25 août 2008 1 25 /08 /août /2008 19:49

L'homme : Monsieur, je vous dis : "Bonjour". J'ai vu là-bas quelqu'un qui m'a laissé entendre que vous ne pouviez pas me voir. Je comprends maintenant pourquoi.

(L'employé aux écritures retire la main de ses yeux.)

L'employé aux écritures : Vous n'êtes pas complètement dans le faux.  Un seul regard et tout est compris, jusqu'à preuve du contraire. Je vous réponds : "Bonjour monsieur". On peut me reprocher de parfois mal ou ne pas pouvoir voir, mais j'entends. Alors comme ça, c'est vous qui mettez la gomme dans les autocars ? Rassurez-vous : il y a pire ! Certains ne vivent que pour bouler des perroquets et d'autres ne peuvent exister que dans le culte du souvenir d'un vibrant samedi soir...

L'homme (Le fournisseur de pneus des autocaristes) : Nous sommes ton sur ton. Mais, si je suis fournisseur de pneus des autocaristes, je suis aussi autocariste. C'est plus commode, même si c'est plus crevant. Savez-vous pourquoi j'ai choisi ce métier ?

L'employé aux écritures : Non, mais je serai curieux de le savoir.

Le fournisseur de pneus des autocaristes : Quand j'étais petit, ma mère m'a offert un rutilant autobus en plastique rouge et blanc. Ca aurait pu être un camion de pompiers flambant neuf -flambant neuf- mais non, moi, ce que je voulais, c'était ce que je voyais dans la main de tous mes copains : un autobus. Donc, ma mère m'en acheté un, tout pareil à ceux des autres. Tout pareil, c'est vite dit... Avec les autres, on organisait des voyages sur les dunes du bac à sable. Et puis un jour, j'ai perdu le contrôle de mon autobus, et celui-ci a capoté. Dans son ventre tout creux, on a pu voir la marque de fabrique : dans le plastique, il y avait gravé "Manufactura de juguetes. Granada." Mais la matière avait coulé, avait bavé, puis s'était figée pour l'éternité. Le "j" de juguetes était déformé ; c'en était comique. Avec les copains-chauffeurs, on a bien rigolé. On a regardé les autres autobus. Mais tous avaient un "j" bien droit. Seul le mien présentait un défaut de fabrication. J'étais à la fois très gêné et très fier. Parce que, malgré tout, il roulait bien, mon 500 grammes, fallait voir ça... D'ailleurs, un jour, on me l'a volé. Vous dire que j'en ai pas eu gros sur le coeur serait trahir la vérité. Et puis, nous avons grandi. Mais je n'ai pas oublié. Quelques années plus tard, alors que je me promenais dans les bois, pendant que le loup n'y était pas, mon coeur, même ballant, même pesant, a battu la chamade. Sous un roncier, j'ai revu mon autobus. Ou plutôt ce qu'il en restait : une carcasse privée de ses roues. Il servait de repaire à des escargots. Mon très cher objet de mon enfance, mon petit frère, qui n'êtes plus aux essieux, est-ce bien vous ? En tremblant, je l'ai pris dans ma main et, dans un scénario-catastrophe, je l'ai renversé, mais très vite ; tant pis, demain, on lirait dans la presse : "Un autobus se renverse : 25 petits-gris qui partaient en pèlerinage fortement commotionnés". Tout s'est pourtant passé très vite, monsieur le commissaire... Juste le temps de revoir cette lettre boursouflée... Vous ne pouvez pas comprendre.... Le "j" de ma jeunesse. Le "j" de "Je n'ai rien oublié". C'était bien lui. Voilà pourquoi, monsieur, je suis devenu ce que je suis. En souvenir de cet autobus que d'autres avaient raté.

L'employé aux écritures : Je crains de ne pouvoir vous être utile. Là où d'autres ont des petits vélos, dans la tête, vous, vous avez un autobus. C'est fou tout ce qui circule là-dedans... Chacun sa pointure... Si vous saviez ce qui trotte dans la mienne... vous seriez dépassé. Que me demandiez-vous au juste au départ ?

Le fournisseur de pneus des autocaristes : Si vous n'aviez pas une petite idée, vous qui êtes chargé d'en avoir, sur la destination de mes prochains voyages.  Juste une petite idée.

