7 août 2007 2 07 /08 /août /2007 19:51
Rendez-vous avec le hasard.
Quel est ce vent doux et frais qui parvient à mes narines quand je veux évoquer nos agréments de fin de semaine, quand je "sortais" avec ma mère ? Quand nous sortions de ces salles vite construites, et qui servent à tout, dans les villages, mais surtout à une manifestation qui ne fait appel ni à l'intellect d'une conférence, ni aux jambes d'un bal : je veux parler des lotos. Parfois appelés "quines" ou "rifles"... Si vous saviez combien nous en avons suivis, de ces rassemblements statiques, autour d'une table, les yeux rivés sur des cartons aux cases numérotées, à recouvrir d'un grain de maïs, au bon gré d'un tirage, pour gagner un canard grrrrrrrrrras ou un filet garni.
C'était, entre vingt-et-une heures et minuit, le vendredi ou le samedi, une grand'messe à laquelle nous avons souvent assisté.
"La Dépêche du Midi", dans des encadrés racoleurs, nous invitait au loto de la chasse, du rugby, du 3e âge, et nous promettait des lots magnifiques. Ce que nous gagnions surtout, c'était la sortie, juste après le droit d'être connu.
Oui, les lotos, c'est toute une époque ; les chiffres et les nombres des sources inépuisables de commentaires ; les grains faisant office de jetons des champs entiers de maïs...
Mais ces soirées hautement exaltantes nous allaient bien... Il n'y avait rien à dire si ce n'est : " 22 : les flics. 33 : Docteur. Un tout seul. 13 : Thérèse. 20 : sans eau. 90 : le papet." Et je passe sur certaines allusions...
De la grande littérature !
La vie nous faisait son numéro, et quand il n'en manquait qu'un pour que la chance, sous l'aspect d'une moitié de cochon, devint mon entière propriété, je sentais mon coeur battre très vite, parce qu'il faudrait crier, se manifester, et ça, ma mère m'avait bien dit que ce n'était pas très décent de le faire... Alors , je lui disais en tremblant : "Il m'en manque un... C'est bien à quine qu'on joue ?" Et quelqu'un d'autre criait, gueulait, hurlait... Alors, alors seulement, je retrouvai mon calme quand le meneur de jeu annonçait : Vous pouvez démarquer."
Ma mère avait son chiffre-fétiche : le 21. Ce soir-là, je vis un bon ange généreux -oui, un ange souffleur bonnes joues, aux contours beaucoup plus précis qu'il me semble voir les vôtres- se courber sur ses épaules pour regarder ses cartons. Je peux attester qu'il influa sur le destin. Par deux fois, le "21" sortit, et par deux fois ma mère, pas médiatique pour un sou, se retrouva à la tête de deux télévisions. Carton plein ! Enfin ! La grille des programmmes allait peut-être changer...

Ephémérides.
Samedi 8 février 1992 : Allés au loto à Cépet avec Joël et Mme Z. gagné deux téléviseurs portables échangé un pour mini-chaîne HI-FI.
Jeudi 27 octobre 1994 : TF1 est venu filmer Joël pour émission sur les tocs 37,5° le soir le 9 novembre 22 h 55. 4 heures de tournage.

Bonne fête maman.
Quel exercice difficile que de souhaiter une "bonne fête maman" à sa maman, dès les bancs de la primaire désertés. Je me voyais mal écrire ou téléphoner à Madame Labranque, pour lui demander si elle n'avait pas sous le coude un petit poème, ou s'il ne lui restait pas quelques godets de peinture à l'eau pour enjoliver un oeufrier en plâtre.
On se débrouille comme on peut. J'ai souvent offert des abonnements à des revues. Ainsi, la fête dure plus longtemps...
Quand au choix de la carte, c'est pas un cadeau !
Cette année-là, j'en trouve une où deux petits enfants en culottes courtes, -la petite fille tenant un bouquet de fleurs, le petit garçon un râteau ; en léger relief sur bristol- m'assistent dans l'offrande. Dans un style voulu très ampoulé, et impersonnel non-voulu -encore des impuissances à dire "maman" à ma mère- je rédige à la machine à écrire (achetée à "Mammouth" 3.000 francs) le texte suivant :

