J'ai eu la chance de rencontrer Bernard Pivot, "Le Roi Lire", à Gaillac. Après lui avoir remis mon livre "Papa..." agrémenté de cette dédicace : "A BP, à qui je dois l'essence et le carburant qui m'ont donné la passion de lire et d'écrire", je lui ai demandé quel était son mot préféré, aujourd'hui.
Il m'a répondu : "Vous venez de le dire, c'est aujourd'hui".
Je lui ai dit : "Moi, c'est cuissardes". Les cuissardes, ce bel appât qui nourrit ce blog depuis 2007, incontestable gestionnaire de libido et comptable de bien des phantasmes. Même François Weyergans m'approuve : "Quel joli mot, cuissarde".
Je lui ai parlé de mes manies, de mes marottes, jours en pluie et femmes en bottes. Je lui ai parlé de mes lubies d'approcher les grands auteurs : Jean d'Ormesson, Michel Tournier, Alain Robbe-Grillet...
J'avais amené un petit cahier d'écolier. Et j'ai ajouté : "J'ai depuis longtemps une idée qui le trotte dans la tête : demander aux écrivains d'y écrire le mot "cuissardes".
Il m'a regardé et il m'a dit : "Cuissardes ? Ça va marcher". Et il a été le premier à écrire : "cuissarde".
LES BEAUX ARES
“Le paysage était comme un archet qui jouait sur mon âme.”
Stendhal
Je tiens de mes parents une parcelle de terre située en orée de la forêt de Buzet. D’une superficie de 3 000 m² (30 ares), j’ai attaché à ce lopin une valeur affective plus que marchande.
Etant donné que j’ai plus d’imagination dans ma tête que d’argent dans ma poche, j’ai décidé de valoriser cet espace avec mon propre capital, pétri de mots et de formules...
Si je ne puis construire un château, je suis en mesure de bâtir un édifice autrement plus attractif...
J’ai baptisé ce lieu “Les beaux ares”, ou bien encore “Le champ du signe”, ou enfin “Le pré avec intérêt”. Les fondations sont ainsi posées : des mots et des mottes.
Ici sont mes racines.
La maison qu’on voit depuis “Les beaux ares” fut la maison où j’ai grandi. Plus loin, dans la forêt, se trouvent les restes dérisoires mais uniques d’un ancien zoo, où une ancienne gloire du cirque s’était retirée et avait fini ses jours dans la misère. A ses côtes, j’y ai traîné mes grolles et ma vie plate durant un quart de siècle...
Observateur privilégié de ces temps et de ces lieux, le sapin, trouvé dans Pif-Gadget en 1975 et planté avec mon père, lance sa flèche vers le ciel et semble lui dire de veiller sur ce petit monde.
Aujourd’hui, j’aime me glisser dans mes bottes de sept lieues pour mieux arpenter cette terre, où mes ancêtres ont sué, où mes parents reposent, que je rejoindrai un jour.
Vous êtes les bienvenus dans cet endroit dans l’aire du temps, fréquenté par les fées, terre d’envol de tapis volants, laboratoire de tentatives de solutions pataphysiques, Cercle des Instants et des Espaces Ludiques, en un seul mot, bienvenue au CIEL !
Savez-vous qui’ici, la nuit, entre les carrés d’herbes aux ours bipolaires et les touffes de flouve odorante, il se passe des choses magiques ?
Au cours de l’été 2015, et grâce à mon désormais voisin de planète, nouveau propriétaire de la maison de mon enfance, a été installée ce que nous pourrions appeler une cabane de chantier ou une roulotte de cirque selon l’humeur...
Elle a belle allure, et sa symbolique convient à l’esprit des lieux.
Elle est le fruit d’un troc avec le vieux poulailler, que j’avais provisoirement conservé, pour y stocker divers objets de famille.
Dès que les clefs de la “cabane-roulotte” m’ont été remises, ma première préoccupation a été d’y déposer les vieux outils de jardin de mon père...
Joël Fauré
" Il n’a pas trouvé mieux
Que son lopin de terre
Que son vieil arbre tordu au milieu
Trouvé mieux que la douce lumière
Du soir, près du feu
Qui réchauffait son père
Et la troupe entière de ses aïeux...”
Francis Cabrel
A PROPOS DE BOTTES VOUS PRESENTE SES MEILLEURS VOEUX POUR 2016
“Le mieux serait d’écrire les événements au jour le jour. Tenir un journal pour y voir plus clair. Ne pas laisser échapper les nuances, les petits faits, même s’ils n’ont l’air de rien et surtout les classer”
Jean-Paul SARTRE (La nausée).
3 mars 2015.
Toujours vivant. Survivant. Malgré l'empoisonnement aux tocs hautement toxiques et l'incendie du psoriasis qui me ravage.
Bonjour,
Je m'appelle « Feuille de papier blanc ».
