28 septembre 2009 1 28 /09 /septembre /2009 19:40

Ouvrons un livre. Lisons la première phrase. Puis la seconde. La troisième s'il le faut. La quatrième si necéssaire... Dès que nous aurons trouvé les dix lettres du mot "cuissardes", nous nous arrêterons inexorablement, y compris en pleine phrase. Nous aurons atteint notre but.
Oulipo, exercice de style, assouvissement d'un phantasme, approche ludique oui, "littérathérapie" oui aussi, mais b
elle incitation à la lecture, non ?

Aujourd'hui :
LE ROUGE ET LE NOIR
de Stendhal


La petite ville de Verrières peut passer pour l'une des plus jolies de la Franche-Comté. Ses maisons blanches avec leur toits pointus de tuiles rouges, s'étendent sur la pente d'une colline, dont des touffes de vigoureux châtaigniers marquent les moindres/

 Nota bene : Nous ne tenons pas compte des lettres portant un accent.

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26 septembre 2009 6 26 /09 /septembre /2009 19:55

Dans la vie en vrai

Une image vaut mille mots. Une image "retouchée" cinq cents ?
Les longues descriptions de la "SARL, Société à Responsabilité Limitée Balzac, Flaubert, Zola et Cie" sont distanciées par le plus simple appareil pour le plus simple appareil, c'est à dire toute une académie. C'est tout vu. Y'a pas photo !
A la sortie du bain révélateur, il est devenu coutume de repeindre "Les Baigneuses" aux couleurs des tendances payantes.
La technique n'est pas nouvelle ; sa prolifération l'est.
Ôter trois boutons à une manchette, "redessiner le contour de la courbe d'un sein, du galbe d'une hanche" (N'est-ce pas, Charles ?) pour faire tendre vers la perfection -et sans doute autre chose de plus trivial que la perfection- n'est plus scrupule. L'entier naturel perd ce que le tri de l'artifice gagne.
Il n'est bien sûr pas question de passer d'un extrême à l'autre et rendre public les "photomatons" de Mylène, Catherine ou Laetitia ; Alain, Richard ou Alfredo. Ne tuons pas le rêve.
Tirent leurs épingles du jeu les dessinateurs de presse, les Cabu, Plantu, Sergueï, Nicolas Vial, Willem, caricaturistes dont le propos n'est pas de tricher mais d'amplifier un trait.
Il est urgent d'écouter ou de réécouter "Dans la vie en vraie", la chanson d'Anne Sylvestre (suffragette hors gazette, bien connue des gourmands de mots et de phrases bien troussées mais un peu moins des addicts aux illustrés "photoshopés") :
"C'est vrai qu'on dit c'est beau la vie comme dans les livres
On rêve de la vie facile comme c'est écrit
Mais c'est déjà bien assez compliqué de vivre
On écrit son petit chapitre, et ça suffit
Si on insiste,on voit surgir entre les pages
Des sentiments qui poussent pas dans les romans
On n'est pas d'accord sur le choix des personnages
On n'est pour rien dans l'histoire finalement

Mais dans la vie, mais dans la vie en vrai
Comme je t'aime, je t'aimerai
Que ce soit de loin ou de près
Ce que j'ai dit je redirai
Et pour de rire, et pour de vrai

C'est vrai qu'on aime s'inventer comme au cinoche

On voit les plans bien découpés comme au ciné

Le scénario se déroule sans anicroche

Quand le mot fin s'allume, on n'est pas étonné
Mais on découvre en soulevant un coin de toile
Qu'on on raté la grande scène des amoureux
Qu'on sait pas se faire embrasser sur fond d'étoiles
Qu'on a sommeil, et que le rôle est ennuyeux..."

Une élue du peuple qui a eu de bons bulletins, veut légiférer sur la  dérive de la photo truquée, et lui faire dire si elle vaut mille mots ou cinq cents. Laissons-la entrer dans la légende...

