31 août 2008 7 31 /08 /août /2008 19:32

L'employé aux écritures : En y mettant un peu de bonne volonté... Ce n'est pas le moment de devenir à votre tour nostalgique d'un parquet de faïence. Voyez un peu la place que ça prend... (Il désigne le texte du nostalgique des années soixante-dix.)
Sans compter qu'il faut faire appel aux autres pour se souvenir de tout. Je vais finir ce texte devant vous. Redonnez-moi le ton.
(Il lui tend un feuillet.)

La permanente de fonction (Lisant.) : "Tentative de reconstitution du climat d'un samedi soir dans les années soixante-dix. C'était une massive bâtisse où se tenait jadis le négoce des grains. Au fronton, une moulure représentait un angelot souriant sur une gerbe de blé et un faisceau de paille. Deux énormes oeils-de-boeuf exorbités, deux ronds béants, qui devaient servir de puits de jour, avaient été bouchés à la hâte. C'est dommage : deux rosaces y auraient été les bienvenues. Bouché aussi ce qui devait être l'accès aux charrettes. Maintenant, deux ventaux vitrés dans une armature de fer noir s'ouvraient sur un petit parvis au dessous d'une marquise désargentée. C'était devenu un dancing. Dès "cette" heure, des filles rejoignaient des garçons. On sortait des 203 et des Renault 8 Gordini. On avait pris des filles, tout au bout des chemins d'herbe de leurs fermes, leurs fermes intentions. On les ramènerait après leur avoir fait danser des danses américaines. On mâchait du chewing-gum à la chlorophylle en écoutant des chansons..."

L'employé aux écritures (Lisant.) : "C'était la fête et sur l'air d'"Adieu jolie Candy", les slows voyaient se frotter les pantalons pattes d'éléphant à des ballerines couleur de souris."
Il faut redonner au samedi soir sa valeur de symbole : celui de l'accroche-coeur et du tape-cil.

(Machinalement, la permanente de fonction retourne le feuillet qu'elle tient toujours à la main.)

La permanente de fonction : Elles sont surprenantes, les vignettes en couleur que vous avez collées là. Et ce ne sont pas des images pieuses : les saintes des montagnes ne portaient que des sabots...

(Confus, l'employé aux écritures arrache le "document" des mains de son interlocutrice.)

L'employé aux écritures : ...

(La permenente de fonction s'en va.

L'employé aux écritures regarde le feuillet.
Le pose. Le reprend.
Le froisse rageusement et le jette au loin.
Puis il se ravise, se lève, et, à pas comptés, s'approche du feuillet réduit en boulette.
Il le ramassse, le défroisse et le hume longuement.
Il lance des regards autour de lui.
Et se dirige au fond de la scène, dos au public.

Il ne faut pas attendre bien longtemps avant qu'on s'imagine ce qu'il est en train de faire : il se masturbe.

Lumière braquée sur "autre chose" que lui.
Musique : "Le vol du bourdon" de Rimski-Korsakov.

La musique s'achève.

Entre le fournisseur de pneus des autocaristes.
Confusion.

L'employé aux écritures se rend "présentable" mais ne se retourne pas.)

(A suivre.)

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commentaires

J
Là, vous me "cherchez", Aurora ! Mais je résisterai(sauf demande expresse) à l'envie de publier le scopitone d"'Adieu, jolie Candy", facilement trouvable sur la toile. Dans un décor surréaliste un peu "bidon", Jean-François Michaël semble porter toute la désolation du monde. Il paraît enfin soulagé tout à la fin de sa chanson, lorsqu'il croise les bras.<br /> Les slows torrides et les cuissardes blanches en tout début de clip justifieraient pourtant leurs présence ici...
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A
"Adieu, jolie Candy"?<br /> Mazette! Mais nous avons les mêmes souvenirs...<br /> Les mêmes nostalgies????
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