"Le Genou de Claire" d'Eric Rohmer (1972) Photo "Les Films du
Losange"
Eric Rohmer : pas mou du genou
C'est entre "On ne badine pas avec l'amour" et "Les jeux de l'amour et du hasard" qu'il y avait Rohmer. Ce jeune homme de
89 ans avec un prénom qui n'a pas vieilli, Eric, donnait dans le marivaudage qu'il ne dédaignait pas et nous laisse une production riche et subtile qui fera date.
J'ai appris sa mort hier soir dans mon lit, avec un livre de Cioran, "De l'inconvénient d'être né" sur ma table de chevet, offert par un mien ami qui, en exergue, a écrit :
"Ne pas lire ce rigolo roumain la nuit comme j'ai pu le faire".
On pourrait dire pareillement : "Ne pas voir les films de Rohmer si on est macho".
J'ai eu confirmation de sa disparition ce matin dans la revue de presse de Bruno Duvic sur France Inter. In extenso : "Les jeunes filles ont le vague à l'âme : elles viennent de perdre leur
plus grand peintre" Voilà comment commence le portrait que Philippe Azoury consacre à Eric Rohmer dans Libération. Libé qui a décidément l'art d'enterrer dignement les grands personnages. La
une est, ce matin, une très belle photo sur fond noir du cinéaste, de profil. Rohmer au bout du conte".
Je souscris et m'amuse à l'idée, anecdotique, que l'auteur de "L'amour, l'après-midi" a créé sa société de production "Les films du losange", losange qui est aussi le logo de Libération.
Eric Rohmer a fait s'approcher des garçons et des filles et les a fait parler.
De lui, je retiens, en fétichiste, pour le coup défroqué, "Le Genou de Claire" (Petit clin d'oeil à une Aurora qui est de la distribution de ce film anatomique). "Le Genou de Claire", c'est un peu, avec "Le nombril des femmes d'agent", la chanson de Brassens, l'octroi qui, s'il n'avait pas été pillé, aurait évité bien des mauvais films et mauvais livres.
Mais de lui je retiens surtout l'une des plus belles pièces de
théâtre qu'il m'ait été donné de voir et qui m'a ému aux larmes : "Le trio en mi bémol". Ce texte (1), tout en finesse, se cache dans les plis de l'oeuvre "Rohmerienne". Il
exploite, en sept tableaux, les rapports entre Paul et Adèle qui, de quiproquos en malentendus, de non-dits en maladresses, avec Mozart pour témoin, cherchent à se redire un "Je t'aime",
à peine éclipsé, souhaitant revivre au plein soleil.
(1) "Le trio en mi bémol" est publié chez "Actes Sud".
JF