La fille caramel : Est-ce ce que nous attendons ou bien devons-nous attendre autre chose ?
Le redevenu vert : Que dit-on de moi maintenant que je suis sur une voix de garage ? Que dit-on au village ?
La fille caramel : D'après vous ?
(Un temps.
Une main sort de l'embrasure de la fenêtre et allume la radio.
Musique de fond.)
Le redevenu vert : (Attitude du comédien qui va déclamer avec emphase.) Tout le village est en oriflammes. C'est de l'art pompier. Bleu côté hampe. Sur
dominante blanche, une étoile rouge à quatre branches et douze boules. A fait : à quel moment une étoile est-elle une croix ? Et une étoile de mer une croix de terre ? Et une croix de terre une
croix de guerre ? Un nuage de lait au dessus l'ancienne laiterie. Au ciel coiffé de ces nuages, une farandole de gypaètes barbus s'essaie maintenant à la tarentelle. Sur la place, des
bourgmestres en épitoge tentent de se faire élire par une ecclésia de marguerites. Des couples d'amoureux vont chercher des raiponces en bordure des sous-bois. Oberons, asperges
sauvages, lacets de cordonniers se laissent par eux cueillir. Sous les branches d'un sapin du grand Nord, des violettes rougissantes donnent un bal. Huit cents feux à tout casser. Plus personne
ne rentre chez personne. Tout le monde regarde la télé-réalité en aillant ses rôtis et en cassant du sucre sur des fraises sauvages. Seul, le facteur apporte l'exotisme des filatures du nord du
Pays. Dehors, l'existant existe près du préexistant. Que de cagibis, de cages à poules et à lapins ! Que d'étables et d'établis ! La vie passe et ripoline tout.
(Un temps.)
La fille caramel : Et...
Le redevenu vert : Parlez ! Exprimez-vous si vous estimez que ce que vous allez dire est mieux que le silence.
La fille caramel : Et... Vous vivez seul, ici ?
(A suivre.)