A Leslie du Printemps
A Marie-Thérèse Perrin. (Message personnel : pour la photo, ce sera pour plus tard...)
Catherine et Alain Robbe-Grillet. S'il fut le "Pape du Nouveau Roman", elle est la "Papesse du
Sadomasochisme".
Photo Patrick Swirc
Ces Gémonies de Femmes
A Toulouse, le Printemps est en septembre. Y'a plus de saison. En fait l'intitulé "Le Printemps de septembre" reprend le
feu festival de Cahors où est née, en 1991, sous l'impulsion de Marie-Thérèse Perrin, une manifestation de qualité vouée aux arts visuels. (Je garde des souvenirs très nostalgiques de la période
cadurcienne.) De la photo a découlé la vidéo, puis des installations et accrochages plus sophistiqués, des reliefs devenus autant de performances tutoyant le théâtre "a giorno" et la
danse. Et toujours avec ce foisonnement de créativité, d'inventivité qui fait sortir de la bouche toulousaine les mots d'élistisme et d'hermétique.
Autrement dit, au pays du rugby et du cassoulet, on se demande si c'est de l'art ou du cochon.
J'aime assez cette idée de faire bouger les lignes, fussent-elles celles de la surface de réparation d'un stade et d'apporter des matériaux neufs extraits de carrières encore inexploitées.
Sous-titrée par le Commissaire Bernard "Là où je vais je suis déjà" ; "Là où je suis n'existe pas", l'édition 2009 s'est offert, en le faisant partager, un beau cadeau : la présence de
Catherine Robbe-Grillet, alias Jeanne de Berg, qui a sorti le sadomasochisme du ghetto dans lequel il était bétonné.
Le Salon Vert du Musée des Augustins, au cours de la "Nuit des tableaux vivants" -entre un matador "mort" ensanglanté, la muleta à la main, et un souper bourgeois, en vitrine sur la
rue (passé le scrupule du voyeurisme, enrichissant exercice d'observation anthropologique !)- ; le salon vert donc, était seyant comme un long gant "à la Gilda" pour donner un aperçu de ces
"Cérémonies de Femmes" (1) où désirs et plaisirs s'accomodent avec une habile harmonie.
30 chaises pliantes étaient dépliées, devant un rideau de tulle. Plus d'une heure avant le début de la première "performance" (Il y en aura 3 au cours de la nuit), elles avaient déjà été
investies.
C'est au tintement d'une clochette que le rideau léger s'ouvre sur une resplendissante gynécée paraissant de cire.
Flotte une odeur d'encens. Dansent les flammes de chandelles sur une crédence ; et l'on ne sait qui va être dressé, de la table ou bien des convives qui la cernent.
Au fond de la scène, Jeanne de Berg, voilée de pied en cap, assujettit par la tête une Vénus à genoux.
A l'Avant-Scène, assise, une prêtresse de Héra, déchaussée d'un seul pied... A genoux à ses côtés, une servante couleur chocolat, tient religieusement en évidence un escarpin noir, brillant comme
un astre. Fétichistes, ne pas s'abstenir de voir.
L'action vient d'une officiante, Odalisque assermentée. A gestes lents, précis et raffinés, qui signeront l'ensemble de l'épisode, elle verse du vin (Chaud ? De messe ?) dans l'escarpin devenu
calice, y trempe un sucre et l'offre... à un spectateur du premier rang qui s'en délecte. (Le SM, c'est aussi ça : l'eucharistie pour certains, "l'écoeurastie" pour d'autres... quand ils
n'alternent pas.) Elle renouvelle l'offrande à une spectatrice mais, tient la dragée haute devant les lèvres approchantes, puis embouche elle-même la sucrerie.
Tout sucre tout miel. Dans un compotier, du miel est ensuite présenté à la Vénus. Elle trempe son index, s'en enrobe, puis en un filet vermeil, détourné de "droit vers le ciel comme la fumée
d'un campement de nomades" (2) le laisse couler dans sa bouche. Sensuel à souhait. Et presque Christique.
Les jeux de tête, de corps, l'appartenance, l'obéissance, les maillons argentés de la chaîne, tout à l'avenant est d'un ténu divin.
Jusqu'à ce que la Grande Maîtresse se lève, hiératique, que le rideau de tulle se referme, que la Vénus lâchée s'y agenouille, s'y agrippe, offerte à toutes les possibilités. Et que la
Maîtresse, derrière, dise : "Tout peut commencer".
Le public est conquis.
A Toulouse, il n'y a pas que le rugby et le cassoulet ; il y a aussi l'aéronautique et les nanotechnologies...
JF
(1) "Céremonies de Femmes", Grasset, 1985
(2) Emprunté à Henry de Montherlant
Lu sur le feuillet remis aux spectateurs avant la "séance" :
"LE PRINTEMPS DE SEPTEMBRE
à TOULOUSE"
Catherine Robbe-Grillet - Les cinq sens
Mécanique du désir : maitresse-femme sous le pseudonyme de Jeanne de Berg et organisatrice de "cérémonies de femmes", Catherine Robbe-Grillet, conduit ici, avec quatre autres participantes, un
tableau vivant.
Avec Jeanne de Berg, Catherine Corringer, Claire Charpentier, Beverly Charpentier et Joëlle Séraphine.
22 h / 22 h 45 / 23 h 30
dans la limite des places disponibles.
Nous informons le public que cette performance peut heurter la sensibilité de certains spectateurs.
Les photographies (avec ou sans flash) et enregistrements vidéos sont formellement interdits.
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EN MARGE
En vue de la diffusion d'un sujet sur Jeanne de Berg dans la nouvelle émission "Générations", qui devrait débuter mi ou fin novembre sur M6, (la petite chaîne qui est montée, qui est
montée...) une équipe de reportage a capté la performance. Félicitant la concernée et devisant avec elle, je me suis soudain aperçu que micro-perche et caméra captaient aussi notre conversation.
Je ne sais si ces images seront retenues lors du montage, tout comme le témoignage que j'ai apporté ensuite, de façon moins "à la dérobée". Elles auront toutefois servi mon égo et mon narcissisme
désormais légendaire.