(Le redevenu vert s'approche de la boîte aux lettres ; l'ouvre, regarde à l'intérieur.
La referme.
L'ouvre de nouveau.
La referme.)
Le redevenu vert : A quoi ça tient, une vie ? A un détail. Vous connaissez l'histoire de ce type qui envoyait tous les jours une lettre d'amour à celle qu'il aimait ?
Tous les jours, il glissait sa lettre dans la boîte de son village. Jamais elle ne lui répondait. Il insistait quand même. Ca aurait pu être aussi simple que ça : passer comme une lettre à la
poste, comme on dit. Et un jour, on a tout compris : la boîte aux lettres n'était jamais vidée ! L'administration des Postes avait oublié qu'elle existait ! Et le plus cruel, c'est que celle qui
aurait dû recevoir les lettres languissait, guettait désespérément le facteur : "Peut-être aujourd'hui aurais-je une lettre ?" se disait-elle. "Peut-être aujourd'hui."
(Un temps.)
La fille caramel : Une diversion, encore et toujours. Je commence à connaître la chanson. Pourquoi avez-vous quitté la radio ? Vous avez placé de l'argent qui vous
rapporte ? Non. Vous avez investi dans la pierre ? Non.
(Une main se glisse dans l'embrasure de la fenêtre et éteint la radio.)
Le redevenu vert : (Il se retourne vers la fenêtre.) Elle ne supporte plus rien.
La fille caramel : C'est pour elle que vous avez fait tout ça ? (Elle se retourne vers la fenêtre.)
Le redevenu vert : ...
La fille caramel : C'est pour elle que vous avez fait tout ça ?
Le redevenu vert : Qu'est-ce que c'est ? Vous n'avez pas entendu ?
La fille caramel : Quoi ?
Le redevenu vert : Comme une explosion...
La fille caramel : (Elle va s'asseoir. Prend de quoi écrire et lit ce qu'elle écrit :) Ca ne va pas être facile de trouver les mots... Comment allez-vous ? Et quand
reviendrez-vous ? Nous sommes un certain nombre à vous attendre. Il paraît que quelqu'un va nous apporter quelque chose. Il y a toujours quelque part quelqu'un pour quelqu'un. Je vous souhaite
une bonne année... Mes meilleurs voeux... Je nous souhaite moins d'explosions, de ne plus vivre dans les sirènes et sans fenêtres, et très égoïstement, je me souhaite de vous
réentendre.
(Elle va glisser la lettre dans la boîte aux lettres.
Le redevenu vert va la retirer et la lit.
Il va s'asseoir près de la fille caramel, prend de quoi écrire ;
il lui répond ; lit ce qu'il écrit.)
Le redevenu vert : Pourquoi votre coeur serait-il de me voir me fatiguer dans un milieu hostile ? Non : aucune envie de remettre ça ! Pour le reste, oui, la liberté
de vos gestes et de votre conscience. Je vous le souhaite de tout mon coeur. Avec amitié.
(Il tend la lettre à la fille caramel.)
La fille caramel : C'est pour votre maman que vous avez fait tout ça ?
(Silence ;
Un temps.)
Le redevenu vert : Oui, tout ça, c'est à cause d'elle. Tout ça, c'est grâce à elle. C'est difficile, hein, vous ne trouvez pas ?
La fille caramel : Si, je trouve. J'ai entendu dire...
Le redevenu vert : Comment faire pour arrêter les bruits de couloir ? Supprimer les couloirs ? Comment avez-vous su ?
La fille caramel : Plaît-il ?
Le redevenu vert : Pour ma mère, comment avez-vous su ?
La fille caramel : Je l'ai senti.
Le redevenu vert : Ah, oui, c'est vrai que vous, les femmes, vous sentez beaucoup...
(A suivre.)