"Un lieu de mémoire (...) va de l'objet le plus matériel et concret, éventuellement géographiquement situé, à l'objet le plus abstrait et intellectuellement construit." (Pierre Nora - "Les lieux de mémoire")
Photo Philippe Covès
La mémoire des lieux
Mon émotion du jour est arrivée tôt ce matin. Elle a pris voix dans celle de Bruno Duvic et sa revue de presse sur "France Inter".
L'homme de radio prévient qu'il a trouvé un article passionnant dans "La Croix", que beaucoup ne lisent pas, au prétexte qu'ils ne sont pas allés à confesse depuis belle lurette et
qu'ils ne souhaitent pas la porter ; ils ont déjà la leur. Alors que ce journal est de grande qualité, sans sectarisme primesautier. (Je vous conseille particulièrement la "quatre" de couverture
de l'édition du week-end : Bruno Frappat écrit une chronique bien sentie et sans embrigadement, assortie d'une délicate et délicieuse illustration d'Annie Goetzinger, toujours ad hoc.)
Or donc, quelle laudes Bruno Duvic a-t-il sonnées ?
Eteint mon poste, station debout (pénible), trajet maison-maison de la presse, paysage de papier parcouru (Mon ami kiosquier me permet de "télécharger" : "Pourvu que vous ne dérangiez pas
l'ordre des mots" me dit-il ; le cadre bleu de "La Croix" s'est retrouvé voisin, dans ma main, du losange rouge de "Libération".
C'est page 17 de "La Croix" que je retrouve les mots du speaker. Sous le
titre "Internet déplace les murs des monastères" et sous le chapeau "Une trentaine d'abbés bénédictins se réunissent pour réflechir aux enjeux du Web pour la vie contemplative",
Céline Hoyeau écrit : "Ebahie, Soeur Marie-Odile retient à peine une exclamation de joie. Grâce à Google Earth et ses photos satellites, la clarisse, qui n'a pas quitté son monastère depuis
vingt ans, survole soudain la Bretagne. Et voit apparaître, en zoomant, la maison familiale qu'elle n'a pas revue depuis qu'elle s'est retirée du monde."
Futile nouvelle ? Pas tant que ça, il me semble. Elle résume la mutation d'un monde où "un nouveau rythme de communications et de relations [...] se glisse comme une poussière fine dans le souffle du temps monastique" dit un abbé. (Ibid.) Vous avez vu, Benoît ?
Mémoire des lieux et lieux de mémoire si chers à Pierre Nora, la petite fenêtre
ouverte de Soeur Marie-Odile a apporté à mes narines un air vivifiant et parfumé comme la chevelure d'une jolie dame.
JF