Certains m'appellent « A 4 », d'autres « 21 X 29,7 ». (Ce sont mes mensurations !)
D'autres encore ont voulu connaître mon poids : je pèse 80 grammes au mètre carré. Un vrai concours de miss...
Mais pour vous, je veux m'offrir simplement, entièrement, toute vierge.
Je serai comme vous le souhaiterez.
Vous aimez la nature ?
Vous aimez les mots ?
Vous aimez la nature des mots et les mots de la nature ?
J'imagine que si vous êtes ici dans la forêt de Buzet, il doit y avoir un peu de tout ça ?
Vous croyez que c'est le seul hasard qui a fait nous rencontrer ?
Je suis d'humeur changeante. Mais le plus souvent, je veux être joyeuse, drôle, poétique, tendre. Je peux aussi me faire coquine, érotique, et si je suis triste parfois, j'essaie de ne pas trop le montrer.
Vous pouvez écrire sur moi. Sur mon dos.
Vous pouvez me décorer.
Il y a un crayon dans l'enveloppe qui m'habille.
Ne croyez pas que mon maître - un écrivain réputé que j'admire beaucoup - m'a abandonnée ici, clouée sur un arbre.
Oh, non ! Je me sens très bien ici, comme une sentinelle, et puis il passe souvent me voir.
Alors, n 'hésitez-pas. Couvrez-moi de vos rêves, de vos mots, de vos dessins, et pourquoi pas de vos photos, et raccrochez-moi sur mon arbre.
Vous pouvez aussi à votre tour faire un vœu, émettre un désir.
L'idée est belle, non ?
Et rien ni personne ni aucune loi ne vous interdit d'accrocher à votre tour votre petite enveloppe personnelle sur un autre arbre.
Peut-être que demain, ou tout à l'heure, c'est vous qui viendrez me consulter ?
A très bientôt.
Mes relations avec la parentèle se sont dégradées. A l’évidence, je suis un incompris. Je suis étrange et étranger aux miens. Mes parents ont eu les mots qui tuent. J’ai adopté le mutisme qui est tout aussi douloureux que les frictions d’autrefois. Ma vie est ratatinée.
Lorsque je reviens dans la maison, grise l’hiver, verte l’été car elle est dans son corset de vigne vierge, je me replonge dans le bain à l’eau croupie. C’est l’immersion dans le passé. Tout est si pesant, écrasant.
Avec mes parents, nous nous épions beaucoup.
Savez-vous à quoi je rêve ? A un petit "chez moi" sans prétention, propre, bien tenu, où je pourrais m’installer sans scrupule sur un canapé, regarder la télévision sans angoisse, lire un journal ou un livre sans compulsion, aider ma femme à préparer le repas et faire la vaisselle, et un bureau avec un vrai plan de travail, avec une petite bibliothèque, et surtout avec un coin propret et accueillant pour recevoir mes amis.
En lieu et place de cette normalité qui m’échappe, que trouvons-nous ?
Un minuscule appartement miteux, à la ville, puant, qui me répugne, où les choses se dégradent et s’entassent ; où je m’endors dans des draps crasseux, où le ménage ne peut être fait, où j’élève des moutons.
Une chambre à la campagne, dans la maison grise et verte de mes parents, qui me répugne aussi, qui ressemble à un débarras de sous-préfecture.
Je ne sais plus où j’habite.
J’ai l’impression d’ être un "non-être"
J’aimerais bien, pourtant, qu’on me vît sous un autre angle.
Mes frères ont chacun leur petite maison, leur petite femme, leur petit travail, leurs enfants...
Suis-je un peu jaloux ? Mes deux frères sont-ils heureux ? Enfin, plus heureux que moi ? Je me sens si différent d’eux. Là encore, je suis gêné, oui, gêné quand je leur parle. Quels avis ont-ils sur moi ? Je crois qu’ils sont à cent lieues d’imaginer ce que j’endure.
Quant à leurs femmes, on sait, j’en ai parlé.
Il y a celle qui me fit découvrir Brel, qui me considère comme son petit frère, la première en date. Nous pourrions, pour la commodité du récit, la nommer BS1 (Belle-Soeur 1) et il y a l’autre, "celle avec qui les tables ne restent pas planes", que nous pourrions nommer BS2. Je n’invente rien, cette technique a été utilisée par Nathalie Sarraute dans son théâtre (H1, homme 1, F1, femme1, etc...)
Fatalité et destinée. Il est des êtres marqués par le sceau de la malédiction : j’en suis.
Je suis fatigué mais vivant. Il m’arrive de bouger encore. De toute façon, depuis l’âge de 16 mois et de la sinistre méningite, je suis sursitaire. Je peux m’estimer heureux. J’ai dépassé l’âge qu’ont péniblement atteint les artistes maudits.
"J'ai l'impression
d'être un non-être