A la mémoire de mon frère.
(On entend une voiture qui décélère, puis qui s'arrête.
Bruit d'une portière qui claque.
Quelqu'un s'approche, avec une lampe-torche, un siège pliant et un gros sac.
Eclairage douche sur l'arbre à manivelle.)
La jeune femme : Quelqu'un vient. C'est courant et attendu. Venez, nous allons nous retirer derrière cet éboulis de regros, qui sert aussi de ressui.
(La jeune femme et le musicien se retirent côté jardin.
Les metteurs en scène auront tout le loisir de choisir le système de planque à leur convenance.)
Le Musicien : Je vous suis, puisqu'il le faut bien. Mais, dites-moi, si je sais lire la musique, je ne comprends pas tout ce que vous dites. Qu'est-ce que c'est, un
regros ? C'est quoi, un ressui ?
La jeune femme : Un regros, c'est une grosse écorce de chêne. Un ressui, c'est un endroit où le grand gibier se réfugie pour se sécher.
Le Musicien : Il faut donc souhaiter qu'il ne pleuve pas. Nous aurions à cohabiter avec des sangliers.
(L' homme s'approche de l'arbre à manivelle.
Il pose son gros sac par terre, déplie son siège et suspend sa lampe-torche à une branche.
Il sort un canif de l'une de ses poches et se met à graver quelque chose sur l'arbre.)
Le Musicien : Un écrivain ! Qui écrit sur les arbres ! Vous voyez bien que l'édition sur ordinateur n'a pas converti tout le monde. En voilà un qui a compris qu'elle
donnait la main à la médiocrité. Cet homme a de beaux jours devant lui...
(De son gros sac, l'homme sort une grosse corde, qu'il lance par dessus une branche de l'arbre à
manivelle.
Lentement, il confectionne des noeuds pour aboutir à un résultat qui ne souffre aucun doute : il veut se pendre.
Sous le noeud coulant en suspension, il place le siège pliant.
Il monte sur le siège, passe la corde autour de son cou.
Puis il se ravise, descend de son siège, s'approche de la manivelle.
Il semble hésiter.
Il enserre le manche.)
La jeune femme (Surgissant.) : Pleine lumière !
(La lumière se fait sur le plateau.
L'homme, effrayé, s'enfuit sans demander son reste.)
(A suivre.)