JF

Maquettes Philippe Covès

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23 septembre 2009 3 23 /09 /septembre /2009 18:56

La princesse
et le croque-notes

Une petite musique intérieure vient de me dicter de relire les paroles de "La princesse et le croque-notes" dans l'Intégrale de mon grand ami Georges Brassens, que j'ai très bien connu.
Bien m'en a pris car j'y ai trouvé réponse au grand bruit que fait le temps sur une histoire d'amour qui aurait existé entre Valéry Giscard D'Estaing, ci-devant ex-Président de la République française, et ci-derrière Lady Diana, princesse de Cornouailles.
Quitte à être en décalage avec les commentateurs patentés, moi, je veux y croire à cette histoire.
Le désir, à ma connaissance, résulte d'une alchimie qui n'a pas encore, contrairement à l'ADN, été séquencé.
Eh bien quoi ! Un Président de la République, à ses heures perdues accordéoniste (un croque-note), heurté par un choc pétrolier, tombe "en correspondance" avec une jeune et jolie roturière, devenue, par union et bénédiction de l'évèque de Canterbury, la bru de la Reine d'Angleterre (la princesse) ?
Et quand ce même croque-notes, qui a le choix des mots, en fait un livre, tout empreint de sentiment, puisqu'il ne s'agit pas des pages salissantes du Journal Officiel, voici qu'on en glose, qui comme d'un roman de gare, qui comme d'une contrecarre -un écran de fumée ?- à la sortie des mémoires d'un autre grand "amateur" de femmes, à ses heures perdues Président de la République, Jacques Chirac.
Y-a-t-il vraiment de quoi fouetter Marianne ?
J'entendais ce matin, de la bouche même de France Inter, un chroniqueur s'étonner que l'on résumât la fonction des premiers hommes de France à des singularités ou, pire, à des banalités qui font le commun des mortels : le Président Paul Deschanel, retrouvé hagard et en chemise de nuit, tombé d'un train ; Felix Faure, mort entre les bras d'une irrégulière - "Le Président avait-il toute sa connaissance ? Non, elle était descendue par les escaliers."-, sans oublier l'admirable menteur que fut François Mitterrand réduit à un Docteur Jekyll et Mister Hyde...
Et si Giscard, de l'Académie Française, n'avait rien fait d'autre qu'écrire, écrire, oui, écrire un roman ?
Laissons donc la parole à Brassens :
"(...)

Or, un soir, Dieu du ciel, protégez-nous !

La voilà [la princesse] qui monte sur les genoux

Du croque-notes et doucement soupire,

En rougissant quand même un petit peu :

"C'est toi que j'aime et si tu veux tu peux

M'embrasser sur la bouche et même pire...*


- Tout beau, princesse, arrête un peu ton tir,

J'ai pas tellement l'étoffe du satyre,

Tu as treize ans, j'en ai trente qui sonnent,

Grosse différence et je ne suis pas chaud

Pour tâter d'la paille humide du cachot...

- Mais, croque-notes, j'dirais rien à personne...


- N'insiste pas, fit-il d'un ton railleur,

D'abord tu n'es pas mon genre, et d'ailleurs

Mon coeur est déjà pris par une grande..."

Alors princesse est partie en courant

Alors princesse est partie en pleurant,

Chagrine qu'on ait boudé son offrande.


Y'a pas eu détournement de mineure,

Le croque-notes au matin, de bonne heure,
A l'anglaise, a filé dans sa charrette
Des chiffonniers en grattant sa guitare,
Passant par là quelque vingt ans plus tard,
Il a le sentiment qu'il le regrette."

* "I wish that you love me".

JF

-----
Solution des mots croisés

Horizontalement :
1) Anxiolytique. 2) No. - Nues. - Usu. 3) Xi. - Têtu. - Ceux. 4) Ixe. - Rixe. - Ur. 5) Rien. - Exit. 6) Ur. - Nuée. - Eu. 7) Xanax. OIRB (Brio).