Mai 1991

Petite dissertation sans fondement véritable.
Il est urgent de reconnaître et d'avouer la banalité -j'allais écrire la médiocrité- des cartes imprimées à la hâte pour célébrer les nobles et augustes statuts des "génitrices", en d'autres termes plus prosaïques, des "MERES" communes, si éprouvées ou si joyeuses selon le cas ; déesses démiurges qui enfantent sur l'autel des Parques qui, à leur tour, vont tisser la toile du temps.
Oui vraiment, et j'en devisais récemment avec la marchande de ce présent carton, les concepteurs font montre d'une affligeante unité "kitch", destinée à satisfaire plus qu'à plaire au plus grand nombre.
Mais gardons-nous de condamner quand il s'agit des choses si simples dans leur complication. J'ai finalement opté pour ces innocents et purs jardiniers (secrets, sans doute) qui se rient des futilités économiques et démographiques. Je voudrais en toute simplicité, et très loin, derrière cette façade qui nous abrite ou qui empêche de nous comprendre écrire cette formule que je crois capable d'être honnête : "BONNE FETE MAMAN".

Et je rajoute à la main :

"P.S. : J'ai tapé ce texte à la machine car la difficulté à me lire m'a été souvent rapportée."

(A suivre.)

Joël Fauré

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Brèves :

Achille Talon a encore de la famille.

Je pensais l'avoir oublié. Je pensais qu'"il" n'avait eu aucune influence sur moi. J'avais feint de l'oublier, pour rentrer dans le moule des "paupérisés du vocabulaire", "des atrophiés du langage". Je me trompais. Il a suffi d'un regard sur la vitrine de la "bédéthèque" juste en bas de chez moi pour qu'"il" se rappelle à mon bon souvenir.
"Il" ? "Achille Talon", héros de bande dessinée, né sous le crayon de Greg.
Achille Talon et son langage torrentiel et emphatique, affublé de son voisin Hilarion Lefuneste, de son bon papa et de sa bonne maman à lui. Je n'aurais jamais dû oublier si vite que je possédais, en bas de ma bibliothèque la collection complète de ce héros que je suis presque devenu :  un quadragénaire ventripotent, suffisant, pompeux, mais aussi lâche et poltron. Mais que feraient bien de lire les moins de trente ans, histoire de faire office d'airbag à ces monstrueux accidents de parcours que sont les SMS, verlan et autres d'apocalyptiques acopopes.
Les albums d'Achille Talon, tout comme les volumes de la bibiothèque rose et verte que je n'ai plus honte de montrer, se sont enrichis le mois dernier d'un tout nouvel opuscule "Achille Talon grève l'écran", et ce malgré la disparition de Greg.

Veys et Mosqui, que je n'ai pas l'honneur de connaître redonnent souffle et vie à l'ami Achille, et toujours bien sûr aux éditions Dargaud.

J'ai retrouvé dans mes archives une lettre des éditions Dargaud, qui date d'octobre 1983. Il semble qu'à l'époque, ma folie me poussait déjà à écrire aux auteurs.
La lettre dit ceci :
"Nous accusons réception de votre courrier du 18 septembre et vous remercions de l'intérêt que vous portez à nos productions et plus particulièrement à ACHILLE TALON.
Il ne nous est malheureusement pas possible de vous mettre en rapport avec Monsieur GREG, qui depuis un an déjà dirige notre filiale américaine ; cependant, nous pouvons lui faire parvenir votre courrier.
Vous remerciant encore de votre fidélité,
Nous vous prions de croire, Monsieur, en l'assurance de nos sentiments les meilleurs.
Le Secrétariat Littéraire."

Je n'ai rien retrouvé d'autre.

JF





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commentaires

A
On fête les mères, oui, c'est la tradition...<br /> Mais vous ici, vous "faites" une mère à travers ces lignes qui serrent la gorge et ne nous quittent plus.
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