5 novembre 2007
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20:08
J'ai accompli
36 métiers 36 misères
36 métiers 36 misères
Au nom d'une mauvaise santé, d'une difficile adaptation, et aussi de compétences
restreintes, j'ai accompli 36 métiers 36 misères : empaqueteur dans une fabrique de boîtes de conserves (3 jours), manutentionnaire dans une coopérative laitière (15 jours), ouvrier saisonnier
dans des vergers, laveur de vitres, colleur d'affiches. Et le reste du temps, je retournai, les yeux à terre, le dos courbé, presque en me cachant des miens, pointer au chômage.
Le dos courbé : pourquoi l'était-il à ce point ? Le poids des échecs faisait-il un travail de sape sournois ? Je demandai à consulter la COTOREP. Cet organisme se charge de réinsérer les tordus et les canards boiteux après les avoir reconnus travailleurs handicapés. Ma voûte dorsale dût faire impression, mon genu valgum sut se faire remarquer ; les tests d'efforts se firent éloquents ; quand à ma tête...
Je fus reconnus travailleur handicapé.
Des portes allaient s'ouvrir. Les portes des écoles, des centres de "recyclage", mais aussi celles de la "Fonction Publique"
On m'assura que je pouvais devenir un honnête employé de bureau.
On me demanda d'attendre.
Attendre. Avoir à marcher seul, à parler seul, à attendre seul. A rouler dans ma vieille 4L, en jetant de temps à autre un regard furtif sur le siège passager, désespérant de vacance, de béance. A regarder les livres d'images, toujours aussi brouillées.
Mon image de garde, qui s'était, on l'a lu, peu à peu éclaircie, était maintenant d'une parfaite netteté.
C'était une belle femme, debout, toute de cuir bardée, inévitablement chaussée de fascinantes bottes-cuissardes, la badine toujours à la main, et qui me disait : "A genoux, à mes pieds !".
Cupidon n'arrivait pas. Cendrillon et le Chat Botté s'approchèrent un peu plus.
Le dos courbé : pourquoi l'était-il à ce point ? Le poids des échecs faisait-il un travail de sape sournois ? Je demandai à consulter la COTOREP. Cet organisme se charge de réinsérer les tordus et les canards boiteux après les avoir reconnus travailleurs handicapés. Ma voûte dorsale dût faire impression, mon genu valgum sut se faire remarquer ; les tests d'efforts se firent éloquents ; quand à ma tête...
Je fus reconnus travailleur handicapé.
Des portes allaient s'ouvrir. Les portes des écoles, des centres de "recyclage", mais aussi celles de la "Fonction Publique"
On m'assura que je pouvais devenir un honnête employé de bureau.
On me demanda d'attendre.
Attendre. Avoir à marcher seul, à parler seul, à attendre seul. A rouler dans ma vieille 4L, en jetant de temps à autre un regard furtif sur le siège passager, désespérant de vacance, de béance. A regarder les livres d'images, toujours aussi brouillées.
Mon image de garde, qui s'était, on l'a lu, peu à peu éclaircie, était maintenant d'une parfaite netteté.
C'était une belle femme, debout, toute de cuir bardée, inévitablement chaussée de fascinantes bottes-cuissardes, la badine toujours à la main, et qui me disait : "A genoux, à mes pieds !".
Cupidon n'arrivait pas. Cendrillon et le Chat Botté s'approchèrent un peu plus.
C'était une belle femme
inévitablement chaussée
de fascinantes bottes-cuissardes...
inévitablement chaussée
de fascinantes bottes-cuissardes...
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Brèves :
Workperfect pour sexworker
Libé offre aujourd'hui deux pleines pages et une accroche en une à quelqu'un qui, je le crois, les vaut bien.
Jacky Durand pour le texte et Bruno Fert pour les images ont réussi une bonne synthèse et sont allés à l'essentiel sur un sujet pas vraiment facile.
