22 avril 2008 2 22 /04 /avril /2008 12:22

ACTE II

Décor inchangé.
Nuit.
La voiture, "tous phares allumés".

L'experte en tôle et l'ancien garçon de ferme sont dans la voiture.

Voix off : Nous avons beaucoup roulé. Notre volonté était notre seul carburant. Nous avons traversé des villes et des villages, parcouru des habitats dispersés, recensé des habitats concentrés, entr'aperçu des fermes isolées, effleuré des immeubles encastrés. Que se passe-t-il sous tous ces toits, dans les demeures ? Combien de détresses, de drames, de secrets avons-nous frôlés ? Nous qui cherchions à savoir, à côté de combien de vérités sommes-nous passés sans les soupçonner ? De greniers et de galetas où, près d'une collection de vieux "Pif-Gadget" dorment des Van Gogh et des manuscrits de Barbara ; de caves où sont retenues et attachées des gamines volées dont on voit la frimousse dans les journaux ; de mansardes ou de donjons aménagés, aux murs tendus de reps et de serge, où prélats, politiques et décideurs se font fouetter, assujettis sur des croix de saint-André. A côté de combien de corps perdus, assassinés, mutilés, ne nous sommes-nous pas arrêtés ? De toute façon, la police et les journaux n'en font qu'à leur tête. Les journaux, quand ils n'ont pas pu voler la photo de la victime, ou, mieux, celle de l'assassin, publient la photo de la maison de la victime. "La maison où s'est joué le drame". "La maison du crime". "La maison..." La maison... Comme s'il n'y avait pas assez de tuiles comme ça !
Oui, nous avons beaucoup roulé. Oui, notre volonté était notre seul carburant. Mais nous avons failli en manquer. Nous nous sommes arrêtés dans une station-service pour faire le plein d'énergie. Un panneau disait : "Mécanique toutes marques". Nous avons demandé au pompiste s'il ne pouvait pas nous aider à ouvrir notre malle qui était coincée. Il n'a pas posé de question. Il a fallu du décapant, du dégrippant, un pied de biche, de sanglier et un chalumeau pour qu'enfin cèdent des espèces de gonds. Le coffre ouvert, ce que nous y avons trouvé n'a pas manqué de nous surprendre mais nous n'avons rien laissé paraître... Le pompiste n'a toujours pas posé de question. Tant mieux. Nous avons payé et nous sommes repartis. Nous avons encore beaucoup roulé...

(Durant cette narration, la lumière croît.
Pleine lumière.
Les phares s'éteignent.
L'experte en tôle et l'ancien garçon de ferme descendent de voiture.
L'ancien garçon de ferme s'étire et se dégourdit les jambes, comme il est naturel de le faire après avoir beaucoup roulé.)

(A suivre.)





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