2 août 2007
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Quand Jeannette vivait dans la forêt.
Pleine, une vie l'est. Mais il n'est pas sérieux de la vouloir décrire. A peine ai-je dit : "la vie extra-ordinaire de Jeannette Mac-Donald" que le nom accroche. Mord. Fouette. J'entends d'ici mon père, lui outre-tombe, armé comme peut l'être un mort, me plomber d'un retentissant : "C'est cette femme qui t'a envoûté !". Sans doute avait-il raison, si l'on veut bien considérer que les envoûtements possèdent leur part de charme. Sans doute avait-il raison, le Vieux, ennemi de toujours de l'exotisme, seulement rencardé à 19 h 22 devant les "actualités régionales" présentées par Roger Surjus ou devant l'inaudible générique de "Questions pour un champion" -oui, si vous voulez me mettre au supplice, enfermez-moi quelque part et diffusez la musique du générique de "Questions pour un champion."-.
Nous sommes en 1973. J'ai 11 ans. Je suis plus habitué aux meuglements des vaches qu'aux rugissements des lions.
Jeannette Mac-Donald a fait les beaux soirs du cirque Français dans les années cinquante. Elle était dompteuse. Après une vie riche, intense, tout entière vouée aux bêtes -elle était la seule femme au Monde présentant un groupe de 10 lions-, elle a essuyé un revers de destin ; son cirque a brûlé, elle s'est retrouvée ruinée et a échouée dans la forêt de Buzet, dans un petit zoo qui végétait.
Je lui rends visite.
Sous les frondaisons de la forêt, elle a garé -pour toujours- ses vieilles roulottes, ses cages, son vieux chapiteau, ses lions, ses singes et son Arche de Noé. Elle a dans ses cheveux et son sillage le parfum vivifiant du voyage.
De sa vie dans "le Cercle Enchanté" ne restent plus que quelques photos jaunies -avec Michel Simon, Achille Zavatta...-, des programmes, des affiches et des costumes de piste. Des bottes, des gants, des fouets.
Je mesure, à l'aune de mes réflexions d'enfant sauvage, la chance que j'aie de gagner l'affection de "la dame du cirque", malgré les admonestations de ma mère qui me dit que je devrais pas fréquenter cette bohémienne, cette gitane, cette "voleuse de poules". N'empêche, je suis le petit garçon de "Cinéma Paradiso" devant la star de "Boulevard du Crépuscule".
Les "Amar, Bouglionne, Gruss et Zavatta" deviennent plus familiers que de lointains cousins. Elle me conte mille historiettes du Monde fascinant du Cirque...
Si mes doigts et ma tête me le permettent, un jour peut-être, je vous promets un livre sur Jeannette...
Elle vivait dans une minuscule caravane qu'elle appelait sa "caisse à savon", sans eau courante et sans électricité !
Tout mon temps libre, je l'ai passé là, dans la ménagerie Mac-Donald... au grand désespoir de maman...
Le dimanche, je devenais caissier du petit zoo (entrée 5 francs pour les adultes et 3 francs pour les enfants) et m'improvisais vendeur de cachuètes, de sucettes et de Coca-Cola...
Et quand Jeannette, le coeur plein mais les poches vides, me demandait de lui acheter une bouteille de gaz ou de lui avancer 100 francs, je le faisais, au nom des paillettes et de la poudre de perlimpinpin à mes yeux de ce bleu si clair, donc si fragile, si facilement aveuglé...
Pour une passion, faut-il dire "Combien ça vaut ?" ou "Combien ça coute ?" ou encore "Quand on aime, on ne compte pas ?".
Ma mère ne fit pas de sémantique. Lorsqu'elle apprit que j'aidais financièrement "la dame du zoo", sa sensibilité sanguine d'Auvergnate la propulsa dans la forêt. Et malgré mes tentatives d'apaisement, elle déboula dans la cage aux fauves et déclara que je n'étais pas un "tiroir-caisse"...
Ca se passait comme ça chez Mac-Donald.
Ephémérides.
Dimanche 10 juin 1979 : allés avec Joël au cirque Pinder à Saint-Sulpice. 2 places à 27 F l'une.
Lundi 2 juillet 1979 : Jeannette est venue voir le film "L'Age ingrat" avec Fernandel, Jean Gabin.
Dimanche 28 septembre 1980 : allés à la fête de Villemur avec Fernand. Joël resté au zoo.
Dimanche 1er mars 1981 : Le directeur du cirque Pinder donne 5 cartes de 4 places chacune à Joël pour Jeannette Mac-Donald.
