ce presbytère de la vallée de Chevreuse. (Il suffit de vous rendre sur l'excellente encyclopédie "Wikipédia" pour en "savoir" plus.
Comme tous les grands timides, je suis capable de grandes audaces, et j'ai appelé Michel Tounier. Et je lui ai parlé, en direct ! 
Bien entendu, je n'aurais pas voulu apprendre de sa bouche que D.B. s'était suicidé. Je ne compte plus les rencontres de "Castelviel" qui l'ont fait...
Le but de mon appel était précis : je souhaitais avoir son accord pour écrire en façade de ce blog, "JOURNAL EXTIME", terme dont il est l'inventeur.
Non seulement je l'ai eu, cet accord -et j'ai senti son plaisir lorsqu'il a renchéri : "Je suis heureux de voir certains de mes mots inventés dans le dictionnaire- mais nous avons taillé de bout de gras comme deux amis qui se connaissent depuis toujours !
Comme j'étais ému de lui parler, il me dit :
"Vous savez, j'ai laissé mon nom dans l'annuaire... je suis public... le plus ennuyeux, c'est quand on m'appelle parfois pour me vendre des chaussettes..."
Michel Tournier, 83 ans, membre de l'Académie Goncourt, auteur majeur du XXe siècle, a fait une mauvaise chute il y a quelques temps, mais n'a pas perdu le sens de l'humour :
"Je suis plein de métal."
Et comme je lui rappelai ses "anecdotiques" rencontres avec François Mitterrand ("Il est venu 4 fois." -il se posait en hélicoptère devant chez lui-), il me dit tout simplement :
"Vous savez, j'ai fait de mon mieux pour le recevoir. 
Peut-être que Satkozy va se décider ?"

 
Joël Fauré

PS : Un grand merci à vous, Monsieur Tournier. Vous m'avez dit que vous n'aviez pas d'ordinateur, mais vous avez beaucoup d'amis... Ce qui rétablit amplement "l'équilibre"...

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