L'illusionniste : Vous voyez, elle est guérie. Monsieur le marchand de parapluies, cher
partenaire, cher public, cher ami, en vertu des pouvoirs qui m'ont été conférés, j'ai l'immense privilège et la grande joie sans mélange de vous annoncer que sommes tous les trois guéris. Et
libres ! Libres de quitter nos placards respectifs pour afficher le nôtre, joli placard que nous pourrons coller sur les arêtes mêmes de ces murs (Il désigne le mur de l'agence) pour les
draper de certitude. Nous pouvons signer notre contrat moral et publier les bans de baleines et de dauphins. Alllez ! De l'initiative ! Je propose que nos placards-affiches soient ainsi
conçus : (Avec sa main tendue, il "dessine" furtivement les lettres qui composeront l'affiche.) Tout en haut, votre nom de mécène, en lettres bleu ciel ombrées de gris perle...
Juste en dessous : "Présente" superbe et déterminé... Tout en bas, un petit parapluie joliment stylisé avec la marque écrite à côté en cursive de la couleur que vous voudrez...
L'ex-horloger : Et au juste milieu ?
L'illusionniste : Et au juste milieu... Au juste milieu... Une photo... Une photo... Chaleureuse sous le papier glacé. Nous sourions au photographe. Mademoiselle surtout, malgré
la pluie qui tombe. Heureusement, il y a le parapluie ! Et puis, il y a notre nom en lettres d'eau et de feu. Mais pas sous le menton, cette fois, non... Entre la commissure de nos lèvres et le
bas des ailes de nos nez, une terre commune à cultiver où il y a juste assez de place pour écrire : "Manolo et partenaire." Petits bonheurs de caractères qui nous pendent au nez et qui nous
mettent l'eau à la bouche... Une affiche juste assez mièvre pour ne pas paraître trop prétentieuse, et juste assez efficace pour être sincère. Qu'en pensez-vous ?
Mademoiselle : Je ne pense rien... Il fait si bon... La pluie... La nuit... Et le jour qui se lève... Et il est "neuve" heure...
L'illusionniste : Déjà ! Allons, monsieur l'avant-courrier (Il s'adresse à l'ex-horloger) en route ! Passez devant nous pour annoncer la bonne nouvelle...Vous vous
rendez compte : il est déjà "neuve" heure...
(L'ex-horloger se dirige vers la coulisse.
Mademoiselle et l'illusionniste lui emboîtent le pas.
C'est à ce moment-là qu'on voit le rideau de l'agence se lever et celui de scène... se baisser.)
FIN