Le personnage tout rouge : Je suis mal à l'aise en situation d'échange et de convivialité. Permettez que je m'isole.
(Il se place à la place des deux femmes.
Bien campé au sol.
De façon délibérée, il pousse un cri strident, un brame, un hurlement, souligné par son pied droit, comme une ruade.
Semblant avoir évacué son trop-plein de douleur, il revient au devant de la scène.
Il ramasse le blason et le remet au décrocheur.)
Le personnage tout rouge : Monsieur, voici votre blason qui a mordu la poussière. Pensez à nous le ramener une fois qu'il aura été "repensé". Le prochain sera le vrai
premier. Un jour, décrocher deviendra routinier. Ce qui, pour certains, est une habitude, voire une contrainte, pour d'autres est une frustration, pensez-y aussi. Vous nous direz encore, si nous
sommes encore là, comment se sont passés les accrochages à venir. Et maintenant, laissez-nous seuls. Madame va arrêter si elle doit m'arrêter. (Le décrocheur de blasons salue et s'en
va.) Sale fin d'été. Sale fin d'été pour nous, coupables de tous les faits-divers de la planète. Dans un pays voisin, le démantèlement d'un réseau d'ogres qui aiment trop les enfants fait
les choux gras des feuilles de choux. J'en suis. A l'autre bout de cette ville, une fillette a été enlevée. C'est moi. Ici, on viole ; là, on tue ; plus loin, on torture : c'est toujours moi.
Mentir, voler, violer, c'est encore moi. Et jusqu'ici-même où l'on croit savoir de source sûre que quelqu'un ou quelqu'une a été trucidé. Je n'ose plus regarder les gens en face. A tout bout de
champ, on va me confondre et m'arrêter. Voilà, c'est presque fait. Allez-y, personne ne me soutiendra. J'ai perdu des amis, me suis brouillé avec ma famille. Rien ne ressemble moins à un homme
qui semble faire la tête et qui se tait qu'un homme habité par l'angoisse. Allez-y. Qu'est-ce que vous attendez ?
(A suivre.)