1 octobre 2007 1 01 /10 /octobre /2007 19:21
Ce petit livre est à l'image de mon pauvre papa et de moi-même : incomplet et imparfait.

Que c'est triste un jardin abandonné. Que c'est triste des outils veufs de mains. "Oh" est fatigué. Il ne repique plus la salade. Il ne trie plus la salade. Du bout de ses doigts déformés par l'arthrose, "Oh" me passe un peu la main.
Dans le garage, les sécateurs rouges m'invitent à débroussailler les ronciers.
Je commence un nettoyage. "Oh" paraît satisfait. Il me gratifie seulement de son "mais" habituel : "C'est bien mais tu n'as pas fait devant les poules."

Alors je pris une bêche et me mis à bêcher.
Je tirai la binette et poussai la brouette.
Comme George Sand qui inventait à Nohant "des parterres improvisés" et se réjouissait de remuer la terre, je communiai avec elle et me sentai très bien.

Alors encore, je travaillai comme un forçat du vert et du marron. Et le marron de la terre grasse me rendit des souvenirs de mon passé : la pièce d'un gadget de "Pif-Gadget", un soc de charrue, des éclats de bouteille d'"Huilor", des boîtes de pilchard en grande quantité, des bribes de briques, des fragments de pot-aux-roses-pourris, beaucoup de ferraille, et des déchets de caoutchouc en abondance (pourtant, pas d'hévéas à l'horizon, seule une certaine usine à quelques lieues de là.)

Alors enfin, je retrouvai ici et là les vestiges de la "Maison Vieille" : quelques poutres, portes, fenêtres, une volée de quelques marches d'escalier, des tuiles canal. Mais aussi, recuits par les saisons ou falsifiés sur leur âge, une croix des rogations en partie pourrie, un casque de la guerre de 1914 et une escopette à la crosse dévorée par des années de lutte et de combat avec elle-même.

C'est un jour comme un autre.
La mort est très forte. Elle gagne à tous les coups.
La Grande Faucheuse est venue cueillir "Oh" le jour de Noël. C'est pas neutre. C'est pas anodin. Un "pitchoun" arrive ; un vieillard s'en va.
Il a mangé. Il s'est assis sur une chaise de la cuisine, rose des vents sud-sud-est, en vis-à-vis direct du sapin de "Pif" qu'il m'avait aidé à planter.
J'ai dans l'idée de "m'amuser" à me fixer un objectif : recenser dans le vaste monde les âmes qui ont été soustraites à leurs corps ce jour-là. Le 25 décembre 2003. Si vous en connaissez, contactez-moi.

Il s'est éteint comme une bougie.
Fffffffffffffffff

FIN

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PROCHAINEMENT SUR CET ECRAN


"LA QUATRE DE COUVERTURE DU LIVRE DE MON PERE"
par Camille C.

*

Narcissiques, exhibitionnistes, décriés, nés d'un seul jet et sans retouche, écrits dans l'urgence et la compulsion
LES CARNETS
de Joël Fauré
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commentaires

J
Camille : Oui, avancer toujours, rester opiniâtre fort du vécu et du passé, et de ses enseignements. <br /> <br /> Aurora : Grand merci d'être venue accompagnée de Brassens. Je ne pouvais rêver meilleur invité.
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A
"Il s'est éteint comme une bougie".<br /> <br /> mais <br /> "dans [votre coeur], il brûle encore, à la manière d'un feu de joie"...
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C
Je reste devant ces lignes comme je resterais devant une montagne: impossible n'est pas le mot, il faut avancer, il faut gravir, ne pas se retourner et continuer pour enfin atteindre le sommet d'où plus rien ne peut arriver parce que le coeur et le corps ont fini d'expirer leurs attentes et leur souffrance. Vous avez atteint ce sommet Joël et ce livre est un mont haut d'émotion et de tendre pudeur. Merci.
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