11 septembre 2007 2 11 /09 /septembre /2007 19:20
"Qu'est-ce que tu fintes ?"
Le seul luxe de mon père était de voir sans être vu. Attention, pas de méprise. Il ne "matait" pas comme on dit aujourd'hui ; il n'était pas voyeur. Il n'y avait rien de malsain. Non, simplement, il regardait, il observait autour de lui, il posait ses yeux appuyés sur des êtres et des situations qu'il aurait peut-être voulu être, qu'il aurait souhaité connaître...
Il aurait été un bon contemplatif ou un bon prospecteur dans un institut de sondages.
Ce qui nous donnait en son langage : "Cette typesse, je la connais de la vue. Quand elle est à "Unico", tu peux être sûr qu'elle prend toujours deux grosses boîtes de tripous."
Ma mère, agacée, mais résignée, s'approchait de l'institut de sondages, les bras croisés sur le "caddie" qui lui servait de déambulateur, et lui disait : "Qu'est ce que tu fintes (regardes, épies), encore ?

C'est un petit sac de papier. Un de ceux qu'utilisent les boulangers et les pâtissiers pour "emballer" leur clientèle. Qu'il est joli ! Et doux au toucher, un peu comme du papier de soie. Le fabricant a imprimé dessus un motif désuet. C'est une petite fille, de dos. Un chapeau de paille avec un ruban. Je crois qu'autrefois on appelait ça un "suivez-moi jeune homme". Aïe, c'est malvenu de nos jours. Elle marche d'un bon pas, la petite. Dans sa main droite, un gros bouquet de fleurs, presque aussi grand qu'elle. Dans sa main gauche, elle tient du bout des doigts une boîte cartonnée, scellée en croisillon, jusqu'après la poire et le fromage, par un ruban noué.
Il y a des gâteaux à l'intérieur, j'en mettrais ma main à couper.
Si je veux rester dans le droit fil de mon histoire, je dois vous dire, amis, que mon père adorait une pâtisserie particulière : les noix japonaises. Ce sont des choux fourrés de crème et nappés de chocolat.

Les nouvelles vont vite.
Je viens de lire une page entière de journal où mon père y perdrait son grec, son latin et son patois. Vous aussi, vous me paraissez un peu largués, avouez-le. E-mail. Backup. Domaine en .eu. website créator antispam Amen est Régistrar Officiel auprès de l'Eurid (Européan Régistry of Internet Domain Names) i-pod. Pod-caster. Port USB. QTek ouvre la marche avec le 8 500, baptisé STRtrk, un combiné à clapet ultra-fin qui n'en embarque pas moins Windows Mobile 5.0 GPS, MP3, Bit et pixels. L'écran plasma 42 pouces du dernier LG 42PC1RR est HD ready, il embarque un tuner et une double entrée HDMI. Mais surtout, il se distingue par son disque dur de 80 gigaoctets. C'est un smilay ou un spam ? Mais le pire, si j'ose écrire, c'est le peer 2 peer. Le père dans le désordre, quoi...
Mon pauvre papa ! Combien ces trois mots me paraissent apaisants.

C'est un minuscule agenda.
Offert par la Compagnie des lampes "Mazda". C'est dire le luxe. Dans les toutes premières pages, "Oh" a cru bon de se souvenir du nom des parcelles de terre que lui ont légué ses ancêtres, et de les lister, avec leur contenance. Je retiens la poésie de leur toponymie tandis que ma memoire me remet les "pieds sur terre", me ramène avant-hier sur le champ. Le Commandant, Sous le bois, Entre les vignes, La Vigne longue, Le Ruisseau, La Cabane, Le Pommier dur, Lizarne, L'Ort bas, Les Camps Grands... On dirait du "Delerm", en beaucoup mieux... Leur superficie me rendait indifférent. Nous n'étions pas encore trop nombreux sur cette planète. Il y avait de la place pour tout le monde, et le soleil brillait normalement. Jamais je n'aurais pensé à formuler cette phrase : "Gardez-la terre que vous ont laissé vos parents : on n'en fabrique plus." 
Aujourd'hui, nous sommes de plus en plus nombreux, et il y a de moins en moins de place.

"Les Beaux ares"
Pardevant Maître Marcel Guigui, notaire, ont comparu Monsieur Fauré Fernand Pierre Guillaume et ses trois enfants. Pour une donation-partage entre vifs, il est fait appel à un géomètre Diplômé Par Le Gouvernement. Il arrive avec des ciseaux à découper la terre suivant les pointillés. Il m'échoit une parcelle de trente ares arables, un petit lopin en orée de la forêt de Buzet-la-Forêt, cadastré au Compoix, et sis Lieu-Dit "Camps Grands". Que vais-je bien pouvoir en faire ?
Un théâtre de verdure ?

(A suivre.)

Joël Fauré

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Brèves:

Où il est question de l'achat d'un lit

Oui, je veux un lit. Large, long et haut. A la hauteur de mes jambes. (A baldaquin ?) Fermé sans l'être.
C'est pour me préparer à la mort.
Amour il pourra y avoir aussi. Si mon lit bande. Si une me plaît assez. Elle pourra se frotter à mon corps, tel quel, gros, gras, rond, eczémateux, qu'importe... 
Elle saura qu'elle est jouira. Jouira.
Je la veux aussi libre que moi.
Si je suis bien, elle le sera.
Si je suis mal, je veux pas qu'elle le sache.
Si elle a mal, je veux pas qu'elle le cache.
Si elle est bien je serais Pacha

Je veux un grand lit. Cet objet, j'en serai le sujet. Il est un âge et un état où on peut dire : "M'est avis que je vais passer là beaucoup de temps de ce qui reste de ma vie... En regardant derrière moi, ce fut pareil, alors...
Autant être lucide."
Je me souviens du mot de mon copain José Artur : "Heureusement que le Christ n'est pas mort dans son lit. Au lieu de crucifix, on aurait des rectangles de ciment dans les églises et sur les places des villages."
Je me souviens de ce que me disait mon grand ami Jacques Brel, que j'ai très bien connu :
"Je prendrai
Un lit un grand le mien
Et qui sait ce que c'est qu'un homme
Et son chagrin
Un grand lit d'être humain"

JF


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commentaires

A
Vous voulez que je vous dise la vérité?<br /> C'est BIEN mieux que du Philippe Delerm.<br /> BIEN BIEN mieux...
Répondre
C
Oh Oh ! N'oubliez pas de retirez vos bottes de caoutchouc avant de vous mettre au lit...
Répondre

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en essayant le plus possible
de ne pas se cogner."

Georges PEREC



 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

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