"ALLO MACHA" NE REPOND PLUS
Macha Béranger est morte, laissant ses "sans sommeil" et "sans sommeille"
orphelins. Elle a officié à France Inter pendant 30 ans, et il paraissait inconcevable de déboulonner cette "Institution" calée au coeur des ténèbres, à l'heure où "les gens,
il conviendrait de ne les connaître que disponibles, à certaines heures pâles de la nuit, (...) avec des problèmes d'hommes, simplement, des problèmes de mélancolie." (Léo Ferré -
"Richard").
Mais Macha a été remerciée après trois décennies de bons et loyaux services, et de quelques sauvetages...
Sa voix, sa personnalité, ses rituels l'ont rendue célèbre. Pourtant raillée, parodiée ("Ma chatte dérangée !..."), elle n'a jamais perdu un sens de l'humour qui était peut-être -qui est sans doute- la politesse du désespoir.
Je me suis entretenu à l'antenne avec Macha trois fois. Deux fois j'ai évoqué le fétichisme ; une fois, longuement, mon rapport trop fusionnel à ma mère. Il faut croire que les chansons "disent vrai", que j'avais, moi aussi, "des problèmes d'hommes, des problèmes de mélancolie."
Celles et ceux qui ont lu mes "carnets" ne seront pas surpris à la lecture du texte qui suit, texte de la transcription du long
entretien que j'ai eu avec celle à qui on ne dira plus "Allo, Macha ?" Elle est aux abonnés absents.
Entretien avec Macha Béranger sur France Inter le 7 octobre 1999
"Ne fais pas, n'y vas pas, tu
sais pas."
- Allo, Macha ?
- Oui, bonsoir.
- Bonsoir Macha. Je suis toujours heureux de vous entendre, de vous parler un petit peu plus près que d'habitude, puisque d'habitude, c'est dans le transistor...
- Quel est votre prénom ? Je vous connais ?
- Joël.
- Joël, oui.
- Nous nous sommes parlé il y a huit mois à peu près , et puis je vous avais appelé il y a un peu plus longtemps. (...) Là, je viens vers vous parce qu'il m'arrive ce qui arrive à beaucoup d'hommes qui abordent la quarantaine, et qui s'aperçoivent qu'ils n'ont pas coupé le cordon ombilical...
- (Rires.)
- ...qu'il y avait un noeud sur le cordon et que les
obstétriciens ont oublié de le sectionner. Alors c'est vrai qu'on vit comme ça avec sa maman (Raclement de gorge.) un petit peu castratrice et...
- Attendez, Joël, vous vivez avec votre mère ?
- Non, je ne vis plus avec ma mère.
- Ah bon.
- J'ai réussi à prendre un appartement.
- A quel âge ?
- Il y a quatre ans à peu près. Ca a été très dur.
- Vous venez d'avoir 40 ans ?
- J'ai 37 ans. Je suis parti il y a 4 ans, mais ça n'a pas été facile parce qu'elle
refusait obstinément que je quitte le domicile conjugal (sic
!) Elle a fait des pieds et des mains pour m'empêcher de partir. Mes deux frères [jumeaux] ont eu la chance de partir ; mes frères qui ont 12 ans de plus que moi, et puis elle s'est aperçue qu'il
ne restait que moi à la maison. Donc, j'ai l'impression qu'elle m'a un peu gardé...
- En fait, ce n'est pas vous qui n'avez pas coupé le cordon, c'est elle qui n'a pas pu le couper ?
- Je pense... Je pense...
- Vous vous êtes laissé faire, en fait ?
- C'est peut-être ça.
- Oui, ça vous plaisait...
(...)
- Aujourd'hui, elle est très diminuée puisqu'elle ne plus lire, écrire et conduire, et après une attaque cérébrale très importante.Donc, je me retrouve un petit peu... Pfff... complètement
largué, un peu comme si j'étais dans un Boeing et que je sautais sans parachute. Parce que c'est mon unique repère, en fait...
- Oui.
- J'ai pas cherché ailleurs, disons... C'était une solution de facilité. Et il se trouve qu'aujourd'hui, j'ai très peur des femmes.
- Ah, vous avez très peur des femmes ?
- Il me semble, oui.
- Pourtant, vous êtes resté chez votre maman jusqu'à 34 ans... 33 ans, mais vous aviez une vie indépendante ?
- Euh... oui, c'est-à-dire que lorsque je lui faisais part d'une aventure ou d'une envie, c'était systématiquement : "Non, ne fais pas." Hein, c'est le genre de maman que
j'appelle "Ne fais pas, n'y va pas, tu sais pas".
-
Oui, c'est castratrice comme vous avez dit, tout à fait.
- Je pense qu'il ne faut pas avoir lu tout Freud mais il me semble avoir compris...
- Oui, parce que, évidemment, elle n'avait qu'une peur, c'était de vous perdre.
- Absolument.
- Et une autre était une ennemie, une rivale bien sûr.
(A suivre.)