22 juillet 2009 3 22 /07 /juillet /2009 18:44

Mon premier "contact" avec des fauves, chez Jeannette Mac-Donald. 1973. (Photo DR)

Indigènes.

Comment les indigènes buzetois ont-ils vécu, dans leur fief, l'installation d'une réserve sauvage et l'arrivée d'une des dernières des mohicannes ?
On a dit d'un chercheur de champignons qu'il n'avait pas toutes ses facultés le jour où il a prétendu avoir été effrayé par le rugissement d'un lion. "Il a trop regardé "Daktari" ont déclaré certains.

Sheila est là, aussi, à Buzet...

 

Pourtant, le journal local, "La Dépêche du Midi", belles et impressionnantes photos de l'époque dorée à l'appui, vient mettre tout le monde d'accord.
"Son cirque avait brûlé.

LA DOMPTEUSE JEANNETTE MAC DONALD est devenue gardienne du zoo de Buzet.

Un jour de 1967, son cirque a brûlé, là-bas, de l'autre côté de la Méditerranée, en Algérie. (...) Le saviez-vous ? Jeannette Mac Donald est aujourd'hui parmi nous. Elle vit depuis trois mois au zoo de Buzet dont le directeur, M. Chapate, lui a confié la garde. Mais la dompteuse n'est pas venue seule. Accompagnée de Smati, son fils adoptif, de cinq de ses magnifiques lions, de ses singes et de trente-cinq chiens. (...) Dans cette retraite forcée, Jeannette Mac Donald conserve l'espoir de jours meilleurs. Elle travaille avec ses lions pour mettre sur pied un numéro qui lui permettra de retrouver la vie du cirque, la grande aventure qu'elle n'aurait jamais dû quitter.

Venez nombreux au zoo de Buzet, paradis pour enfants que les adultes apprécieront aussi. Beaucoup y retrouveront leur petite amie toulousaine, la panthère "Sheila" qui était autrefois au jardin des plantes. (1)

 

Sauf la demoiselle de la mairie.

"Lorsque je suis arrivée à Buzet, à part la demoiselle de la mairie, qui a des idées justes, dira un jour Jeannette, les gens ont cru que j'étais une bohémienne, puisque j'étais avec des roulottes. Je crois même qu'il y en a qui ont dû ranger leurs volailles".

"La demoiselle de la mairie", Bibiane Mangion, s'est effectivement prise de sympathie agissante envers Jeannette. Beaucoup d'autres la suivront dans cette voie.

En réalité, passés les premiers instants, intrigants, Jeannette a très vite été intégrée chez les sédentaires. On a d'abord dit "la dame du zoo", et puis très vite, on l'a appelée par son prénom.

Dans le tiercé de tête de ceux qui ont apprécié Jeannette à sa juste valeur, et lui sont restés fidèles jusqu'au bout, il y a un homme loyal, désintéressé, altruiste, et surtout d'une grande humilité : le vétérinaire Jean-Louis Agard.

 

 

C'est une photo.

Elle est en couleurs. C'est dire qu'elle fait frontière entre deux rives. A peu de chose près, nous aurions eu droit au noir et blanc dentelé réglementaire des clichés de famille... Mais c'est le timide début des années soixante-dix qui rudoie ma propre timidité. Ma mère m'a accompagné au zoo. C'est elle qui appuie sur le déclencheur. Elle a dû y accorder de l'importance, à cette scène, surréaliste trois ou quatre mois plus tôt. Je tiens ma casquette à la main pour qu'elle ne figure pas sur la photo ! Plus pataud, plus penaud, c'est difficile... Il faut dire qu'il y a de quoi avoir la pétoche. Pourtant, derrière moi, dans la cage aux fauves, installée sous les frondaisons des grands bois, deux énormes lions me regardent, placides. Comme matés.

Ce n'est pas d'eux dont j'ai peur. Mais des autres qui m'observent.

Les fauves chevelus, hiératiques, forts et fort adjectivés, rois, têtes géantes et belles de gagneurs encagés, reconnaissent-ils en moi, dans mes habits trop serrés, quelqu'un qui est de leur race ?

Ma mère en doute. Jeannette moins.

Mais l'une et l'autre me transmettent, photo à l'appui, leurs folies asymétriques.

 

 

C'est complètement "narvalo".

 

Dans le jargon des gens du voyage, "narvalo" veut dire fou. Chez les sédentaires, "fou" ne veut plus rien dire. Tout est dans le degré, tout est dans la nuance, et sans doute, chacun d'entre nous est un peu fou un jour ou l'autre. Si être fou, c'est se dépasser, surmonter, rire plus fort, aimer plus fort, étonner, surprendre et mourir sans rien craindre, alors, oui, il faut être fou.
Jeannette est folle.
Ma mère est folle.
Et je suis contaminé.

Elles ont rendu miens leurs entassements compulsifs, leur crainte de voir les cadres posés un peu de travers ; leur terreur devant le manque, d'eau, d'air, d'argent, du trou, du vide, (une mort annoncée, alors ?) ; leur force rare de femme, amenuisée devant de ridicules points cruciaux -le vent, parfois, craint un pet-de-nonne-.

(1) "La Dépêche du Midi" - M.G. - Indatable.

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