Verticalement :

I) Anxieux. II) Noix. - Râ. III) X. - Er. IV) INA. V) Onéreux. VI) Lutine. VII) Yeux. - Ex. VIII) TS. IX) Ego. X) Queux. XI) Usurier. XII) Eux. - Tub.

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19 septembre 2009 6 19 /09 /septembre /2009 21:38



PS : Allez, un petit coup de pouce pour celles et ceux qui ont la chance ne n'avoir pas à se gaver de benzodiazépines pour pouvoir avancer... assommé ! : le 7 horizontal, c'est XANAX (Marque déposée)
Bonne chance !

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19 septembre 2009 6 19 /09 /septembre /2009 21:04

"Oeuvre collective" "Ne regarder qu'avant les pages roses du dictionnaire " Bernard Montorgueil (1930) et Joël Fauré (2009)

Si cette image choque, je l'efface.
Cette image me fascine et me répulse.
Du conflit fascination/répulsion naît le refoulement et l'angoisse.
C'est grave, docteur ?

Comprend qui peut.

"Mon "vieux" Joël,

En temps normal, je dors très peu la nuit du vendredi au samedi, nuit qui précède le direct des "Feux de la rampe".

Ton mail de vendredi, lu vers 1 h du matin, m'a littéralement bouleversé.

J'ai moi aussi été opéré à 10 ans d'un phimosis mais... par un médecin normal.

Désormais, si je relis Joël Fauré, avec ses histoires de "carottes à poignées", etc, ce sera forcément une approche différente.
Certes, j'avais cru déceler dans ton oeuvre une souffrance, mais de là à imaginer ce que tu as pu endurer...
MERCI, si j'ose dire, de me confier ces confidences on ne peut plus intimes...
Tu souffres, je souffre... Tu as mal, tu avances. J'ai mal, j'avance.
(...)
Je t'embrasse, mon petit frère dans la douleur.

X"

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17 septembre 2009 4 17 /09 /septembre /2009 19:03

"Gambade parallèle" de Claude Nougaro. Décembre 1998.

Prise de "song"
de Claude Nougaro

Claude Nougaro aurait eu 80 ans le 09/09/09.
Toulouse, sa ville "Prose" se devait de fêter cet absent si présent.
La place du Capitole de sa Capitale était donc pleine comme un oeuf. Olivia Ruiz, "la femme chocolat" avait mis une robe "fraise tagada" "J'ai mis une robe rose parce que je suis dans la ville rose", et des bottes fauves. La chanteuse m'a semblé être en très bonne santé. Elle a virevolté et adapté ses hanches cacaotées aux rythmes blues, jazz, brésiliens et africains, époux polygames du texte nougaresque. Elle a de la mémoire, l'audoise. Se souvenir des paroles de Nougaro, homme de son et de sens, c'est pas coton. Son père a chanté façon crooner ; son frère slamé. Le groupe Zebda a donné ses "Bottes de banlieue" écrites par le "Petit taureau des Minimes" et osé, les enfants pas encore couchés (mais le marchand de sable semble s'être reconverti), cette fable coquine :
"Après m'être branlé sous un figuier superbe
Je fis un bout de route avec un papillon
Il avait dû flairer parmi les fleurs, les herbes
L'odeur encor sur moi de l'éjaculation

Ô l'escorte jolie, grâcieuse, guillerette
Corolle chaste et pure, quand soudain Cupidon
Revint mine de rien me flatter la braguette
Tandis qu'autour de moi flottait mon papillon

Tel que je me connais, il faut que j'exagère
Je bande et je suis seul. J'ouvre mon pantalon
Sur le membre raidi comme un barreau de chaise

Viens, gentil compagnon, t'asseoir sur cette tige
L'insecte s'est enfui, comme pris de vertige
Que ne t'es-tu pas posé sur mon noeud, papillon"
(1)

Puis Yvan Cujious a dénoncé "Bidonville".

