L'homme : Alors, c'est vous ?
La femme : C'est moi.
L'homme : Chargée de dresser l'état des lieux communs ?
La femme : C'est bien ça.
L'homme : Je me suis mis ici pour ne pas qu'on me voit. Mais je ne sais pas si c'est la meilleure place...
La femme : Vous savez, les gens se parlent entre eux : c'est la coutume... C'est la tradition... C'est le folklore... On dit beaucoup de choses sur vous. Il y a longtemps que vous êtes là ?
L'homme : Ici, (geste étroit) pas depuis lontemps, depuis dix minutes environ. Mais ici, (geste large) depuis un peu plus de quarante-cinq ans.
La femme : Pourquoi êtes-vous comme ça ?
L'homme : Vous m'en voudrez beaucoup si je vous le dis ?
La femme : Je crois que non.
L'homme : Je crois que oui. Vous l'aurez bien cherché. Si je vous pince très fort le bras comme ça, en insistant et en tordant la peau entre le pouce et l'index... (Il lui pince très fort le bras ; elle crie de douleur et lui donne une gifle.) Ca fait mal, hein ? Ca fait même très mal. Bien. Maintenant, si je vous caresse tendrement la joue, comme ça... (Il lui caresse la joue ; elle est toujours "sous le coup" de la douleur.) Qu'est-ce que vous allez retenir ? La caresse ou le pincement ? Ne me répondez pas. Demain, vous aurez un bleu ici. Peut-être même un hématome. Et bien, voyez-moi, inspectez-moi, auscultez-moi : je suis un bleu ! Vous comprenez mieux ? Si demain l'on me propose d'être aussi heureux que je fus malheureux, je refuse : la charge est trop lourde.
(A suivre.)