Carrie Harvey et
partenaire. Tournée Cirque Amar 2005. "Volez-vous jouer avec môa ?"
Photo Gilles Jeanjean.
Jules, Jean-Baptiste et Théodore
Afin de distraire un peu ma mélancolie, j'ai invité à ma table, pour rompre la mie, mes grands amis
natifs toulousains Jules et Jean-Baptiste. Théodore, de Moulins, est venu nous rejoindre.
Jules, c'est le grand Léotard, lui qui, le premier, à sauté d'un trapèze à un autre
trapèze, créant ainsi rien moins que le trapèze volant ; Jean-Baptiste, c'est Auriol, le premier qui, par son agilité mais aussi ses pitreries, a ouvert la voie de l'art clownesque. Pas plus, pas
moins. "Tou-lou-sains !" ont envie de scander les cocardiers des quartiers des "Trois-Cocus", des "Sept-Deniers", de "La Vache", des "Amidonniers" et
de "Soupetard". Je les entends d'ici...
L'art du cirque serait-il donc né dans la Ville Rose, et non comme l'indiquent les manuels sous l'impulsion de l'écuyer Philip Astley en Angleterre ? Théodore, c'est Théodore de Banville
qui manie la plume avec un brio que je lui envie...
Ces grands hommes sont beaux, jeunes et fringants et, bien entendu, ils n'ont pas manqué de me dire : "Ca manque un peu de charme féminin, ici". Comme je m'y attendais, j'avais prévu mon
coup et demandé à une belle "Madame Loyal" de ma connaissance de se prêter à un jeu : je lui ai demandé de se glisser dans une énorme pièce montée de choux, de crème et de ganache, spécialement
conçue par le maître-chocolatier tou-lou-sain René Pillon.
Quand elle a surgi du gâteau-surprise, ce fut un petillement de joie, une effusion devant sa plastique cuissardée...
Avec un exquis accent britannique, elle a demandé : "Volez-vous jouer avec môa ?"
"Sautant comme un cabri", j'ai vu Jules littéralement s'éjecter de sa chaise et
emporter "la botteresse".
Il n'est pas impossible qu'ils soient allés jouer "à la bête à deux dos".
Théodore se retourna vers nous deux, mais c'est à l'adresse d'Auriol qu'il déclama ces vers, sans aucun doute composés pour lui :
"Le clown sauta si haut, si haut
Qu'il creva le plafond de toiles
Au son du cor et du tambour,
Et le coeur dévoré d'amour
Alla rouler dans les étoiles. (1)
JF
(1) Théodore de Banville. "Odes funambulesques"
Il y a 150 ans, le 12 novembre 1859, au Cirque d'Hiver de Paris, un homme, français, toulousain, émule d'Icare, Jules Léotard pour ne pas le nommer,
s'élançait d'un trapèze vers un autre trapèze, créant ainsi le trapèze volant.
Aujourd'hui, grâce à des troupes de "volants" (Les "Flying..."), l'art s'est développé : porteurs et voltigeurs ont rivalisé d'audace, de courage, pour ne pas dire de témérité, pour
exécuter, sur fond de roulement de tambour, doubles puis triples sauts périlleux avec "rattrapés" vivement recommandés par la déontologie de la profession ; l'usage du filet de protection,
syndical (Qui ne connaît pas l'expression "travailler sans filet" ?) n'excluant pas le danger...
Le maillot collant que portent les trapézistes s'appelle... un "Léotard" !
A lire :
- "La course aux trapèzes". Pierre Lartigue. (1980). Epuisé. Réédition enrichie annoncée.
- "Le rêve de vol". Bernard Marck. Le Pérégrinateur Editeur. (2006). (Avec la modeste contribution de Joël Fauré !)
JULES LEOTARD (1838 - 1870) ALBUM DU GAULOIS 1859. Caricature de P. Hadol.
Photo Bibl. Nat. Paris.