Quant à Maurane, venue à la FNAC présenter un (magistral) mini-concert et présenté son disque fait de chansons de Claude, elle a répondu, à la question d'un spectateur qui s'étonnait qu'elle ne fut pas au programme du "Concert officiel", qu'elle n'avait été "prévenue" que trois jours avant, par un couriel lapidaire et cavalier : "On t'attend", et "qu'elle avait les boules". "Quatre boules de cuir" sans doute...

Pour avoir longuement parlé santé avec Nougaro, je suis en mesure de publier ici, en sus, gratis avec pastis, le bilan "sans gain" de l'homme "sans cible" qu'il m'a dit être.

Prise de "song" de M. Claude Nougaro
Né le 09/09/1929 à Toulouse.
Sexe : Ange.

Numéro SS : 12909316969 Clé 69

Globules rouges : beaucoup.
Globules blancs : un peu moins.
Présence de globules noirs.

Taux de créativité : élevé.
Glycémie à jeun : impossible à réaliser.
Réserve alcaline : câline.
Gamma G.T. : illisible.

Traces de plumes d'ange et de corne de taureau.


JF

(1) Claude Nougaro. "L'Ivre d'images", fables de ma fontaine. 2002.

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16 septembre 2009 3 16 /09 /septembre /2009 19:54

Jaquette du roman de Claude Tillier. Editions France Loisirs, 1986.

Quoi de neuf,
docteur Benjamin Rathery ?

Certains l'ont oublié ; d'autres ne l'ont jamais su : avant d'être le film que l'on sait,  "Mon oncle Benjamin" a été un bien bel écrit, feuilletonné dans l'hebdomadaire "L'Association" de Nevers, en 1842, sous la plume de Claude Tillier, né à Clamecy quarante et un an plus tôt.
"Picaresque" est l'adjectif retenu qui revient pour qualifier la veine d'où coule cette ode à la liberté. Resitué dans le XVIIIe siècle tout proche, pas encore penicilliné, un homme se démarque des siens parce que médecin épicurien, fripon, frivole, grand buveur et trousseur de jupons, généreux jusqu'à l'ardoise aussi épaisse que son coeur est énorme.
Un de ceux qui aurait trouvé un plan B à la grippe A.
Devant la menace d'une finitude inéluctable dans tous ses dossiers médicaux, le docteur Benjamin Rathery a préféré le verbe être au verbe avoir, et choisi la vie, la sienne et celle des autres côté joli, joyeux, jouissif.
Un médecin de famille référent comme nous souhaiterions tous en avoir.
Qui mieux que Jacques Brel pouvait incarner par l'image le personnage ? Edouard Molinaro ne s'y est pas trompé, et a offert au "Grand Jacques" un rôle seyant comme un gant.
Mais taisons-nous en cuvant un vin gai. Adhérons "In vino véritas". Et laissons-nous surprendre par les premiers mots de "Mon Oncle Benjamin" -qui a réellement existé puisque Grand-Oncle de Claude Tillier- , auxquels on ne peut que souscrire. Attention, tièdes s'abstenir ; pour une entrée en matière, il n'y va pas avec le dos de la cuillère.

"Je ne sais pas, en vérité, pourquoi l'homme tient tant à la vie ; que trouve-t-il donc de si agréable dans cette insipide succession des nuits et des jours de l'hiver et du printemps ? Toujours le même ciel, le même soleil ; toujours les mêmes prés verts et les mêmes champs jaunes ; toujours les mêmes discours de la couronne, les mêmes fripons et les mêmes dupes. Si Dieu n'a pu faire mieux, c'est un triste ouvrier, et le machiniste de l'opéra en sait plus que lui.

Encore des personnalités, dites-vous ; voilà maintenant que vous faites des personnalités contre Dieu. Que voulez-vous, Dieu est bon, je suis bien sûr qu'il ne me fera pas citer devant la justice pour avoir porté atteinte à son honneur, et qu'il ne prendra pas pour lui ce qui peut appartenir à un autre.

