Avec Jeannette, Nina, Rosa et Zouina. Juin 1976. (Photo DR)
Carnets roses
Pour ce qui est de la reproduction de la race, ce sont les caprins qui ont commencé.
Le 24 mai 1976, une chevrette et un chevreau virent le jour dans la paille fraîche. Jeannette, mère de famille nombreuse, connaît et respecte les us et coutumes en matière de descendance. Il
n'est pas la moindre petite bête, née chez elle, qui n'ait été baptisée, et parrainée. Ainsi, si à l'âge d'or, la tigresse Uhlah eut pour illustre parrain Maurice Chevalier ; si un
canard de Barbarie fut prénommé Smati -et Smati, interrogé, répond à qui lui demande : "Pourquoi Jeannette a donné votre prénom à un canard ?" : "Parce que ça lui plaisait !", ce qui ne
souffre aucun commentaire-, la chevrette buzétoise fut baptisée "Cricri", en hommage à une certaine Christiane, dont les contours se diluent dans ma mémoire ; le chevreau, appelé à
devenir un bouc malodorant et fortement cornu, reçut à l'Etat-Civil le prénom de "Jojo", en échange de toute mon attention à son égard. On a les filleuls qu'on
peut.
Pourquoi une naissance plus "noble" a-t-elle pu intéresser les colonnes du journal en papier local, "La Dépêche du Midi" ? Sans doute car il s'agissait de têtes couronnées.
Jusqu'alors, "La Dépêche du Midi" ne tapissait que le fond des cagettes où mon père conservait ses oignons, ou bien se retrouvait métamorphosée en globe protecteur des graines de salade montée. J'avoue que je n'y voyais alors aucun inconvénient.
Mais, ce mercredi 21 juin 1976, il en irait tout autrement sur l'utilisation du quotidien.
Dans un encadré trois-quarts de page, on peut lire en gros et en gras : "La nouvelle attraction du zoo de Buzet. Trois lionceaux nés sur place."
Deux photos
escortent le texte. Sur la première, Jeannette, tenant dans ses bras les trois nouvelles-nées ; Jeannette telle qu'elle apparut dans ma vie, le cheveu blanchi, l'épaule dénudée, le même tablier
de nylon que j'ai toujours vu porté par ma mère, pantalon, espadrilles aux pieds -nous sommes en été-, et le visage, resté beau, -une "gueule" de bourlingue, pas resté à végéter dans un bureau,
le bandeau de cheyenne ceignant le front, une verrue au dessus de l'arcade gauche. Jeannette version "live" et "single".
Le texte, qui, curieusement n'est pas signé, dit ceci :
"Nina, Rosa et Zouina sont les noms donnés par Jeannette Mac Donald aux trois ravissants bébés lions nés le 15 juin dernier d'Apollo et de Bellone, lions d'Abyssinie, au zoo de Buzet où elle
vit depuis peu avec tous ses animaux préférés, qu'elle entoure des meilleurs soins parce qu'elle les aime et qu'ils sont depuis leur naissance ses compagnons de tous les
jours.
Le grand-père de Jeannette Mac Donald a eu droit au titre de "champion des dompteurs" de 1906 à 1922.
Elle-même a vécu la vie grisante du cirque. Elle présentait un groupe de dix lions et lionnes. De cette époque, elle porte encore, aux tempes et près du coup, les quatre cicatrices des crocs de la lionne Rachel.
Elle se prive pour ses animaux et garde un excellent souvenir des disparus, dont la tigresse Uhlah, présentée notamment à une des émissions radiophoniques de Jean-Jacques Vital, au cours de laquelle Jeannette Mac Donald a monté et descendu sur le ventre un escalier, entraînée accidentellement par cette tigresse Uhlah qui avait une conception personnelle du baiser qu'elle devait accorder à un humain dans ce numéro.
Si au cours des vacances, vous avez un itinéraire proche de la forêt de Buzet, entre Toulouse et Albi, près de route nationale 88 et du golf de Palmola, sur la commune de Buzet-sur-Tarn, venez sous les ombrages voir les bébés lionnes, les fauves, les oiseaux, et bavarder avec la dompteuse Jeannette Mac Donald, tandis que vos enfants se distrairont avec les jeux de plein air ou caresseront chevrettes, lapins nains, mouflons et autres amis des enfants.
Au besoin, faites le détour, vous ne le regretterez pas.
Avec un peu de chance et de la gentillesse, vous pourrez peut-être obtenir de Jeannette Mac Donald l'autorisation de tenir un bébé lion dans vos bras... le temps d'une photo".
Justement, la deuxième photo publiée donne à voir une scène touchante et étonnante, où les trois fauves pacifiques jouent avec un petit chien et ainsi légendée : "Le petit chien dont la mère allaite les trois fauves est un bon compagnon de jeu."
L'article a été
pieusement découpé, puis collé sur une papier peint, lui-même collé sur le couvercle d'une cagette. Histoire de faire un sort aux oignons.
"La Dépêche du Midi" 21 juillet 1976.