9 juillet 2009 4 09 /07 /juillet /2009 18:44

Collection JMD

Fredo Manzano à l'école de dressage de Jeannette Mac-Donald.
Collection JMD

"Prenez-le quand même, Jeannette, personne n'y verra rien."

L'abbé Pierre.

Jeannette prend ses quartiers d'hiver à Aubervilliers, non loin des abattoirs de la Villette. C'est appréciable pour l'approvisionnement en viande. Un fauve ne se contente pas d'une tranche de steack haché.
Lors du terrible et glacial hiver 1954, un homme se présente chez Jeannette Mac-Donald. Désignant roulottes et caravanes, il demande si elles ne sont pas à vendre. Jeannette reconnaît l'homme qui vient de pousser, pour les miséreux et les sans-abri, un cri de détresse, répercuté par la radio et les journaux. C'est l'abbé Pierre. Elle n'écoute que son bon coeur et offre deux caravanes.
"Depuis, raconte Jeannette, l'abbé Pierre est souvent venu me voir. Il était toujours accompagné d'André, un ancien voyou, qui s'était attaché à lui. L'abbé a demandé à Shérif, qui a été mon compagnon pendant 20 ans, de lui apprendre le métier de dompteur. Il venait aussi me voir avec quelque délinquant, sorti de prison, qu'il cherchait à caser. Je lui disais que j'avais déjà dix employés et pas le droit d'en prendre d'autres pour ma ménagerie. Ca ne fait rien, me disait-il, prenez-le quand même, Jeannette, personne n'y verra rien. Je le prenais, ça lui évitait de rester à la rue sans rien faire, en sortant de prison." (1)

 

L'école de dressage.

C'est donc à cette époque que Jeannette et Shérif exploitent l'enseigne "Ecole de dressage de Jeannette Mac Donald". Tout un programme ! Un programme qui aurait séduit les politiques en mal de "sauvageons", de "zone d'éducation sensible", et même de "racaille", tant le mot "dressage" évoque les maisons de correction et l'éducation anglaise.

L'illustré pour la jeunesse "Coq Hardi" consacre un reportage de deux pages à cette école pas comme les autres.

"Si vous voulez devenir dompteur, ce numéro vous apprendra que les montreurs de fauves se recrutent surtout parmi les enfants de la balle : presque tous ont eu des parents qui, sans avoir été dompteurs, sont acrobates, écuyers, clowns. Pour pouvoir affronter les tigres ou les lions sans appréhension, le fait d'avoir toujours vécu avec eux est d'un grand secours.

Cependant, il y a eu des jeunes assez décidés pour surmonter les énormes difficultés que rencontre l'apprenti dompteur : Alfred Court, le plus fameux dompteur de l'entre-deux guerres, était un marseillais dont la famille n'avait aucune attache avec le cirque.

Il n'existe pas d'école de dompteurs fonctionnant de façon régulière ; cependant Jeannette Mac Donald, célèbre femme dompteur, familiarise quelques élèves avec leur futur métier, lorsque ses tournées lui laissent quelque répit. Elle accepte aussi de prendre en pension quelques bêtes dont les propriétaires blessés ou retenus par d'autres engagements, ne peuvent s'occuper ; ainsi elle dispose en plus de ses animaux personnels de sujets déjà dressés sur lesquels peuvent s'exercer ses élèves.

Plus loin, "Coq Hardi" poursuit :

"Pour plonger sa tête dans la gueule d'un lion, il est nécesaire d'avoir beaucoup de courage, de savoir-faire et très peu d'odorat ; car il se dégage de la bouche de ces fauves une odeur pestilentielle.
Pour empêcher la lionne de refermer ses crocs, Bernard a pris les lèvres de la bête et les a repliées sur les dents : si elle voulait mordre, elle serait la première blessée. Cette précaution rend relativement aisée l'éxecution de ce tour."
(Sic). (2)

Pour agrémenter son école, la directrice a engagé un jeune "Tarzan espagnol", sans doute né dans la couronne : Fredo Manzano. Il affronte les fauves avec un tel luxe de témérité qu'il retiendra l'attention du photographe Paul de Cordon. Deux clichés en disent long, dans l'indispensable ouvrage "Instants de Cirque" (3)

(1) Propos recueillis par Hervé Valéri dans "La Dépêche du Midi" du 4 avril 1996.
(2) "Coq Hardi. Je serai dompteur" Nouvelle série - Mensuel - Dépôt légal : 4e trimestre 1955.
(3) "Instants de cirque" Paul de Cordon. Editions Chêne.


Le dompteur Manzano et les lions de Jeannette Mac Donald.
Photos Paul de Cordon.

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commentaires

F
<br /> Bonsoir Joël,<br /> vous ne devinerez jamais ce qui m'amène vers vous ce soir. Je suis en train de mettre un peu d'ordre dans mes vieilleries, et il y a du boulot croyez-moi! je suis comme les castors : je stocke. Et<br /> voilà que je tombe sur un vieil album Coq hardi de mon enfance, avec le fameux article sur Jeannette, et les photos qui vont avec. Superbe non ? Quand je dis qu'il n'y a pas de hasard...<br /> J'ai beaucoup aimé "La femme de ma vie". C'est un passionnant voyage très bien écrit comme toujours, et qui nous amène à réfléchir sur nous-même.<br /> Merci et à bientôt,<br /> Françoise<br /> <br /> <br />
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T
Belle histoire que la vie de Jeannette !<br /> Tout à fait d'accord avec Aurora, publiez cela !<br /> <br /> Signé: dompteuse de moi (et c'est pas tous les jours facile !)<br /> à bientôt, Joël :-)
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A
Bien plus qu'un hommage, c'est une véritable "biographie" que vous nous offrez là.<br /> A éditer d'urgence, et pour votre talent et pour que Jeannette sorte de l'ombre injuste où le temps la plonge!
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