Mais ce n'est pas là la question.

Qu'est-ce que vivre ? Se lever, se coucher, déjeuner, dîner et recommencer le lendemain. Quand il y a quarante ans qu'on fait cette besogne, cela finit par devenir bien inspide.

Les hommes ressemblent à des spectateurs, les uns assis sur le velours, les autres sur la planche nue ; la plupart debout qui assistent tous les soirs au même drame, et bâillent tous à se détraquer la mâchoire, tous conviennent que cela est mortellement ennuyeux, qu'ils seraient beaucoup mieux dans leur lit, et cependant aucun ne veut quitter la place.

Vivre, cela vaut-il la peine d'ouvrir les yeux. Toutes nos entreprises n'ont qu'un commencement ; la maison que nous édifions est pour nos héritiers ; la robe de chambre que nous faisons ouater avec amour, pour envelopper notre vieillesse, servira à faire des langes à nos petits-enfants. Nous nous disons voilà la journée finie ; nous allumons notre lampe, nous attisons notre feu ; nous nous apprêtons à passer une douce et paisible soirée au coin de notre âtre ; quelqu'un frappe à la porte, c'est la mort ; il faut partir.

Quand nous avons tous les appétits de la jeunesse, nous n'avons pas un écu ; quand nous n'avons plus ni dents ni estomac, nous sommes millionnaires. Nous avons à peine le temps de dire à une femme : je t'aime, à notre second baiser, c'est une vieille décrépite. Les empires sont à peine consolidés qu'ils s'écroulent ; ils ressemblent à ces fourmilières qu'élèvent avec de grands efforts de pauvres insectes ; quand il ne faut plus qu'un fétu pour les achever, un boeuf les effondre sous son large pied, ou une charrette sous sa roue.
Ce que vous appelez la couche végétale de ce globe, c'est mille et mille linceuls superposés  l'un sur l'autre par les générations. Ces grands noms qui retentissent dans la bouche des hommes, noms de capitales, de monarques, de généraux, ce sont des tessons de vieux empires. Vous ne faites pas un pas que vous ne souleviez autour de vous la poussière de mille choses détruites avant d'être achevées.

J'ai quarante ans, j'ai déjà passé par quatre professions : j'ai été maître d'étude, soldat, maître d'école, et me voilà journaliste. J'ai été sur la terre et sur l'océan, sous la tente et au coin de l'âtre, entre les barreaux d'une prison et au milieu des espaces libres de ce monde ; j'ai obéi et j'ai commandé ; j'ai eu des années d'opulence et des années de misère. On m'a aimé et l'on m'a haï ; on m'a applaudi et l'on m'a tourné en dérision. J'ai été fils et père, amant et époux ; j'ai passé par la saison des fleurs et par celle des fruits, comme disent les poètes ; je n'ai trouvé dans aucun de ces états que j'eusse beaucoup à me féliciter d'être enfermé dans la peau d'un homme, plutôt que dans celle d'un loup ou d'un renard, plutôt que dans la coquille d'une huître, dans l'écorce d'un arbre ou dans la pellicule d'une pomme de terre. Peut-être si j'étais rentier, rentier à cinquante mille francs surtout, je penserais différemment.

