29 août 2008 5 29 /08 /août /2008 19:53

DEUXIEME ACTE

La même grande pièce qu'au premier acte.
Le perroquet, dûment boulé, dénué de tout effet vestimentaire.

La cabine téléphonique.
La table, encombrée de trois boîtes de chaussures et du jeu de cubes.
L'employé aux écritures est attablé et joue avec ledit jeu.
Il construit un petit mur.


L'employé aux écritures : Je ne sais plus à quel moment les choses se sont décalées. Je sais seulement à quel moment elles ont basculé.

(De ses deux mains, il maintient solidement les bases du petit mur afin que celui-ci ne s'écroule pas.
Malgré tout, il balaye rageusement les cubes, qui tombent à terre, en fracas.
Il ouvre une boîte à chaussures et en sort une liasse d'images.)

Cabotinage. Ribote. Barboter. Caillebotis. Botanique. Botero. Raboter. Débotté. Saboté. Rat botté. Barbotant. Botswana. Bottin. Beau temps sur la majeure partie de la Botte. "Serrez les dents" m'a dit le docteur. Serrez les coudes. Serrez les poings. Serrez les fesses. Je me suis ratatiné. Je suis né cloué sur une croix en forme de paire de bottes. En fait, c'était pas une croix, c'était une paire de bottes. J'adore ce qui me terrorise. Oui, c'est ce qu'a dit le docteur : "Vous adorez ce qui vous terrorise."
(Il regarde une image.)
Avoir du foin dans ses bottes. Proposer la botte. Pousser la botte. A propos de bottes. Bottes secrètes... Remarquez que j'ai rencontré bien pire que moi. J'ai rencontré un type qui a le nez à la place du sexe et le sexe à la place du nez. Je vous ferai grâce des désagréments qu'il connaît. Il n'est pas sorti de l'auberge espagnole.
(Silence.)
Les bottes... Ses bottes... Elles avaient le velours et le piquant du bourdon. Ses bottes étaient à ses jambes ce que les écrins sont aux bijoux, ce que les cocons sont aux chrysalides. C'étaient des caryatides qui soutenaient une vasque. C'était...
(Il se saisit d'une grosse liasse d'images qu'il fait glisser entre ses doigts.)
Je ne peux pas m'empêcher de penser à type qui a le nez à la place du sexe et le sexe à la place du nez.
(Il se touche le nez.
Il regarde de nouveau la liasse d'images, puis la range dans l'une des boîtes.
La ressort, la regarde encore.
Même jeu compulsif.
Il semble avoir du mal à s'en séparer, un peu comme si les images restaient collées à ses doigts.)
Maudits soient les objets qui nous gouvernent !...

(La permanente de fonction s'approche, pelle et balai en mains.
Elle pose plusieurs regards étonnés sur ce qui l'entoure : d'abord le sol, ensuite les cubes, enfin sur l'employé aux écritures. Ce dernier la regarde aussi.
Court silence.)

(Plus bas: )
Maudits soient ces objets qui nous gouvernent.

(Il se lève et s'approche de la permente de fonction.
Il semble regarder où il met les pieds.)

(A suivre.)

Partager cet article
Repost0

commentaires

Présentation

BIENVENUE

ESPACE LITTERAIRE ET EROTIQUE
Soyez les bienvenus sur cet "égoblog",
petit jardin virtuel.

N'oubliez pas, quand même, d'aller vous aérer.

"Vivre,
c'est passer d'un espace à un autre
en essayant le plus possible
de ne pas se cogner."

Georges PEREC



 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Recherche

Liens