22 août 2007 3 22 /08 /août /2007 19:17
Ce petit livre est incomplet. Je me réserve le droit d'y revenir, de le retoucher.
J'aurais pu le découper en trois parties : l'amour, la haine, l'amour/haine.
J'aurais pu mettre l'accent sur une mère écrasante, étouffante, infantilisante, possessive, castratrice...
J'aurais pu chapitrer sur l'école, l'argent, le sexe, la bouffe, les fringues, la maladie et la mort.
Le thème est si difficile que j'ai dû prendre des détours, parler de ma maîtresse d'école, de la forêt, du lavoir, du téléphone, du marché, de la maison, de quelques entourages, mais pas vraiment du personnage, et j'ai même appelé à ma rescousse le souvenir de mes chiens...
J'aurais pu insister sur une mère "Ne fais pas, n'y va pas, tu sais pas."
J'aurais pu dire que les tabous, les non-dits, les interdits sont douloureux, que la religion catholique est culpabilisante, que nous autres, quadragénaires, sommes une génération sacrifiée parce que, alors que nous avions 20 ans, le Sida est venu planer... Et 20 ans auparavant, les soixante-huitards revendiquaient le droit de "jouir sans entrave"...
Alors ?
Alors quoi ?
Il est sans doute difficile d'écrire. La production littéraire, abondante, semble ne pas en refléter la réalité... C'est surfait, c'est spécieux, ça n'a qu'une apparence de vérité... Ah bon !
J'aurais tout aussi bien pu sortir un livre de recettes de cuisine, un recueil d'histoires drôles ou même un album à colorier...

Tout doucement.
Je dis à ma mère : "Je viens de terminer un livre sur Jacques Brel. On en a lu des extraits au Théâtre de Poche, tu sais, là où tu es venue. C'était bien.
- Ah ?"
Je lui dis : "Maintenant, je suis en train d'écrire un livre de recettes de cuisine. Je parle un peu de toi.
- Et qu'est-ce que tu racontes, encore, sur moi ?"
J'évoque un souvenir. Je réprime un sanglot déguisé en rire. Je demande une confirmation : "Tu t'es mariée en noir ou en bleu marine ?"
Je luis fais : "Tu t'en souviens ?"
Elle me répond : "Tout doucement."

Ma mère, Maman, Marthou, Marthe, Vé, Mamie Marthe, Maman Fauré, Madame Fauré, la femme de ma vie sont mortes le même jour.
Enfin, quand je dis qu'elles sont mortes, j'exagère. Elles ne le sont pas vraiment. Disons qu'elles m'offrent la moins douloureuse alternative d'un deuil blanc, d'un deuil d'essai.
Elles iront au ciel puisque le ciel existe vraiment.
Pour résussir à s'en convaincre, arrêtez la lecture et faites-vous apporter une fenêtre.

Suis-je d'abord veuf avant d'être puceau ?
La femme de ma vie a tué la mienne.

Finalement, j'aime bien les enterrements. Parce que c'est l'un des rares endroits où l'on peut pleurer, faire la gueule, puer, être laid, mal habillé, mal rasé sans que ça choque... Et puis, s'il y a de la belle musique, il n'y a pas de bal après la cérémonie. C'est bien commode pour ceux qui sont complexés par la danse.

Dernier acte.
L'An deux-mil et quelques grains de sable et de mil, à peu près à cette heure-là, à peu près à cet endroit-là, sont décédés Marthe, Madeleine, Mathilde Trémolières veuve Fauré, née le vingt et un novembre mil neuf cent vingt-sept, à Lestrade-Thouels (Aveyron) et Joël, Alain, Claude Fauré, célibataire majeur non-pacsé, né le cinq octobre mil neuf cent soixante-deux à Toulouse (Haute-Garonne).
Pour copie certifiée conforme à l'original.
Très original.

Toulouse, Novembre 2005 - Mai 2006

Joël Fauré
------

ET PUISQUE NOUS NE RECULONS DEVANT RIEN,
PROCHAINEMENT SUR CET ECRAN :
"LE LIVRE DE MON PERE"
Le nouveau récit captivant de Joël Fauré.

Partager cet article
Repost0

commentaires

C
Je referme ce beau livre qui m'a fait rire et pleurer et sourire et penser et je m'attarde encore un peu sur la dernière page, je le refeuillette de la fin à son début en reniflant l'encre et je ne me résigne pas à le fermer,parce que c'est douloureux de fermer un livre que l'on a aimé.Mais il y a cette Magie de la lecture, on sait que l'on peut y revenir à n'importe quel moment. Merci Joël Fauré. Camille.
Répondre
A
Ne reculez surtout jamais devant rien! C'est ce qui fait de vous et un vivant et un écrivain.
Répondre

Présentation

BIENVENUE

ESPACE LITTERAIRE ET EROTIQUE
Soyez les bienvenus sur cet "égoblog",
petit jardin virtuel.

N'oubliez pas, quand même, d'aller vous aérer.

"Vivre,
c'est passer d'un espace à un autre
en essayant le plus possible
de ne pas se cogner."

Georges PEREC



 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Recherche

Liens