En attendant, mon opinion est que l'homme est une machine qui a été faite tout exprès pour produire la douleur ; il n'a que cinq sens pour percevoir le plaisir, et la souffrance lui arrive par toute la surface de son corps : en quelque endroit qu'on le pique, il saigne ; en quelque endroit qu'on le brûle, il y vient une vésicule. Les poumons, le foie, les entrailles ne peuvent lui donner aucune jouissance : cependant le poumon s'enflamme et le fait tousser ; le foie s'obstrue et lui donne la fièvre ; les entrailles se tordent et font la colique. Vous n'avez pas un nerf, un muscle, un tendon sous la peau qui ne puisse vous faire crier de douleur.
Votre organisation se détraque à chaque instant comme une mauvaise pendule. Vous levez les yeux vers le ciel pour l'invoquer, il tombe dedans une fiente d'hirondelle qui les dessèche ; vous allez au bal, une entorse vous saisit au pied, et il faut vous rapporter chez vous sur un matelas ; aujourd'hui, vous êtes un grand écrivain, un grand philosophe, un grand poète : un fil de votre cerveau se casse, on aura beau vous saigner, vous mettre de la glace sur la tête, demain, vous ne serez plus qu'un pauvre fou.
La douleur se tient derrière tous vos plaisirs ; vous êtes des rats gourmands qu'elle attire à elle avec un lardon d'agréable odeur. Vous vous écriez : "- Oh ! la belle rose !" et la rose vous pique ; "Oh ! le beau fruit !", il y a une guêpe dedans et le fruit vous mord.
Vous dites : Dieu nous a faits pour le servir et l'aimer. Cela n'est pas vrai. Il vous a faits pour souffrir. L'homme qui ne souffre pas est une machine mal faite, une créature manquée, un avorton de la nature. La mort n'est pas seulement la fin de la vie, elle en est le remède. On n'est nulle part aussi bien que dans un bon cercueil. Si vous m'en croyez, au lieu d'un paletot neuf, allez vous commander un cercueil. C'est le seul habit qui ne gêne pas.
Ce que je viens de vous dire, vous le prendrez pour une idée philosophique ou pour un paradoxe, cela m'est certes bien égal. Mais je vous prie au moins de l'agréer comme une préface car je ne saurais vous en faire une meilleure ni qui convienne mieux à la triste et lamentable histoire que je vais avoir l'honneur de vous raconter."

Claude Tillier (Mon oncle Benjamin), 1843

Le texte intégral de"Mon oncle Benjamin" est paru chez "Presses Pocket" en 1986, avec une préface de Francis Lacassin, avant d'être édité en version "Club" par "France Loisirs" la même année, habillée d'une jaquette qui reprend les photos du film d'Edouard Molinaro.
Aujourd'hui, c'est seulement une heureuse trouvaille chez un bouquiniste (les échoppes des bouquinistes sont souvent des îles plus belles et plus fréquentables que certaines librairies) qui pourra vous le faire tenir.


"Né à Clamecy en 1801, Claude Tillier est contraint de bonne heure à gagner sa vie comme maître d'études ; désigné par le sort pour faire cinq années de service militaire, puis maître d'école en butte aux pression cléricales, il devient à partir de 1831 un pamphlétaire redoutable dans le journal d'opposition à Clamecy, puis à Nevers.
Si son oeuvre polémique est aujourd'hui oubliée, sa gloire est acquise par des récits humoristiques qui reflètent son anticléricalisme et ses préoccupations sociales : Belle-Plante et Cornélius (1841) et surtout Mon oncle Benjamin (1843).
Claude Tillier est mort à Nevers en 1844."
(Extrait du rabat de la jaquette "Mon oncle Benjamin", éditions France Loisirs, 1986)

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15 septembre 2009 2 15 /09 /septembre /2009 19:58


François de CLOSETS :

   L'ORTOGRAF, KOMAN SA MARCH ?

