30 janvier 2008 3 30 /01 /janvier /2008 15:53

La chroniqueuse : Allons, monsieur, un petit effort. (Elle regarde la flaque, l'invitant à faire de même.) Aux noces de vilains petits canards, ces joyeux tétards en ribote... (Elle se penche un peu ; le marchand de parapluies aussi, dubitatif.) Et ces laborieux dauphins remettant de l'huile de coude dans les rouages d'une robote assujettie à ne plus rouler des mécaniques. Et ce loup vu par une loupe. Et ce dragon tenu par sa dragonne, qui ne sont pas à la fête du tout. Et ces grenouilles, dans cette grenouillère, montrant leurs cuisses à en faire rougir un escadron de gourmets carabins. Et là, débordé, cet agent limitateur de participes présents, passés, pressants et pressés. Et cette abeille, piquant la haute tige d'une botte de cuir déjà piqué.
(Elle se penche encore un peu ;
le marchand de parapluies aussi, scrutateur mais dérouté.
Puis il se redresse brusquement et lance un regard apeuré à la chroniqueuse et au peseur d'eau.
La chroniqueuse le fait pencher violemment.)
Et ces bourdons, ne sonnant même pas les Pâques. Nous sommes pourtant bien le mardi de Pâques, aujourd'hui ?

Le marchand de parapluies (Se redressant, rationnel.) : Aujourd'hui, nous sommes le mardi de Noël.

Le peseur d'eau : Nous sommes le mardi de Noël ? Comme le temps passe vite !

Le marchand de parapluies : Oui, nous sommes le mardi de Noël, il va pleuvoir, vous vous demandiez la main et je ne vois là qu'une bouteille qui mériterait seulement qu'on en fît des tessons.

Le peseur d'eau : Cette bouteille, monsieur, cette bouteille, pour laquelle je vous défends de prédire l'avenir, contenait un message de la plus haute importance. Laissons de côté les noces de canard, puisque vous ne voulez pas les voir pour mieux ne pas y assister. Mais cette bouteille, ah ! ça, la bouteille. Je défie quiconque de ne pas y porter intérêt. Oui, ça, la bouteille, vous la voyez bien ! C'est la bouteille qui cache le liquide.

Le marchand de parapluies : Laissez-moi vous dire ceci : je sais un homme qui fabrique des bottes qui dépassent le genou. Dans sa vie, il en a fabriqué sept paires. Il allait fabriquer la huitième quand il s'est aperçu, à posteriori, qu'elles présentaient un défaut de fabrication. Il s'est juré de retrouver les porteuses et les porteurs des bottes concernées qui devaient marcher en sept lieux différents du monde. Oui, mais où ? Il a fait le tour de la Terre. Mais la Terre est vaste. Il n'a retrouvé personne. Il aurait pourtant voulu leur dire : "Ces bottes présentent un défaut de fabrication : elles ne sont pas assez hautes, elles ne sont pas à la bonne hauteur des circonstances." 
(Pour se donner une contenance, le peseur d'eau suçote le stylo qu'il avait gardé à la main, puis le fourre dans l'une de ses poches intérieures.) 
Vous ne pouvez pas comprendre. Vous, monsieur le peseur d'eau, vous ne hantez que des va-nu-pieds, et madame la chroniqueuse, pour peu qu'elle s'intéresse un peu à l'eau, ne prête guère attention aux pompes qui sont laissées de côté par ceux qui n'y marchent pas dedans.
Je suis comme ces bottes qui trottent on ne sait où : je ne suis pas à la bonne hauteur des circonstances.
Pardonnez-moi d'être le premier à vous souhaiter un "Joyeux Noêl". Vous n'aurez qu'à dire aux autres et à ceux qui suivront qu'on vous l'a déjà dit.

(Il serre avec vigueur la main de la chroniqueuse, puis celle du peseur d'eau. Et s'en va.)

(A suivre.)

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commentaires

J
Elles sont faites de ce cuir dont on fait les bottes...
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A
"Ces bottes sont faites pour marcher."<br /> (air connu)
Répondre

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