22 septembre 2008 1 22 /09 /septembre /2008 18:18

Mademoiselle : Chapeau ! Vous avez été parfait devant les sarcasmes de cette péronnelle.

L'illusionniste : Vous n'avez pas été mal non plus dans votre rôle de composition improvisé.

L'horloger : Cette passante ressemblait à une mouette rieuse sur un saule pleureur. C'est étonnant l'énergie que les gens déploient quand ils veulent être blessants. Et pourtant, nous l'avons peut-être laissé partir un peu trop vite... Elle nous aurait dit, elle, puisqu'elle a usé ce banc de sa robe, celle pour qui elle a eu du mal à constater le vol ; ellle nous aurait dit ce qu'elle attendait de cette agence.

L'illusionniste : Elle n'en attendait sans doute rien. Elle s'est simplement installée là, devant sa grille, avec le souci plus ancré de la boucler que de voir s'ouvrir l'autre, celle qui lui faisait face. Hélas, elle a échoué.

L'horloger : Elle a échoué là où nous avons réussi : "déroba", ce passé simple qui lui fut si difficile. Si elle a échoué là où nous avons réussi, elle peut sans doute réussir là où nous échouons et nous donner les clefs de cette agence. Il faut absolument la rappeler.

(Il court sur les traces de la passante tout en criant : "Madame, attendez, madame...", mais l'illusionniste le rappelle.)

L'illusionniste : Non !

L'horloger : Non ?

L'illusionniste : Non. Elle est redevenue UNE passante : une incompétente...

L'horloger : Il faudrait souhaiter qu'elle revienne.

L'illusionniste : Ah ! Alors là, si elle revient...

L'horloger : Si elle revient ?

L'illusionniste : Si elle revient, je crains qu'elle ne se souvienne qu'avec de grandes difficultés de son propre passé, aussi simple fut-il... Quand on sait comment elle maîtrise celui des autres...

L'horloger : Elle a parlé, me semble-t-il, de ce "fanal oublié" pour qualifier l'agence...

L'illusionniste : Justement : oublié. Ce "fanal oublié". Elle était à deux doigts de parodier le vers de Brel : "Avec un ciel si gris qu'un fanal s'est pendu". Ce fanal n'est pas oublié ; bien au contraire, nous nous intéressons beaucoup à lui...

Mademoiselle : Elle est partie, la mouette rieuse. Il ne reste plus qu'à échafauder des suppositions en se basant sur son profil. D'abord, elle paraissait trop indolente pour venir quémander du travail ; ce n'est donc pas une agence pour l'emploi. Son porte-monnaie était bien trop joufflu ; ce n'est pas une banque non plus....

L'illusionniste : Oui, mais elle voulait qu'on l'appelle "madame"... Alors ? (Il se tourne vers Mademoiselle.)

Mademoiselle : Alors ? (Elle se tourne vers l'horloger.)

L'horloger : Alors ? (Il se tourne vers l'illusionniste.)

(A suivre.)

Partager cet article
Repost0

commentaires

Présentation

BIENVENUE

ESPACE LITTERAIRE ET EROTIQUE
Soyez les bienvenus sur cet "égoblog",
petit jardin virtuel.

N'oubliez pas, quand même, d'aller vous aérer.

"Vivre,
c'est passer d'un espace à un autre
en essayant le plus possible
de ne pas se cogner."

Georges PEREC



 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Recherche

Liens