"On achève bien les chevaux" au cinéma
;
au cirque, on les oublie.
Le cirque brûle.
Le 19 juin 1967, place du Champ de Manoeuvres à Alger, le cirque est dressé.
Faute d'espace, les vehicules sont garés sous le chapiteau.
Au cours d'une fête, des enfants jouent avec des pétards.
Une brochette de ces pétards atterrit malencontreusement sur la toile, gagne le réservoir d'essence d'un camion ; ce qui a pour effet d'embraser aussitôt l'établissement.
Tout le cirque est détruit par l'incendie ; seuls les animaux pourront être sauvés.
Pour des raisons obscures, la compagnie d'assurance, basée à Tlemcen, ne veut rien dédommager.
Jeannette Mac-Donald, qui n'est pas une multimillionnaire du spectacle, qui n'a pas
investi dans la pierre, se retrouve dans une fâcheuse posture.
Le cirque fantôme.
Quels étaient les titres des journaux, à Alger ou à Casablanca, en 1967 ? La coupure
de presse retrouvée ne comporte aucune indication qui pourrait orienter la recherche. Un coin de papier est rongé, un mot amputé. Ce mot est-il énorme ? Ultime ? Le style est "flamboyant". Il est
digne des grandes productions d'Hollywood. L'article, signé Michel Durand, joue sur la corde sensible du violon.
"Enorme (ou Ultime) pari de Jeannette Mac-Donald.
GRANDE PREMIERE LE 22 DECEMBRE SOUS LE CHAPITEAU DU "CIRQUE FANTÔME"
Mi-juin 1967 : c'était nuit de fête à Alger, de bal, de rires. Pétards fusant, fusées pétaradantes, on dansait pour le plaisir de vivre la journée la plus longue de l'année, la plus chaude aussi mais que l'on réchauffe encore par des brasiers de fagots.
Une nuit de joie qui allait tourner à la tragédie. Suchauffée, l'ambiance l'était aussi sur les gradins du "Cirque Royal" où parents et enfants trépignaient aux facéties des clowns. Soudain, un long sifflement couvrit le chuintement de la clarinette de l'Auguste et le chapiteau s'embrasa comme un gigantesque cercle enflammé. En quelques secondes, les flammes montaient plus haut que les immeubles voisins, rosissaient les façades, éteignaient les étoiles.
Les minutes qui suivirent furent de cauchemar, les hurlements du public se mêlaient aux rugissements des lions, aux barrissements des éléphants et aux cris suraigus des singes : il fallait agir très vite et évacuer avant tout les animaux rendus furieux qui se jetaient contre les cages avant qu'ils ne broient avec une force décuplée par la peur, les barreaux et loquets de la ménagerie.
Quand les lourds camions furent parqués sur un terrain vague, les artistes
revinrent sur la place ; quatre mâts tendaient vers le ciel une dérisoire toile d'araignée où s'achevaient de se consumer les lambeaux de ce qui avait été le plus grand chapiteau d'Afrique du
Nord. Eparpillées à l'entour, les roulottes noircies gisaient, éventrées et noyées par les lances à incendie.
Les quelques camions sauvés, les animaux, les gradins épargnés ont repris la route du Maroc et le triste convoi qui épuisa les ressources de la troupe, s'est installé à Casablanca.
(...)
Là, le 22 décembre, une représentation de soutien
est prévue.
Source : inconnue. Appel à
témoins.
Document aimablement transmis par Bernard Albarède.
"On achève bien les chevaux" au cinéma ;
au cirque, on les oublie.
Le sinistre a sapé le beau moral de Jeannette. Elle va se battre avec une paperasserie avec laquelle elle n'est pas familiarisée.
Durant deux ans, elle ne va plus dompter qu'avec des termes rétifs et jongler avec des revenus qui s'amenuisent.
En 1969, elle se retrouve au Maroc, hébergée dans un centre de jeunesse, grâce à un père Franciscain, le Père Pigeon, dont elle ne cessera de vanter la bonté et la générosité.
Finalement, elle sera rapatriée en France, par liaison maritime
Casablanca-Bordeaux.