Ca se passe comme ça
chez
Mac-Donald
HORS
PERIODE
"Quand je rentrais dans sa caravane et que je m'asseyais où je pouvais, entre un macaque et un porc-épic..."
Il suffit que j'écrive cette phrase pour que ma mémoire me transporte dans un univers extraordinaire.
PREMIERE PERIODE
(1918 - 1973)
En piste.
Le trois mai mil neuf cent dix-huit, dix heures et demie du matin, est née au domicile de ses père et mère, Jeanne, Louise, France, du sexe féminin, de Louis Marie Corfdir, né à Plounez,
Côtes-du-Nord, le quatre juin mil huit cent soixante-seize, dompteur, qui déclare la reconnaître, et de Ernestine, Marie, Joséphine Couture, trente ans, foraine, domiciliés en cette ville, rue
Carvès (Champ de fête). Dressé le quatre mai courant, onze heure du matin, sur présentation de l'enfant et déclaration faite par le père. En présence de Azélie Toutain veuve Driancourt, foraine,
rue Carvès (Champ de fête) et de Marguerite Braun femme Courvoisier, marchande de vins, rue Carvès 59, toutes deux en cette ville qui, lecture faite, ont signé avec le déclarant et Nous, Louis,
Ulysse Lejeune, Maire de Montrouge.
Se choisir un nom.
Un nom de guerre. Un pseudonyme. Un nom de scène. Un nom de piste. Un alias. Un "dit".
Comme Roman Gary, qui nous a bien eus. Par deux fois, il a obtenu le prix Goncourt. La première sous sa véritable identité. La
seconde sous le masque d'Emile Ajar. C'est fort.
Ou, pour rester dans les livres, comme Anne Desclos, alias Dominique Aury, alias encore Pauline Réage, auteur de la cultissime "Histoire d'O", écrite par amour pour un homme.
A quel moment et pourquoi Louis, Marie Corfdir à l'Etat-Civil, est-il devenu Louis Mac-Donald ?
Du sang écossais coule-t-il vraiment dans les veines de cette famille, ou bien est-ce l'une de ces géniales inventions "à la Barnum", un chiqué d'aboyeur d'estrade ?
Quoi qu'il en soit, "Mac-Donald", c'est bien trouvé. Ca claque comme un fouet de manège.
Et c'est surtout d'une notoriété bien antérieure à celle d'un morceau de boeuf entre deux tranches de pain.
La ménagerie Mac-Donald.
C'est une photo. Il ne paraît pas incohérent de la dater du début des années 1900. A l'époque, le public était friand d'exhibitions d'animaux exotiques.
Que voit-on ? Au fronton de la baraque foraine, mi-baroque, mi-rococo, s'étalent grâce à une police de sacré caractère, les lettres MAC-DONALD en lettres de feu, brûlées jusqu'à moitié, entre une
hure de lion et une hure d'ours. Ca a de la gueule. Sur des calicots, des lions peints arborent une crinière volontaire. Derrière, dans la fosse, se trouvent les vrais.
Une fine équipe fait palpiter l'estrade : le maître de céans, superbe, en bottes de cuir et brandebourgs dorés ; son épouse Ernestine dite Anietta, plantureuse partenaire qui sait manier le fouet
; le bonimenteur Gorge-Rouge, qui aboie à s'en rompre les cordes vocales : "Approchez, bonnes gens, et vous verrez. Vous verrez le plus grand dompteur du monde affronter à mains nues les
terribles fauves mangeurs d'hommes ! L'honneur de votre présence et l'on commence à l'instant-même. Demi-tarif pour les militaires, les bonnes et les enfants. Approchez... Approchez... Approchez
!...." Anietta, copieusement bottée, tient en laisse et en respect un ours, sans doute devenu savant, qui embouche une trompette ou tète un biberon de lait tandis que Louis tient sur ses
genoux une guenon.
Pour la parade encore, un jeune garçon, sans trop de complexes, plastronne de toute sa morgue : Shérif Amar !
Derrière la baraque, dans la roulotte, une nouvelle-née gigote plutôt bien : le petit nez rose de Jeanne, Louise, France Corfdir dite Mac-Donald se frotte volontiers au mufle des loups.
Ca se passe comme ça chez Mac-Donald !
La ménagerie Mac-Donald. Collection particulière JMD.