Les bras m'en tombent. Je tombe des nues. J'y perds mon latin, mon grec, et peut-être bien vais-je aussi y perdre mon français. François de Closets, oui, le François de Closets qui vulgarisait les mécanismes compliqués, les systèmes tarabiscotés, n'est pas homosexuel ! Le "coming-out" qu'il vient de faire (1) -il devait porter ça très lourd comme une navette spatiale sur la conscience- ne concerne pas son "virement de cuti" mais sa nullité en orthographe ! Autrement dit, sa bosse des maths est inversement proportionnelle à son trou de français.
En bon "françois", ça m'en bouche un coin. En mon for intérieur, je m'imaginais l'homme à particule, bien propre sur lui, sourire aux lèvres, grand possédant et sachant, pluriel en toutes disciplines puisque je voyais un "s" clore ses "Closets".
Je comprends mieux maintenant pourquoi je ne l'ai jamais vu en invité "guest-star" à la fameuse dictée de Pivot.
Cet aveu est courageux. Faute avouée est à moitié pardonnée.
Je sais bien que le français est une langue complexe à conduire, bourrée d'exceptions, truffée de chausse-trapes, saupoudrée d'accents tantôt vers la droite, tantôt la gauche -va-t-en savoir ?- , émaillée de cédilles et de trémas, étonnante de toutes ces curiosités, ces "freaks" : les deux "o" d'un shampooing, les "e" dans l'"o" et dans l'"a"...
Sortie élevée d'un socle de connaissances, la filière scientifique, tout aussi difficile à maîtriser, a partie gagnée sur la filière littéraire. Nous le savons. On nous l'a assez asséné, seulement en voulant le suggérer. Nous en avons pris note. Les poètes et les écrivains sont des chercheurs ; les scientifiques des trouveurs. Chrysale contre Galilée fait bien triste figure.
Malgré tout, les multiples tentatives de réforme de l'orthographe ont toujours achoppé devant la beauté du "monstre" : dans sa recension du livre de De Closets, Bernard Pivot écrit : "Le français est une langue difficile à écrire. Faut-il procéder à une nouvelle réforme ? François de Closets en serait un chaud partisan s'il n'était convaincu de son impossibilité. Je suis de son avis. [...] en 1990, lors de la dernière tentative de "rectification" des anomalies les plus criantes (redoublement de consonnes, traits d'union, pluriel de mots composés, etc.). Je faisais partie de la commission ad hoc. François de Closets rappelle que lorsque les conjurés se sont attaqués à l'accent circonflexe, j'ai dit que cette réforme-là ne passerait pas parce que les écrivains y verraient une atteinte à l'esthétique de la langue française. Je n'ai pas été entendu et, de fait, sitôt connues les propositions de la commission, c'est, si j'ose dire, l'accent circonflexe qui a porté le chapeau. Ce refus-là a provoqué le rejet de tout le reste." (2)
Mon cher François, moi qui fus tétanisé à l'idée d'être envoyé au tableau noir résoudre une division à virgule, qui ai quitté l'école en grande partie à cause de la tyrannie des mathématiques ; moi qui avais vraiment envie de vomir avant un cour d'algèbre, je compatis à votre profonde détresse. Mais songez que vous avez assuré le salaire des correcteurs de vos livres, et que les lecteurs de votre "Zéro faute" sauront à quoi s'en tenir : vous avez le grain ; on vous a aidé à le moudre. Yes, you can !

JF


(1) "Zéro faute". François de Closets. Mille et une nuits. 322 p. 20,90 €
(2) "Le Journal du Dimanche". 13 septembre 2009.

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14 septembre 2009 1 14 /09 /septembre /2009 19:51


Au Zoo-Circus d'Achille Zavatta, en 1949. Photo Willy Ronis


Un troisième oeil se ferme

Le photographe Willy Ronis s'est éteint samedi à Paris, à l'âge de 99 ans.



