Le peseur d'eau : Où en étions-nous restés ?
La chroniqueuse : Nous en étions venus aux mains.
Le peseur d'eau : Oui, c'est ça. Je vous avais écrit sur la main pour savoir si vous saviez si ce stylo écrivait. Et de quelle couleur. Nous voulions en avoir le coeur net, connaître si ce stylo est bien le même que celui qui a écrit le message de détresse des naufragés. Alors... Faites-moi voir vos mains. Si j'ai bonne mémoire, j'avais réussi à y coucher quelques mots sur vos lignes. (La chroniqueuse tend sa main ; le peseur d'eau l'examine.) C'est incroyable ! Il n'y a plus rien écrit.
La chroniqueuse : S'il n'y a rien écrit, c'est tout bonnement parce que ce crayon n'écrit plus. Il a pris l'eau et y fait tomber dedans le maigre indice qu'il aurait pu nous apporter.
Le peseur d'eau : Il écrit, vous dis-je. J'ai vu, de mes yeux vu ce que j'avais marqué pour l'essayer. Il faut croire que ça ne vous a pas beaucoup marquée. C'est vraiment incroyable. Voulez-vous que nous renouvelions l'expérience ?
La chroniqueuse : Si cela peut vous être agréable. Mais cette fois-ci, je regarde.
Le peseur d'eau : Pourquoi, tout-à-l'heure, ne regardiez-vous pas ?
La chroniqueuse : Je me méfie de ce qu'écrivent les hommes.
Le peseur d'eau : Mais enfin, il n'est question que d'un essai, que diable ! Votre main n'est pas un parchemin notarié, ni un exploit d'huissier. (Elle tend la main, paume ouverte.) Où est le stylo ? Où est le mobile ? Rien n'est plus mobile qu'un stylo.
La chroniqueuse : Je vous ai vu tout-à-l'heure en train de le sucer. Puis vous l'avez remis dans l'une de vos poches, un peu comme s'il vous appartenait.
(Confus, le peseur d'eau fourrage dans ses poches.
La chroniqueuse a laissé sa main tendue.
Un homme arrive.)
(A suivre.)