30 mars 2010 2 30 /03 /mars /2010 17:01

"J'étais vraiment j'étais bien plus heureux

Bien plus heureux avant quand j'étais cheval

Que je traînais Madame, votre landau

Jolie Madame dans les rues de Bordeaux

[....]

Quand j'étais cheval et que tu étais chameau"

 

Jacques Brel, "Le Cheval"

 

Jacques,

 

Il est bien loin ton numéro au cabaret des "Trois-Baudets". A l'époque, le chef d'écurie a fait tout un foin parce qu'il a tout de suite compris qu'il avait dégoté une bonne bête. Malgré les bons soins du Maître de céans qui avait l'oeil sur tout (tu parles, il en avait vu de toutes les couleurs ; ici-même, quelques années plus tôt, on vit même s'échapper un gorille !), malgré son index conseiller pointé vers toi (alors qu'il avait d'autres chats à fouetter), les gens refusaient de te domestiquer... Certains même disaient que tu ne réussirais jamais : "tu ne faisais que transpirer"... Alors que certains se doraient la pilule, la tienne était plutôt dure à avaler, et le cachet avait tôt fait de se dissoudre... Lors des longues nuits d'insomnie, ne comptais-tu pas les imprésarios comme d'autres comptent les moutons ? Après le baudet enragé, engagé sur la rive gauche, tu as connu les parcs d'acclimatation pour animaux sauvages. Récompense : les dragées hautes. On t'a ensuite envoyé paître sur des pâturages à l'herbe rare et souffreteuse que piétinaient quelques biches. Récompense : les biches. Et enfin, triomphant, tu as pu caracoler dans les grandes pariries généreuses. Récompense : la galette d'or.

Globalement, tu as connu "l'itinéraire d'un animal gâté", aimé du public, des loges aux gradins. Dans une infernale poursuite de lumière, on te vit ruant, piaffant de tous tes naseaux, tirant carrosse ou corbillard, au pas, au trot, et dans un galop effréné, nous transporter, me transporter... avant de regagner ta cage dorée, jouxtant celle d'un majestueux lion, écartelé entre l'immobilisme et l'appel des sirènes. Tu as connu les éreintantes tournées dans toutes les pistes du grand cirque névralgique, avec sur ton dos toutes selles qui meurtrissaient ta chair (c'est là où le bât blesse), et toutes celles qui malmenaient ton coeur : plaisir dans la douleur, fatigue jusqu'à l'écroulement, peur jusqu'au vomissement, jeu pour la victoire...  La victoire à notre profit : nous avons misé sur le bon cheval.

 

L'Ecuyère.

 

Demain : l'imprimeur. 

 

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commentaires

J
<br /> coucou<br /> oui c'etait un bon cheval<br /> de la race des purs sang<br /> de ceux qui avancent<br /> tracent la route<br /> qui laissent traces<br /> belle journée vous deux<br /> <br /> <br />
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J
<br /> Jean Martin ? Comment ça, vous ne connaissez pas ? Celui de la star Académie...<br /> <br /> <br />
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L
<br /> L'expression n'était alors pas en vogue, mais n'est-ce pas un peu ce qu'on appellerait la "rock attitude" aujourd'hui ?<br /> Je lis vos mots tous ces jours ci et je repense à ces deux là : Brel et Brassens.<br /> Je vous parle d'un temps...<br /> Mais on ne va pas revenir à nos robots d'hier, hein ?<br /> Je me marre aussi un peu : on a bien parlé, depuis Brel, de "nouveaux Bel", non ?<br /> Qui était-ce déjà ? Je veux des noms !!<br /> A bientôt,<br /> Amandier<br /> <br /> <br />
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