Un homme, 47 ans, a fait le tour d'une question essentielle, et assume aujourd'hui ce qu'il est : un érotomane raisonné. Il a compris qu'il existait des histoires de coeur, des histoires de corps et des histoires de cul. Notre homme est "un tiers militant, un tiers sexothérapeute, un tiers sex worker".
Il n'a pas compris pourquoi, lorsque Chirac a été élu avec ses plus de 80 % de suffrages, avec une priorité : combattre l'insécurité, la première priorité a été de punir le racolage ! (Désolé, mais sans le racolage, je serais encore puceau et en plus mauvais état que je ne suis.)
Tout le reste est à lire dans Libé.
Moi, le fétichiste revendiqué, je retiens dans mon musée personnel deux photos assez magnifiques pour qu'elles aient sucité cette brève : une cuissarde rouge en gros plan, posée sur la couverture, et deux mains qui finissent de l'enfiler ; et la même cuissarde rouge (mais noire et blanche), semelle sur un coussin, le haut de la tige qui s'évase et un personnage masqué qui y dépose un baiser...
*
Comme un tableau fauve
Lorsque Flaubert a achevé sa "Madame Bovary", il aurait dit : "Ca y est, j'en ai fini avec ma Bovary. Qy'est-ce qu'elle m'a fait suer !"
Bien plus modestement -quoique- je viens de mettre un point final à une biographie sur une dame qui a beaucoup compté pour moi. Elle s'appelait Jeannette Mac Donald, c'était une dompteuse de lions célèbre dans les années 50. Son cirque a brûlé ; elle s'est retrouvée ruinée et a terminé sa vie dans la misère, dans une forêt, sans electricité, sans eau courante, sans téléphone (et même sans internet !) à deux pas de chez moi.
Il paraît qu'un biographé tue son biographe. Non seulement je ne suis pas mort, mais je vais défendre ce texte.
JF
Brèves :
Workperfect pour sexworker
Libé offre aujourd'hui deux pleines pages et une accroche en une à quelqu'un qui, je le crois, les vaut bien.
Jacky Durand pour le texte et Bruno Fert pour les images ont réussi une bonne synthèse et sont allés à l'essentiel sur un sujet pas vraiment facile.
Un homme, 47 ans, a fait le tour d'une question essentielle, et assume aujourd'hui ce qu'il est : un érotomane raisonné. Il a compris qu'il existait des histoires de coeur, des histoires de corps et des histoires de cul. Notre homme est "un tiers militant, un tiers sexothérapeute, un tiers sex worker".
Il n'a pas compris pourquoi, lorsque Chirac a été élu avec ses plus de 80 % de suffrages, avec une priorité : combattre l'insécurité, la première priorité a été de punir le racolage ! (Désolé, mais sans le racolage, je serais encore puceau et en plus mauvais état que je ne suis.)
Tout le reste est à lire dans Libé.
Moi, le fétichiste revendiqué, je retiens dans mon musée personnel deux photos assez magnifiques pour qu'elles aient sucité cette brève : une cuissarde rouge en gros plan, posée sur la couverture, et deux mains qui finissent de l'enfiler ; et la même cuissarde rouge (mais noire et blanche), semelle sur un coussin, le haut de la tige qui s'évase et un personnage masqué qui y dépose un baiser...
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Comme un tableau fauve
Lorsque Flaubert a achevé sa "Madame Bovary", il aurait dit : "Ca y est, j'en ai fini avec ma Bovary. Qy'est-ce qu'elle m'a fait suer !"
Bien plus modestement -quoique- je viens de mettre un point final à une biographie sur une dame qui a beaucoup compté pour moi. Elle s'appelait Jeannette Mac Donald, c'était une dompteuse de lions célèbre dans les années 50. Son cirque a brûlé ; elle s'est retrouvée ruinée et a terminé sa vie dans la misère, dans une forêt, sans electricité, sans eau courante, sans téléphone (et même sans internet !) à deux pas de chez moi.
Il paraît qu'un biographé tue son biographe. Non seulement je ne suis pas mort, mais je vais défendre ce texte.
JF