23 septembre 2007
7
23
/09
/septembre
/2007
10:50
Cartes en main.
Elles se prénomment Pallas, Judith, Argine et Rachel.
Ils s'appellent David, Charles, Alexandre et César.
On les appelle Lahire, Lancelot, Hector et Hogier.
Ils sont rois, reines et valets.
Après souper, le lundi et le jeudi, ils se donnent rendez-vous. Le lundi chez Germaine et Mauriçou, à la ferme de Darnal ; le jeudi chez mon père et ma mère. Là commence alors la distribution des rôles, au petit bonheur la chance. Les hommes jouent avec les hommes, les femmes avec les femmes. Marthe avec Germaine ; Mauriçou avec Fernand. Je suis la doublure de Fernand. C'est l'une des rares distractions qu'il s'accorde : la belote. Aussi je ne peux refuser d'endosser le rôle. Sur le tapis vert, lui-même posé sur le chemin de table vert, lui-même courant sur la la nappe de tissu vert, dans la salle à manger verte, nous voici tapant le carton.
Le jeu de belote a été inventé par un certain François Belot, prétendent ceux qui l'ont connu. D'autres affirment que le terme "belote" viendrait de l'altération de "bel atout". Allez-donc savoir qui a raison ? Fernand Fauré, lui, s'en fout pas mal. Ce qui le fait vibrer, pour l'instant, c'est qu'il a en main une suite d'atouts à trèfle. Tout un champ. Si tout va bien, lorsque viendra sa tour, il ne dira pas : "Je prends", mais : "Allez tant pis, je vais essayer de prendre."
Germaine dira : "Ouuuuuh... s'il prend, c'est qu'il doit avoir du jeu." "Oh" se renfrognera mais ne le fera pas voir, et les hostilités pourront commencer.
C'est Marthe qui ouvre le feu. Son jeu est pauvre : elle hasarde un petit sept de coeur. Il faut bien commencer par quelque chose. Mon père n'a pas de coeur ; il casse celui de ma mère. Germaine fulmine. Elle jette une carte habillée, Lahire, le valet de coeur, fidèle compagnon de Jeanne d'Arc, un homme irritable, paraît-il, mort de ses blessures à Montauban. Mauriçou acquiesce. Le pli est enlevé par les messieurs.
Quelquefois, Germaine organise de petits interludes. Elle donne des nouvelles de gens que je ne connais pas, qu'elle a rencontrés au marché ; elle donne aussi des nouvelles de ceux qu'elle n'a pas rencontrés, et dont elle se demande s'ils sont en bonne santé.
On s'accorde une pause buvette. Les hommes boivent de la bière ; les femmes du sirop de grenadine.
"Oh" investit Lancelot, son valet de trèfle du titre de "maître". On se croirait dans "L'Ile aux esclaves" de Marivaux. Le valet prend sa revanche. Le neuf aussi. L'as aussi. Le dix aussi. Le roi et la dame aussi. Belote. rebelote et dix de der ! Les femmes sont "capot".
C'est bien la première fois que mon père fait le coup de la panne.
Samedi matin, 10 heures.
Le samedi matin, 10 heures. Et pas dix heures moins le quart. Et pas dix heures et quart. Dix heures. Il faut aller faire les courses à "Unico". Il y a belle lurette qu' "Unico" s'est agrandi, est devenu "Super U", mais c'est resté comme ça : "Unico". Une espagnolade. Mais pas à l'heure espagnole. "Oh" a connu l'emplacement actuel du supermarché en verte prairie. Voisine immédiate de l'usine Baudou. Ainsi, le samedi matin, il revient un peu sur des lieux connus, balisés. Tout comme le sont les travées de "Super U". Il croise la "typesse qui, tu peux en être sûr, chaque fois qu'elle va à Unico, elle prend toujours deux grosses boîtes de tripous." Mais sa femme, ma mère, n'est pas là pour lui dire : "Qu'est-ce que tu fintes ?" Ma mère, sa mère aussi, est clouée sur un fauteuil roulant.
