1 août 2007
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11:49
La forêt de Buzet.
La forêt de Buzet s'étale comme la chevelure d'une jolie dame. Elle sent bon en toutes saisons. La pluie lave ses mèches. Le soleil moire ses houppiers. Le givre la laque. Le vent la fait frétiller et le temps teinte ses bouclettes.
Connaissez-vous la légende de la forêt de Buzet ?
Savez-vous que toutes les nuits de vent et de pluie, le vocabulaire de la forêt se donne rendez-vous pour s'amuser à construire des phrases ?
Il y a là de mots très simples comme "arbre, feuille, fougère, clairière, lierre, mousse, champignon."
Des mots plus compliqués comme "chêne sessile, chouette effraie, orée, houppier, tan, regros..."
Et enfin des mots très savants comme "sylve, saboté, sente, lai, chablis, futaie, aubier..."
Ils écrivent un Grand Livre qu'ils tiennent caché, et qu'ils mettront seulement à la disposition du Monde lorsqu'il sera terminé. Je leur ai promis de ne pas leur porter ombrage, avec l'ouvrage que vous avez entre les yeux...
Nul ne sait où est sa cachette, pas plus que nul ne sait où cette Société Secrète se réunit.
Et ce n'est pas faute d'avoir essayé de l'approcher, de la domestiquer.
Amis, voulez-vous vous bien chausser, vous bien couvrir, et venir avec moi à la recherche du Grand-Livre, et des choses écrites de la dernière pluie ?
Une nuit, alors que, longeant la forêt, je rentrai chez moi, j'entendis soudain des sanglots. Je m'approchai et je vis un sentier battu qui pleurait à chaudes larmes.
" - Nous n'avons pas la chance de la forêt de Brocéliande, se lamentait-il, avec ses riches heures et ses pittoresques personnages. Nous n'avons pas la célébrité de la forêt de Sherwood, avec Robin des Bois."
J'entendis quelqu'un répondre, que je ne voyais pas :
"- Il nous faut inventer notre propre histoire... Ce n'est pas par ce que nous dirons et nous ferons que nous aurons... Mais ce que nous écrirons sera notre vrai Trésor."
Et ainsi, ils se mirent à travailler...
Et c'est alors que je vis arriver des éperviers, des faucons hobereaux, des circaètes, des gypaètes barbus, des aigles bottés, des busards et des fauvettes venus des coupes, des pics et des pies grièches écorcheuses, de la périphérie ; et des pipits rousseline, des hibous majeurs ducs, des chouettes milan noir et des engoulevents.
Je racontait mon histoire fabuleuse à ma mère. Elle me répondis : "Mais où est-ce que tu vas chercher tout ça ?"
Quand Jeannette vivait dans la forêt...
Si vous consultez une carte de l'Institut Géographique National, vous constaterez que la périphrase de "poumon vert" est vraiment le terme ad hoc pour la forêt de Buzet. Comparez-là avec les planches anatomiques du "Petit Larousse Illustré". Les formes dont identiques.
S'il est une autre histoire, amis, que je dois vous conter, s'il est un autre personnage que je dois dessiner, dans ce petit livre consacré à ma mère, c'est bien ceux qui suivent. Ils auront du mal à contenir dans ces fragments éclatés, ces pièces de puzzle avec leurs contours si tourmentés.
Le lieu, je l'ai : c'est la forêt.
Quel vertige me saisit soudain, quand je veux écrire fort mais mesuré, tant la matière abonde et que je la veux maîtriser ?
(A suivre...)
Joël Fauré
La forêt de Buzet s'étale comme la chevelure d'une jolie dame. Elle sent bon en toutes saisons. La pluie lave ses mèches. Le soleil moire ses houppiers. Le givre la laque. Le vent la fait frétiller et le temps teinte ses bouclettes.
Connaissez-vous la légende de la forêt de Buzet ?
Savez-vous que toutes les nuits de vent et de pluie, le vocabulaire de la forêt se donne rendez-vous pour s'amuser à construire des phrases ?
Il y a là de mots très simples comme "arbre, feuille, fougère, clairière, lierre, mousse, champignon."
Des mots plus compliqués comme "chêne sessile, chouette effraie, orée, houppier, tan, regros..."
Et enfin des mots très savants comme "sylve, saboté, sente, lai, chablis, futaie, aubier..."
Ils écrivent un Grand Livre qu'ils tiennent caché, et qu'ils mettront seulement à la disposition du Monde lorsqu'il sera terminé. Je leur ai promis de ne pas leur porter ombrage, avec l'ouvrage que vous avez entre les yeux...
Nul ne sait où est sa cachette, pas plus que nul ne sait où cette Société Secrète se réunit.
Et ce n'est pas faute d'avoir essayé de l'approcher, de la domestiquer.
Amis, voulez-vous vous bien chausser, vous bien couvrir, et venir avec moi à la recherche du Grand-Livre, et des choses écrites de la dernière pluie ?
Une nuit, alors que, longeant la forêt, je rentrai chez moi, j'entendis soudain des sanglots. Je m'approchai et je vis un sentier battu qui pleurait à chaudes larmes.
" - Nous n'avons pas la chance de la forêt de Brocéliande, se lamentait-il, avec ses riches heures et ses pittoresques personnages. Nous n'avons pas la célébrité de la forêt de Sherwood, avec Robin des Bois."
J'entendis quelqu'un répondre, que je ne voyais pas :
"- Il nous faut inventer notre propre histoire... Ce n'est pas par ce que nous dirons et nous ferons que nous aurons... Mais ce que nous écrirons sera notre vrai Trésor."
Et ainsi, ils se mirent à travailler...
Et c'est alors que je vis arriver des éperviers, des faucons hobereaux, des circaètes, des gypaètes barbus, des aigles bottés, des busards et des fauvettes venus des coupes, des pics et des pies grièches écorcheuses, de la périphérie ; et des pipits rousseline, des hibous majeurs ducs, des chouettes milan noir et des engoulevents.
Je racontait mon histoire fabuleuse à ma mère. Elle me répondis : "Mais où est-ce que tu vas chercher tout ça ?"
Quand Jeannette vivait dans la forêt...
Si vous consultez une carte de l'Institut Géographique National, vous constaterez que la périphrase de "poumon vert" est vraiment le terme ad hoc pour la forêt de Buzet. Comparez-là avec les planches anatomiques du "Petit Larousse Illustré". Les formes dont identiques.
S'il est une autre histoire, amis, que je dois vous conter, s'il est un autre personnage que je dois dessiner, dans ce petit livre consacré à ma mère, c'est bien ceux qui suivent. Ils auront du mal à contenir dans ces fragments éclatés, ces pièces de puzzle avec leurs contours si tourmentés.
Le lieu, je l'ai : c'est la forêt.
Quel vertige me saisit soudain, quand je veux écrire fort mais mesuré, tant la matière abonde et que je la veux maîtriser ?
(A suivre...)
Joël Fauré