Pleine, une vie l'est. Mais il n'est pas sérieux de la vouloir décrire. A peine ai-je dit : "la vie extra-ordinaire de Jeannette Mac-Donald" que le nom accroche. Mord. Fouette. J'entends d'ici mon père, lui outre-tombe, armé comme peut l'être un mort, me plomber d'un retentissant : "C'est cette femme qui t'a envoûté !". Sans doute avait-il raison, si l'on veut bien considérer que les envoûtements possèdent leur part de charme. Sans doute avait-il raison, le Vieux, ennemi de toujours de l'exotisme, seulement rencardé à 19 h 22 devant les "actualités régionales" présentées par Roger Surjus ou devant l'inaudible générique de "Questions pour un champion" -oui, si vous voulez me mettre au supplice, enfermez-moi quelque part et diffusez la musique du générique de "Questions pour un champion."-.
Nous sommes en 1973. J'ai 11 ans. Je suis plus habitué aux meuglements des vaches qu'aux rugissements des lions.
Jeannette Mac-Donald a fait les beaux soirs du cirque Français dans les années cinquante. Elle était dompteuse. Après une vie riche, intense, tout entière vouée aux bêtes -elle était la seule femme au Monde présentant un groupe de 10 lions-, elle a essuyé un revers de destin ; son cirque a brûlé, elle s'est retrouvée ruinée et a échouée dans la forêt de Buzet, dans un petit zoo qui végétait.
Je lui rends visite.
Sous les frondaisons de la forêt, elle a garé -pour toujours- ses vieilles roulottes, ses cages, son vieux chapiteau, ses lions, ses singes et son Arche de Noé. Elle a dans ses cheveux et son sillage le parfum vivifiant du voyage.
De sa vie dans "le Cercle Enchanté" ne restent plus que quelques photos jaunies -avec Michel Simon, Achille Zavatta...-, des programmes, des affiches et des costumes de piste. Des bottes, des gants, des fouets.
Je mesure, à l'aune de mes réflexions d'enfant sauvage, la chance que j'aie de gagner l'affection de "la dame du cirque", malgré les admonestations de ma mère qui me dit que je devrais pas fréquenter cette bohémienne, cette gitane, cette "voleuse de poules". N'empêche, je suis le petit garçon de "Cinéma Paradiso" devant la star de "Boulevard du Crépuscule".
Les "Amar, Bouglionne, Gruss et Zavatta" deviennent plus familiers que de lointains cousins. Elle me conte mille historiettes du Monde fascinant du Cirque...
Si mes doigts et ma tête me le permettent, un jour peut-être, je vous promets un livre sur Jeannette...
Elle vivait dans une minuscule caravane qu'elle appelait sa "caisse à savon", sans eau courante et sans électricité !
Tout mon temps libre, je l'ai passé là, dans la ménagerie Mac-Donald... au grand désespoir de maman...
Le dimanche, je devenais caissier du petit zoo (entrée 5 francs pour les adultes et 3 francs pour les enfants) et m'improvisais vendeur de cachuètes, de sucettes et de Coca-Cola...
Et quand Jeannette, le coeur plein mais les poches vides, me demandait de lui acheter une bouteille de gaz ou de lui avancer 100 francs, je le faisais, au nom des paillettes et de la poudre de perlimpinpin à mes yeux de ce bleu si clair, donc si fragile, si facilement aveuglé...
Pour une passion, faut-il dire "Combien ça vaut ?" ou "Combien ça coute ?" ou encore "Quand on aime, on ne compte pas ?".
Ma mère ne fit pas de sémantique. Lorsqu'elle apprit que j'aidais financièrement "la dame du zoo", sa sensibilité sanguine d'Auvergnate la propulsa dans la forêt. Et malgré mes tentatives d'apaisement, elle déboula dans la cage aux fauves et déclara que je n'étais pas un "tiroir-caisse"...
Ca se passait comme ça chez Mac-Donald.
Ephémérides.
Dimanche 10 juin 1979 : allés avec Joël au cirque Pinder à Saint-Sulpice. 2 places à 27 F l'une.
Lundi 2 juillet 1979 : Jeannette est venue voir le film "L'Age ingrat" avec Fernandel, Jean Gabin.
Dimanche 28 septembre 1980 : allés à la fête de Villemur avec Fernand. Joël resté au zoo.
Dimanche 1er mars 1981 : Le directeur du cirque Pinder donne 5 cartes de 4 places chacune à Joël pour Jeannette Mac-Donald.