Et lui, comme tous les samedis, il prend une pizza, un bidon de grenadine, des pruneaux, un cake aux griottes, des pommes dauphines et un poulet rôti sur place.
Certains samedis, c'est le drame : il a oublié le bidon de grenadine.
Certains samedis, coup de théâtre : il essaie les tripous. C'est vrai qu'ils sont pas mauvais.
Salir, ouvrir, entamer.
Avec mon père, il aurait fallu vivre sans salir, sans ouvrir, sans entamer.
(A suivre.)
Joël Fauré
------
Brèves:
Elles se prénomment Pallas, Judith, Argine et Rachel.
Ils s'appellent David, Charles, Alexandre et César.
On les appelle Lahire, Lancelot, Hector et Hogier.
Ils sont rois, reines et valets.
Après souper, le lundi et le jeudi, ils se donnent rendez-vous. Le lundi chez Germaine et Mauriçou, à la ferme de Darnal ; le jeudi chez mon père et ma mère. Là commence alors la distribution des rôles, au petit bonheur la chance. Les hommes jouent avec les hommes, les femmes avec les femmes. Marthe avec Germaine ; Mauriçou avec Fernand. Je suis la doublure de Fernand. C'est l'une des rares distractions qu'il s'accorde : la belote. Aussi je ne peux refuser d'endosser le rôle. Sur le tapis vert, lui-même posé sur le chemin de table vert, lui-même courant sur la la nappe de tissu vert, dans la salle à manger verte, nous voici tapant le carton.
Le jeu de belote a été inventé par un certain François Belot, prétendent ceux qui l'ont connu. D'autres affirment que le terme "belote" viendrait de l'altération de "bel atout". Allez-donc savoir qui a raison ? Fernand Fauré, lui, s'en fout pas mal. Ce qui le fait vibrer, pour l'instant, c'est qu'il a en main une suite d'atouts à trèfle. Tout un champ. Si tout va bien, lorsque viendra sa tour, il ne dira pas : "Je prends", mais : "Allez tant pis, je vais essayer de prendre."
Germaine dira : "Ouuuuuh... s'il prend, c'est qu'il doit avoir du jeu." "Oh" se renfrognera mais ne le fera pas voir, et les hostilités pourront commencer.
C'est Marthe qui ouvre le feu. Son jeu est pauvre : elle hasarde un petit sept de coeur. Il faut bien commencer par quelque chose. Mon père n'a pas de coeur ; il casse celui de ma mère. Germaine fulmine. Elle jette une carte habillée, Lahire, le valet de coeur, fidèle compagnon de Jeanne d'Arc, un homme irritable, paraît-il, mort de ses blessures à Montauban. Mauriçou acquiesce. Le pli est enlevé par les messieurs.
Quelquefois, Germaine organise de petits interludes. Elle donne des nouvelles de gens que je ne connais pas, qu'elle a rencontrés au marché ; elle donne aussi des nouvelles de ceux qu'elle n'a pas rencontrés, et dont elle se demande s'ils sont en bonne santé.
On s'accorde une pause buvette. Les hommes boivent de la bière ; les femmes du sirop de grenadine.
"Oh" investit Lancelot, son valet de trèfle du titre de "maître". On se croirait dans "L'Ile aux esclaves" de Marivaux. Le valet prend sa revanche. Le neuf aussi. L'as aussi. Le dix aussi. Le roi et la dame aussi. Belote. rebelote et dix de der ! Les femmes sont "capot".
C'est bien la première fois que mon père fait le coup de la panne.
Samedi matin, 10 heures.
