Dans la vie en vrai
Une image vaut mille mots. Une image "retouchée" cinq cents ?
Les longues descriptions de la "SARL, Société à Responsabilité Limitée Balzac, Flaubert, Zola et Cie" sont distanciées par le plus simple appareil pour le plus simple appareil,
c'est à dire toute une académie. C'est tout vu. Y'a pas photo !
A la sortie du bain révélateur, il est devenu coutume de repeindre "Les Baigneuses" aux couleurs des tendances payantes.
La technique n'est pas nouvelle ; sa prolifération l'est.
Ôter trois boutons à une manchette, "redessiner le contour de la courbe d'un sein, du galbe d'une hanche" (N'est-ce pas, Charles ?) pour faire tendre vers la perfection -et sans doute
autre chose de plus trivial que la perfection- n'est plus scrupule. L'entier naturel perd ce que le tri de l'artifice gagne.
Il n'est bien sûr pas question de passer d'un extrême à l'autre et rendre public les "photomatons" de Mylène, Catherine ou Laetitia ; Alain, Richard ou Alfredo. Ne tuons pas le rêve.
Tirent leurs épingles du jeu les dessinateurs de presse, les Cabu, Plantu, Sergueï, Nicolas Vial, Willem, caricaturistes dont le propos n'est pas de tricher mais
d'amplifier un trait.
Il est urgent d'écouter ou de réécouter "Dans la vie en vraie", la chanson d'Anne Sylvestre (suffragette hors gazette, bien connue des gourmands de mots et de phrases
bien troussées mais un peu moins des addicts aux illustrés "photoshopés") :
"C'est vrai qu'on dit c'est beau la vie comme dans les livres
On rêve de la vie facile comme c'est écrit
Mais c'est déjà bien assez compliqué de vivre
On écrit son petit chapitre, et ça suffit
Si on insiste,on voit surgir entre les pages
Des sentiments qui poussent pas dans les romans
On n'est pas d'accord sur le choix des personnages
On n'est pour rien dans l'histoire finalement
Mais dans la vie, mais dans la vie en vrai
Comme je t'aime, je t'aimerai
Que ce soit de loin ou de près
Ce que j'ai dit je redirai
Et pour de rire, et pour de vrai
C'est vrai qu'on aime s'inventer comme au cinoche
On voit les plans bien découpés comme au ciné
Le scénario se déroule sans anicroche
Quand
le mot fin s'allume, on n'est pas étonné
Mais on découvre en soulevant un coin de toile
Qu'on on raté la grande scène des amoureux
Qu'on sait pas se faire embrasser sur fond d'étoiles
Qu'on a sommeil, et que le rôle est ennuyeux..."
Une élue du peuple qui a eu de bons bulletins, veut légiférer sur la dérive de la photo truquée, et lui faire dire si elle vaut mille mots ou cinq cents. Laissons-la entrer dans la
légende...
JF
Maquettes Philippe Covès