L'ancien garçon de ferme : Bonjour. Savez-vous où nous sommes ?
La femme au calendrier : "Mi ville Sainte - Mi ville d'eau".
L'ancien garçon de ferme : Pouvez-vous nous en dire un peu plus ?
La femme au calendrier : Oui. Vivait ici, dans le temps, une jeune fille sage et rangée, malmenée par la vie. Elle allait, puisq'il le fallait. Elle n'avait pas demandé à être
là. Si on le lui avait demandé, elle aurait dit non. Elle n'avait que des qualités : sa générosité était légendaire ; sa chasteté proverbiale. Elle parlait avec douceur, baignée dans une vie de
poésie, où pas un mot ne dépassait l'autre. Et puis un jour, elle s'est lâchée. Elle a dit : "Con, couilles, bite, trou du cul. Oh ! oui, prends moi par les trous..." Il paraît alors que Dieu est
descendu, l'a giflée et lui a dit : "Qu'est-ce que tu es conne, à trois mots près, tu avais ta statue dans les églises." Et, depuis, Dieu est devenu dépressif. Ici, on s'en est souvenu, et on en
a fait une curiosité pour les touristes et les pélerins souffreteux. Pour ce qui est de l'eau, elle ne soigne pas mieux qu'ailleurs les rhumatismes; mais ça ne coûte rien de croire le
contraire...
L'ancien garçon de ferme : Si ma mère était là, elle serait à ses pièces...
L'experte en tôle : C'est très commerçant, ici...
La femme au calendrier : Ne les écoutez surtout pas. Ils vous vendraient n'importe quoi. Vous êtes ici en touriste ou en pélerin ? Au vu de votre plaque minéralogique, je
constate que vous n'êtes pas de la région.
L'experte en tôle : Nous suivons un itinéraire tracé d'avance par quelqu'un que nous aimerions bien connaître...
La femme au calendrier : Un voyage organisé, en quelque sorte ?
L'experte en tôle : En quelque sorte...
La femme au calendrier : (Désignant la voiture.) Elle tiendra le coup ? Elle aurait bien besoin de passer par les Mines.
L'experte en tôle : Elle en a vu d'autres... Merci pour tout. Le programme est chargé. Nous devons faire un peu vite. Sans quoi les volailles n'auront plus rien pour se percher.
Nous avons un plan de bataille à respecter, une lettre à ne surtout pas poster, un vieux carré de journal jauni à terminer de lire. Nous avons aussi affaire à un enfant de la balle qui veut
installer coûte que coûte ses gros cubes sur notre trajet. Et par dessus le marché, de terrifiants hommes orange qui exercent sur nous une terrible pression. Et, à dire le vrai, cette voiture,
qui ne nous appartient pas, c'est un emprunt pour la vacance, nous pèse sur les bras.
La femme au calendrier : (Interloquée.) Ca me laisse sans voix.
L'ancien garçon de ferme : Tenez, prenez-donc un ticket à converser. (Il lui tend un document. La femme au calendrier s'en saisit et lit.) "Vous y comprenez quelque
chose, vous, à... (Entre parenthèses, choisir un thème brûlant d'actualité.) Le temps va-t-il changer ?" Vous savez, je suis limitée. Non pas en intelligence, mais en volonté de tout vouloir
comprendre.
L'ancien garçon de ferme : Eh bien ! Vous voyez ! Ca marche !
(A suivre.)