Paradoxale. Telle est la vie des hommes. Fort peu d'eux vont droit. Dans le même journal d'opinion, Libé, il se peut lire le même jour : "Photographe, c'est pas un art, pas un métier, rien." La phrase est de Jean-Louis Murat, en dominateur de "libéjournaliste", et qui plus est fournisseur de l'image qui illustre son portrait en quatre de couverture, tant convoité par d'aucuns ! Le même jour or donc où trois pages de "viande froide" rendent un hommage fragmenté à Willy Ronis, 99 rouleaux de printemps, celui qui a appuyé quand il le fallait là où il le fallait.
Fin d'une époque. Celle de l'argentique pour le numérique du vulgum pécus qui fige froid, tout venant et clinique. Adieu soufflets et obturateurs lents. Adieu Doisneau, Brassaï, Lartigue, et j'y rajouterai Emile Zola, le romancier naturaliste qui découvrait les vertiges prémices de la trouvaille de Nicéphore Niépce.
J'ai eu la chance de m'entretenir avec Jean Dieuzaide, qui n'a sans doute pas appuyé assez fort pour obtenir l'empreinte des sus-cités au Panthéon du "Vu". Ce dernier, créateur de la Galerie du Château d'Eau à Toulouse, m'a dit une phrase impressionnée à jamais dans le bain révélateur de ma mémoire : "La photographie n'est pas un accident de l'histoire du monde. C'est un moment de sa métamorphose, et elle a curieusement choisi la lumière pour faire entendre sa voix".

JF

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31 août 2009 1 31 /08 /août /2009 19:00

POUR FAIRE LE PORTRAIT D'UN (DROLE D') OISEAU

 

Courriel ouvert adressé à Luc Le Vaillant, quelqu'un d'important au journal Libération

"Bonjour ou bonsoir.

 

Je resterai un indécrottable lecteur de Libé. J'attends le 7.

Le cahier d'été a été ma bible. La série sur les ratages une réussite, y compris le ratage dans le ratage. (Inversion des légendes : c'était délibéré ?) La rubrique sur "les mots qui n'existent pas" une pure merveille.
Un reproche : la redite de "Zarafa", la fameuse girafe offerte par le pacha d'Egypte à Charles X, (été 2008 - été 2009). Eh oui, on l'avait déjà lu l'année dernière...

Bien, maintenant, à moi.

Je vous souffle quelques mots :

Pour faire le portrait d'un (drôle) d'oiseau.

Portrait.
Joël Fauré.
Fonctionnaire-écrivain ou écrivain-fonctionnaire. Névrosé. Fétichiste, mégalo et narcissique. Et pourtant pudique. Veut qu'on le reconnaisse et qu'on l'aime. Depuis plus de 10 ans, ne sest réalisé dans rien mais harcèle Libé pour avoir son portrait en quatre de couverture.

"Que faut-il faire et qui faut-il être pour avoir son portrait en quatre de couverture dans Libé ? Si vous connaissiez ma vie..."
Excédé, Luc Le Vaillant lui adresse un mail : "C'est du harcèlement ? Un spam ? Dites m'en plus à tout hasard..."
Il ne sait exactement quel axe pourra être donné au portrait. Il sait qu'il possède deux chevaux de bataille : un destrier et un palefroi. Le destrier, c'est l'écriture. (9 pièces, 3 romans, une nouvelle érotique sous le pseudonyme de Raoul Jefe, une biographie d'une artiste oubliée...)
Le palefroi, c'est l'information sur les TOC, dont il est atteint...

Joël Fauré en 7 dates.

 

1962

Naissance à Toulouse.

 

1991

Premiers TOC ; premiers écrits.

 

1997

L'une de ses pièces de théâtre est jouée... dans une salle d'audience du tribunal où il travaille.

 

1998

Création d'un groupe de parole pour des patients atteints de TOC.

 

2000

"Le Personnage tout rouge" est créé au Théâtre de Poche de Toulouse.

2007

Création du blog "A propos de bottes"

 

2009

Parution aux "Arts Graphiques" de "J'ai très bien connu Jacques Brel" (Bon, oui, d'accord, à compte d'auteur...)

Allez, depuis le temps qu'on se connait, on se le tire, ce portrait ?

Cordialement.

Joël Fauré"

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ESPACE LITTERAIRE ET EROTIQUE
Soyez les bienvenus sur cet "égoblog",
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"Vivre,
c'est passer d'un espace à un autre
en essayant le plus possible
de ne pas se cogner."

Georges PEREC



 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

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