28 février 2008 4 28 /02 /février /2008 15:17

La femme qui fait ça en blanc : Arrêt de jeu. Un peu glorieux contretemps : le retour de la pesée fantastique ! Vous n'avez pas lambiné.

(Le brûleur de cageots se retourne.)

L'inventeur de la machine à peser la souffrance : Vous n'avez pas l'air enchantée de nous revoir. Nous gênons, peut-être ? Je me souviens pourtant de vos mots : "Nous vous attendons. Nous ne bougeons pas." Nous avons fait court et vite.

La femme qui fait ça en blanc : Oui, oui, bien sûr. Pour nous désennuyer un peu -nous tardions de vous revoir- nous nous sommes livrés à une petite expérience. Ce qui est excitant, voyez-vous, c'est que nous vivons tous en direct. Nous avons voulu flatter et encenser l'unicité de l'exemplaire, l'unicité du temps présent. Dans le prochain quart d'heure, il va peut-être survenir le micro-événement ou la méga-anecdote qui va profondément modifier le cours d'une existence. Imaginez : vous apprenez coup sur coup une très bonne et une très mauvaise nouvelle. La très bonne : vous avez gagné une somme importante à la loterie. Et vous aimez beaucoup l'argent. La très mauvaise : vous apprenez la mort de votre mère. Et vous aimiez beaucoup votre mère. Quelle est la nouvelle qui l'emporte ? Hein ? Il reste à inventer une machine !
Et bien, ce quart d'heure, nous avons voulu le vivre plus intensément. En fait, nous ne nous attendions à rien de transcendant. A preuve, c'est vous qui êtes arrivés. Ca se passe souvent comme ça. Je voulais aussi voir comment s'y prenait monsieur pour vieillir... Et vous, alors ? Racontez-nous comment s'est passée votre équipée...

L'inventeur de la machine à peser la souffrance : Nous avons fait vitement. Ca urgeait. Nous avons d'abord traversé une jachère, jonchée de tas de fumier fumant à épandre. Bonne odeur. Parvenus aux premiers angles du hameau, notre attention a de nouveau été attirée par une odeur de fête foraine. Et une musique de limonaire. Pressés, mais curieux, nous nous sommes approchés. C'était un très original manège de tampons-dateurs. Oui, vous m'entendez bien, de tampns-dateurs. En lieu et place de chevaux de bois et de cochons en saindoux synthétique, de gros tampons à molette comme on en trouve dans les bureaux. Actionnés par des vérins, ils imprimaient sur un tapis de sol les dates idoines du calendrier grégorien. Le tapis devait être régulièrement changé : il n'y avait pas encombrement de l'emploi du temps. Nous avons échangé quelques mots avec la directrice de l'établissement itinérant. Elle a tenu à nous préciser qu'elle n'était que la co-gérante, que son affaire tournait bien. Enfin, dans le bon sens. Mais qu'elle ne savait pas si ça allait durer. Je lui ai dit que j'avais inventé une machine à peser la souffrance et que je la mettais à sa disposition en cas de besoin. Puis nous sommes allés chez moi. Monsieur est entré dans ma machine et c'est alors que je me suis incliné devant la lourdeur de son chagrin. Pour tenter de faire diversion, je lui ai expliqué le fonctionnement de ma machine. Je lui ai lu la propre notice que j'ai élaborée ; je lui ai demonté les rouages et les arcanes ; j'ai dévoilé le mécanisme. Et c'est alors que nous avons eu, ensemble, en inspectant le mécanisme, une révélation. Entre deux poulies, une courroie ! Une courroie parfaitement non-nomenclaturée, en tous points ressemblante à la cassée. Vous saurez imaginer la suite... (Il désigne la courroie.) Face au désespoir mécanique de monsieur, j'ai donné la courroie. Pour le dépanner.

(La femme qui fait ça en blanc prend une photo de la courroie.)

(A suivre.)

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