LE MOI DE MAIS
Gréco (pas le peintre, la chanteuse) chante "Je hais les
dimanche", Mireille (du "Petit Conservatoire de la Chanson") "Fermé jusqu'à lundi"*, et Flaubert, le grand ami d'une grande amie disait que "le jour
de l'an est bête".
Nous autres, citoyens
"rttistes" fatigués, avons pris l'habitude de priser nos fêtes fériées et chômées-payées comme autant de trêves dues et d'en mépriser superbement la forme, le fond et le contenu. Ou plutôt non,
point le contenu, chacun l'ayant soigneusement préparé, mitonné, un oeil sur la couleur du ciel et l'autre sur le calendrier. Mais qui se souviendra bientôt que l'interruption de la besogne
célèbre toujours le souvenir brillant d'un éclat ? J'ai moi-même mis un temps certain à resituer ce 8 mai parmi tous les autres qui l'avaient précédé... Ainsi, il sera facile
d'oublier qu'une de nos héroïnes s'est élevée -pour n'en redescendre que rarement- vers la voûte céleste ; qu'en un fait-divers le Saint-Esprit s'est écrasé en flammes sur la tête de
saints innocents ; qu'une bonne idée voulût qu'un jour on cessât les guerres et, à plus ou moins long termes, on omettra de remercier tous ces petits personnages bibliques et militaires qui font
pourtant que la fiche de paye est aussi pleine à la fin d'un mois où l'on a pratiquement passé son temps à bâtir des ponts pour accéder à des monuments et chapelles
déserts.
A Toulouse, nous avons une "rue des 36 ponts" : je propose qu'on la débaptise
(C'est assez à la mode) pour la nommer "rue du mois de mai".
J'ai une comptine que ma maîtresse d'école (Je ne sais pas pourquoi je pleurerai toutes les larmes de mon corps quand elle mourra.) m'a collé comme un post-it dans le lobe de l'oreille
: "Il est de retour, le joyeux mois de mai / Amis, quels beaux jours, tout sourit, tout est gai / La verte prairie s'émaille de fleurs / Partout de la vie on sent le
bonheur...."
Mai.. Mais, quand on est né non désiré, seul et maudit, qu'on vit seul, qu'on mourra seul, on est comme les saumons : on remonte le long fleuve à contre-courant. Les fêtes
(Ca y est ! Depuis l'émission de lundi soir, j'ai compris : je suis festophobe) exacerbent la solitude.
Mais le plus humiliant n'est pas là. Le plus humiliant est la réaction, qui part d'un bon sentiment de ceux qui vous disent : "Je sais que tu es seul, viens donc passer la journée
avec nous !" "Le protocole compassionnel" et "La pitié dangereuse" réunis ! (Trouvez les auteurs ; réponse à la fin de ce billet.)
A ma collègue aux idées larges, et avec qui je commerce en grande liberté, qui m'a demandé : "Jo, qu'est-ce que tu vas faire ce weekend ?", j'ai répondu : "Je vais me
masturber. Ca fera passer un moment." Comment ? Qu'est-ce que vous dites ?
Réponse : "Le protocole compassionnel" est un livre d'Hervé Guibert et "La pitié dangereuse" de mon regretté ami Stefan Sweig.
* Chansons à écouter d'urgence si vous ne les connaissez pas.
JF
PS : Complétant à point nommé mes propos, je vous livre ceux que tient aujourd'hui Yann Moix, dans sa chronique du "Figaro Littéraire". Sous le titre
"Connaissez-vous l'anhédonie ?" (Je suppute retrouver là la racine d'hédoniste mais je n'ai pas fait de recherches plus poussées). Il écrit, à propos d'un livre qui vient de sortir
(1) : "Certaines personnes, dites en situation d'anhédonie, sont ainsi dépourvues de cette propension à la jouissance préliminaire obtenue par la puissance magique du cerveau. Le cerveau
(...) me fait en quelque sorte crédit : avant même mon départ [pour les sports d'hiver en l'occurence] il me met déjà sur des skis, il me livre une bande-annonce alléchante de mes
vacances ; il s'arrange pour que la représentation de mes vacances, leur préfiguration, leur simulation fassent partie intégrante de ces vacances, et soient, par l'état dans lequel cette
perspective me met, presque aussi excitantes que les vacances elles-mêmes. (...) Car le cerveau (...) est bel et bien ce magicien capable de se servir du réel pour fabriquer de l'imaginaire [ça,
je sais ! Et toc !] : sans sa capacité de travestissement, d'embellissement, d'enchantement, nous serions déjà tous morts, ou en proie à de vertigineuses dépressions."
Croyez-vous que
j'aggrave mon cas ?
(1) "Le cerveau magicien, De la réalité au plaisir psychique" de Roland Jouvent.
Odile Jacob, 250 p., 23 €
Le mois de mai (Chanson populaire)
Extrait de "Rondes et Chansons" de Pierre Alin Ed. Foetisch- Lausanne
"Chant et poésie" CE - CM 1
Ministère de l'Education Nationale
Emissions de la radio scolaire 1972 - 1973
Office français des techniques modernes d'éducation (OFRATEME)
Collection particulière JF