Le samedi matin, 10 heures. Et pas dix heures moins le quart. Et pas dix heures et quart. Dix heures. Il faut aller faire les courses à "Unico". Il y a belle lurette qu' "Unico" s'est agrandi, est devenu "Super U", mais c'est resté comme ça : "Unico". Une espagnolade. Mais pas à l'heure espagnole. "Oh" a connu l'emplacement actuel du supermarché en verte prairie. Voisine immédiate de l'usine Baudou. Ainsi, le samedi matin, il revient un peu sur des lieux connus, balisés. Tout comme le sont les travées de "Super U". Il croise la "typesse qui, tu peux en être sûr, chaque fois qu'elle va à Unico, elle prend toujours deux grosses boîtes de tripous." Mais sa femme, ma mère, n'est pas là pour lui dire : "Qu'est-ce que tu fintes ?" Ma mère, sa mère aussi, est clouée sur un fauteuil roulant.
Et lui, comme tous les samedis, il prend une pizza, un bidon de grenadine, des pruneaux, un cake aux griottes, des pommes dauphines et un poulet rôti sur place.
Certains samedis, c'est le drame : il a oublié le bidon de grenadine.
Certains samedis, coup de théâtre : il essaie les tripous. C'est vrai qu'ils sont pas mauvais.
Salir, ouvrir, entamer.
Avec mon père, il aurait fallu vivre sans salir, sans ouvrir, sans entamer.
(A suivre.)
Joël Fauré
------
Brèves:
GUY CARLIER :
DEUX POIDS ET DEUX MESURES
JFDEUX POIDS ET DEUX MESURES
Guy Carlier, humoriste féroce, pourfendeur de l'argent triomphant, fait la fine bouche. Pour un peu, je le plaindrais.
Songez, "il a 58 ans et c'est dur de se lever le matin." A France Inter, il a demandé une petite augmentation. Refusée. Motif : "Nous ne sommes pas maîtres de notre budget"
avance le Grand Argentier, sonnant et trébuchant "Franceintérieurement", en poursuivant "[qu'il coûtait] déjà 80 000 euros par an à la station."
Du coup, il a filé sur "RTL" où on lui tendait les bras. "C'était étrange, confie Guy Carlier au "Monde" daté du 23/24 septembre, même dans les couloirs de RTL, quand j'y suis allé, je sentais les gens heureux de me voir là. Je me suis donc tout de suite senti très bien dans cette station, comme dans l'appartement d'une nouvelle femme qui vous séduit après une rupture amoureuse, une rupture douloureuse. C'est très agréable !"
J'ai toujours apprécié Guy Carlier pour sa finesse et son humanité. Il m'avait blessé une fois, alors qu'il avait eu des mots très mal pesés sur les TOC.
Aujourd'hui, il me déçoit, d'autant plus qu'on ne le sent vraiment pas dans le besoin.
"J'ai plusieurs projets en cours (...) confie-t-il à Martine Delahaye du "Monde", de la fiction pour la télévision, deux livres qui doivent sortir prochainement, et probablement, une participation dans "France 2 foot", le dimanche."
Oui, Guy, je reprends vos propres termes : vous êtes un enfant "gâté" et je vous trouve "indécent".
Du coup, il a filé sur "RTL" où on lui tendait les bras. "C'était étrange, confie Guy Carlier au "Monde" daté du 23/24 septembre, même dans les couloirs de RTL, quand j'y suis allé, je sentais les gens heureux de me voir là. Je me suis donc tout de suite senti très bien dans cette station, comme dans l'appartement d'une nouvelle femme qui vous séduit après une rupture amoureuse, une rupture douloureuse. C'est très agréable !"
J'ai toujours apprécié Guy Carlier pour sa finesse et son humanité. Il m'avait blessé une fois, alors qu'il avait eu des mots très mal pesés sur les TOC.
Aujourd'hui, il me déçoit, d'autant plus qu'on ne le sent vraiment pas dans le besoin.
"J'ai plusieurs projets en cours (...) confie-t-il à Martine Delahaye du "Monde", de la fiction pour la télévision, deux livres qui doivent sortir prochainement, et probablement, une participation dans "France 2 foot", le dimanche."
Oui, Guy, je reprends vos propres termes : vous êtes un enfant "gâté" et je vous trouve "indécent".