Jeannette Mac-Donald, dans sa loge-caravane du cirque Amar, à Bordeaux.
Photo Jacques Amouroux. Collection particulière JMD
Pin-up et post-it
C'est Ruddy, illustrateur injustement oublié, qui a été chargé de dessiner l'affiche de Jeannette Mac-Donald. Pigeonnants sont les seins ; élancée est la silhouette ; les bottes montent à bonne
hauteur, la main gantée tient une badine. A la taille de guêpe, dans un étui, est glissé un revolver. "Au cas-où..." Au cas où un spectateur se montrerait dangereux. Les longs cheveux lâchés
ruissellent en cascade, et le visage est harmonieusement habité. Vraiment tout pour éveiller les sens. Sur fond couleur bordeaux, la superbe créature de rêve, à faire damner tous les saints, est
adossée à un blason or, rehaussé d'une couronne royale où dix lions noirs, en rangs serrés, géminés, sont étonnamment ressemblants à ceux que l'on voit sur les calandres de certaines berlines.
Derrière elle, un vrai de vrai, en crocs et en griffes. La belle ombre à peine l'écu.
"Amar présente l'artiste Jeannette Mac Donald, la seule femme au monde présentant un groupe de 10 lions" annonce le texte, avec un jeu de caractères moderne pour l'époque.
Combien de collectionneurs, de retour du cirque, ont épinglé la pin-up dans leurs mansardes, silhouette de papier à faire surgir des
pensées sauvages ?
Aujourd'hui, dans les bourses d'échanges ou les vide-greniers - à moins que ce ne soit le contraire- Jeannette en pin-up voisine avec Nicolas en post-it.
Devinez qui a le plus de succès.
Vedettes.
Le vedettariat n'existe pas au cirque. C'est totalement injustifié.
Existe-t-il un barème de la reconnaissance ?
Le numéro de Jeannette Mac-Donald est réglé, rodé. Il a demandé de la passion, de la patience, de la force, beaucoup de travail surtout.
Volontaire, acharnée, d'une santé et d'un moral de fer,
elle évolue avec aisance en son domaine où seule Sarah Caryth, Martha la Corse ou Marfa la Corse, "La Goulue" un peu plus tôt, courent dans la même catégorie.
Critiques.
Sur les pistes prestigieuses où elle se produit, le "grand public" -et pas seulement les enfants- apprécie le jeu de Jeannette Mac-Donald.
Les amateurs, plus avertis, sont plus regardants sur les détails.
Ainsi, "Le Cirque dans l'Univers", animé par des puristes, publie dans ses colonnes des critiques sans concession. La barre est fixée très haut. Pour Jeannette, si on lui reconnaît
d'indéniables qualités de présentation, on se montre assez sévère.
"Le Cirque d'Hiver-Bouglione a fait sa rentrée avec un programme honnête de vrai cirque.
Le spectacle débute avec un numéro de fauves dressés. Jeannette Mac Donald, fille d'un dompteur forain qui avait plutôt la spécialité du travail en férocité, présente en douceur une dizaine de jeunes lionnes avec un seul mâle. Le numéro est bien réglé, la dompteuse est pleine d'assurance avec d'élégantes attitudes, mais les fauves, apathiques et de stature médiocre, ne font guère valoir le travail" écrit le réputé journaliste Henry Thétard, en 1956. (1)
Quant à Pierre Paret, à Bordeaux, il rend compte, en 1957 : "Festival de lumière sur la place des Quinconces et festival de cirque sous le chapiteau. Le programme d'Amar est l'un des meilleurs qu'il m'ait été donné d'applaudir.
Aussi, le public n'a guère boudé. Bordeaux est une ville dure, où l'on se "ramasse" souvent. Or, pendant les dix jours, les guichets de location affichaient complet pour le lendemain.
Deux conclusions s'imposent :
1° Amar offre, cette année, un excellent programme et la qualité paie toujours.
2° En dépit de ce que prétendent les esprits chagrins, le spectacle de cirque pur est toujours aussi vivement apprécié en France. (...) Deux numéros de lions forment un heureux contraste : celui -neuf femelles et un mâle- de Jeannette Mac Donald, travaillé en pelotage, et celui, en férocité des quatre mâles de Saulevitch." (2)
Enfin, Jean Texier, à Saintes, en 1958, affirme : "Après l'entracte, la dompteuse Jeannette Mac Donald présente 7 lionnes. J'avais déjà vu ce numéro en novembre 1956 avec dix bêtes et je pensais qu'il était en progrès.Ce n'est pas le cas ; les bêtes sont indisciplinées et Jeannette Mac Donald devrait montrer plus de fermeté ; il est à craindre qu'en prenant de l'âge, les fauves obéissent de moins en moins. Ce numéro est trop lent." (3) (4)
(1) "Le Cirque dans l'Univers" n° 24. 3e trimestre 1956.
(2) "Le Cirque dans l'Univers" n° 25. 1er trimestre 1957.
(3) "Le Cirque dans l'Univers" n° 28. 1er trimestre 1958.
(4) "Trop lent" : Jeannette s'en souviendra. Trente ans plus tard, elle dira à un ami : "Et si parfois, certains ont trouvé le numéro un peu lent, eh bien c'est parce que les bêtes n'étaient pas
"poussées".
Jeannette Mac-Donald, longeant le "tunnel" au cirque Amar. Collection particulière JMD
"La dompteuse est pleine d'assurance, avec d'élégantes attitudes." (Henry
Thétard)
"Ne sera pas oubliée la feinte et élégante nonchalance avec laquelle [Jeannette Mac-Donald] se
déplaçait parmi les lions et les tigres" (Paul Adrian)