PASCAL JARDIN :
L’HOMME QUI AIMAIT LES (BOTTES DES) FEMMES
Ici même, dans ma livraison du 30 mai 2007, j’écrivais :"Pascal
Jardin, romancier, dialoguiste, a laissé une oeuvre attachante. Ce touche-à-tout de talent a d'abord été touché dans sa prime enfance par les bottes de sa gouvernante. Il raconte cet épisode
dans "La guerre neuf ans". (Les Cahiers Rouges - Grasset) [...] [Avec Pascal Jardin] l'occasion -en or- m'est donnée de légitimer l'existence de ce blog, et surtout sa
"ligne éditoriale" : littéraire et érotique ! A la lecture des premiers éditos, on le sait, je suis fétichiste avéré et littéraire épidermique.
Longtemps je me suis cherché une identité sans pouvoir me réaliser. Il me semble que cette "tribune" m'aide y voir un peu plus clair, et tant pis si j'écris
dans le désert, ou pour des inconnu(e)s du hasard ou encore pour des "happy few. Or donc, occasion aujourd'hui m'est donnée de mélanger le suc littéraire et érotique, en plein mitan écartelé
entre le vice et la vertu, grâce à Jardin père... [...]"
Le 15 juin de la même année, je
répercutais sur ce même écran ma rencontre avec Alexandre Jardin, le fils de Pascal, qui me confirma :
"Mon père ? Oui, c’était un fétichiste. Mais un fétichiste joyeux. Il déboulait
à la maison avec plein de paires de bottes. C’était flamboyant."
Or, voici qu’une biographie de Pascal Jardin, signée Fanny Chèze, vient de paraître
chez Grasset.
J’ai dévoré ce texte passionnant, fruit d’un travail de recherches de cinq ans,
argumenté, sans pathos ni mièvrerie. Car on imagine la moue faite par les petits marquis de la critique à l’évocation du nom de Jardin, grand-père, père, et fils confondus et emboîtés comme
poupées gigognes. Il faut dire qu’il y a de quoi gloser, dès le départ, quand on sait que Jean jardin, le père de Pascal, (Me suivez-vous ?) a eu des "amitiés vichyssoises" et fut le secrétaire
de Pierre Laval. C’est dit. C’est su. On ne s’attardera pas là-dessus.
Lorsqu’on aura relevé la phrase implacable et principale de l’ouvrage de Fanny Chèze
: "Si l’on se réfère ses dernières oeuvres -magnifiques- il est évident que Pascal [1934 - 1980] serait devenu l’un des plus grands auteurs français." (Page 128), on pourra sympathiser
avec ce ludion, "allergique la banalité [...] fasciné par l’intensité de la vie.
Qu’en fit-il de sa vie ? D’abord, il la vécut de guerre en guerre. La vraie, "la
39-45", la guerre sainte avec et contre les femmes (tout contre !), contre la maladie et surtout contre lui-même.
Ce cancre empli de mots et de formules ne pouvait que passer par la case cinéma, là
où il s’est véritablement forgé un nom, plus que dans la littérature où il s’est essayé pour finalement n’écrire que le même livre ou encore le théâtre d'où une sorte de consécration est venue
post-mortem.
Il suffirait de citer des titres de films cultes qu’il dialogua (Nous avons du temps
devant nous : "Le Vieux fusil", "La Veuve Couderc", "Le Chat"...", de lister les plus grands noms du cinéma, qu'il approcha -qu'il dompta ?- (Il nous reste un peu de temps,
Monsieur le Bourreau ? Allégret, Granier-Deferre, Sautet, Signoret, Gabin, Delon, Deneuve, Girardot, Piccoli, Noiret, Romy Schneider...) pour se parfaire une idée de la
trace prégnante qu’il a laissée.
Dire Jardin, Pascal, c’est dire l’énorme potentiel de séduction et de sympathie
qu’il dégageait.
Et j’y reviens, c’est dire le joyeux fétichiste des bottes qu’il
était.
Sur 307 pages, le mot "bottes" est écrit 24 fois et le mot "cuissardes" 2
fois.
Le plus savoureux témoignage est peut-être celui de Michèle Mercier, cette
"indomptable Angélique, Marquise des Anges", qui les porta si bien : "Il [Pascal Jardin] avait un talent fou, il était drôle, très drôle. Il était très gauche parfois devant les dames,
c’était très amusant, sauf quand elles avaient des bottes. Je me souviens de la première fois qu’il m’a vue. Je lui ai dit "Qu’est-ce que j’ai qui va pas ?", "Non, rien du tout, c’est génial,
c’est génial !" me répondit-il. Alors j’ai compris qu’il aimait bien les dames qui avaient de hauts talons et surtout des bottes. Il passait son temps à regarder les bottes, ça nous
a amusés tout au long du tournage." (Page 119).
Cet être de jeu, de hasard (il signait des chèques en blanc et les cachait dans les
cabines téléphoniques), de femmes ("Il trouve le quotidien bête à pleurer et aime d’avantage l’idée qu’il se fait de la femme que ce qu’elle est"), d’alcools et d’alcôves,
de tabac (Il fumait jusqu’à trois paquets par jour) "n’était pas fait pour vivre. Il jouait à se suicider en permanence dans la plus parfaite
extravagance".
Et pourtant, il faut lire "Pascal Jardin", la biographie de Fanny Chèze que l’on
aime la vie ou qu’on la trouve moche. Il y a dans ces pages quelque chose qui ressemble à un mode d’emploi.
JF
" Pascal Jardin". Biographie. Fanny Chèze. Grasset. Janvier
2010.