Des images saisissantes
L'univers, le caractère, la situation, le personnage de Jeannette Mac-Donald ont tout pour séduire un créateur. Gilles Favier, jeune photographe, a su entrer dans l'intimité de la
dompteuse, au moment où elle se méfiait le plus de ceux qui voulaient donner un reflet de sa vie. Il a pu faire des images saisissantes. Aujourd'hui, Gilles Favier est un photographe réputé, qui
travaille a l'agence VU. Trente ans après sa première rencontre avec Jeannette, il se souvient. Il se souvient de "son sale caractère. Elle a été dure à apprivoiser. Elle avait été très
échaudée par des gens qui lui avaient fait du mal. Je retiens, dit-il, l'absurde de certaines situations. Un jour, un jeune lion s'était échappé dans les bois. J'ai rameuté des copains
et avec des bâtons, nous sommes partis à sa recherche. Nous l'avons retrouvé et ramené dans une 2 chevaux."
Avec Gilles, Jeannette est mise en confiance. Accepté, pénétré
dans son antre, il a pu figer sur la pellicule des scènes hors du commun.
Gilles reconnaît que ses travaux sur Jeannette l'ont servi, tant sur le plan humain que sur le plan professionnel.
Lorsqu'il présente ses planches à la rédaction du journal "Libération", qui est l'un des premiers organes de presse à innover, en publiant des photos sous un angle inattendu, l'équipe
est "soufflée".
"Libé" n'hésite pas à publier dans son cahier central pas moins de quatre pages sur "Jeannette et ses animaux".
Les photos, en "pleine page", signées Gilles Favier
montrent Jeannette, un couteau à la main, s'apprêtant à dépecer un veau ; une hache à la main, débitant des quartiers de viande ; un seau à la main, faisant boire une chèvre ; un biberon à la
main, donnant a tétée à un lionceau ; les mains à plat sur une couverture où repose un lion mort ; une cigarette à la main ; et comme dans la chanson de Barbara, "L'Aigle Noir" : Dans ma
main, il a glissé son cou" (1), caressant une oie blanche...
"Buzet, écrit Michel Lepinay dans le texte qui accompagne le portflio, est une petite commune de la Haute-Garonne. Pour trouver le zoo à la morte-saison, il faut être du coin. Tous
les bois se ressemblent et celui qui l'abrite ne se distingue pas des autres... (...) Puis il évoque les tournées, la gloire, le drame en Algérie. Et il conclut son papier par une phrase
sans appel de Jeannette : "Vous savez, s'il ne vient pas de monde cet été, je ne m'en sortirai pas. Vous savez, je préfère crever de faim que de manger une de mes poules. Si je n'ai plus
d'animaux, je me fous en l'air."
Oui, Jeannette est une "bonne cliente" pour les médias. Pour les faiseurs d'images et de sons... A quelques exceptions près...
Qu'est devenu ce photographe, dépressif et dépité car Jeannette refusait une interview, et qui m'avait écrit : "Jeannette a tort de ne pas vous confier ses anciennes photos" ?
Quel beau documentaire aurait pu réaliser ce
doumentariste qui trouvait le parcours de Jeannette "cohérent", mais qui se heurtait, malgré son insistance, au refus obstiné du sujet !
(1) Bien que, en l'occurrence, et malgré démentis et avis brouillés et divergents, il s'agisse là de l'allégorie du viol de Barbara par son
père.
Page une du Cahier central "Jeannette et ses animaux". "Libération" du 29 janvier 1982.
Photos : Gilles Favier. Texte : Michel Lepinay.