L'employé aux écritures : Pas la moindre. Elle sont noires.

(L'employé aux écritures a remis sa main sur ses yeux.

Le fournisseur de pneus des autocaristes s'en va.)

(A suivre.)

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24 août 2008 7 24 /08 /août /2008 19:46

(L'employé aux écritures s'assure que la permanente de fonction est bien partie.
Avec méticulosité, il place un pied devant l'autre sur la ligne jaune, un peu comme un funambule, en jouant de ses bras pour balancier.)

L'employé aux écritures : Dès qu'on prend position, on a forcément des détracteurs. L'autre jour, il m'est arrivé une histoire exaltante. Je marchais dans une galerie marchante et, juste à l'instant où je ne m'y attendais pas, savez-vous que j'en ai vu ? (Soudain déstabilisé, il chute presque, se rattrape, se tenant le coeur.
Il va se rasseoir.)
Donc je marchais dans une galerie marchante et j'en ai vu une paire qui marchait aussi. Des bottes. Des bottes de rêve. Portées par une femme, belle, mais belle, à en tomber. A pleurer. Aussi grande que belle. Aussi brune que grande. Yeux de biche. Cheveux d'ébène. Moi, je regardais surtout ses bottes. Ca lui faisait une belle jambe. Au fil de sa marche, le compas de ses jambes fuselées pivotait dans ses cuirs et dessinait sur les dalles des frises, des arabesques et des strioscopies. Le cuir devait bailler sur la peau, clapoter sur la plage de ses cuisses, puis venir la délicatement lécher comme la mer le fait avec le rivage. Bottes. Bottes. Bottes. Bottes, mes amies les bottes, dépassez-vous au moins le genou ? Je ne sais. J'aurais bien aimé que la réponse fût oui. Un long imperméable m'empêchait d'en toiser la tige. La botteresse s'est assise à la terrasse d'un café. En a commandé un. Moi aussi. A la faveur d'un flottement d'étoffe, j'ai pu constater que tout était à la bonne hauteur des circonstances. Elle s'est levée, a remonté ses bottes : jamais vu des bottes aussi hautes. Je les ai suivies. Elles sont entrées dans une boutique, se sont arrêtées devant une gondole de parfums... J'étais dans leur sillage, muet, fasciné, galvanisé. Je n'aurais seulement voulu être qu'un grain de poussière entre leurs plis, leurs reflets, leurs reflets...
(Lointain, il se prend à rêver.)
Mais, sous quels feux de la rampe va-t-elle ? Non... Pas là... La lumière me scie les yeux.
(Il plaque sa main sur ses yeux.)

Un homme arrive.)


(A suivre.)

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23 août 2008 6 23 /08 /août /2008 20:46

La halle aux grains de Montastruc-la-Conseillère, hier.

Photo P.C.

Et aujourd'hui. (En 1989, juste avant sa rénovation.)
Elle fait aujourd'hui office de salle des fêtes et porte le nom de "Jacques Brel"
Et devinez grâce à qui ?

"C'était une massive bâtisse où se tenait jadis le négoce des grains."
Joël Fauré. (L'employé aux écritures.)

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23 août 2008 6 23 /08 /août /2008 19:22

La permanente de fonction : Autre chose : vous voyez ce perroquet ? Toujours rien dessus. Les branches sont trop griffues. Il y en a qui se sont blessés et se plaignent pour les vestes qu'ils ont dû essuyer. Il faudrait songer à le bouler. C'est pas très compliqué, ça. Des petites boules, ici... Quand vous aurez une minute et que vous les aurez plus...

L'employé aux écritures : Je les ai. Je sèche sur un travail ingrat. La commande d'un nostalgique des années soixante-dix. (Il désigne des feuillets épars, en prend un et lit :)
"Tentative de reconstitution du climat d'un samedi soir dans les années soixante-dix. (C'est le titre.) C'était une massive bâtisse où se tenait jadis le négoce des grains. Au fronton, une moulure représentait un angelot souriant sur une gerbe de blés et une botte de paille. Deux énormes oeils-de-boeuf exorbités, deux ronds béants, qui devaient servir de puits de jour, avaient été bouchés à la hâte. C'est dommage : deux rosaces y auraient été les bienvenues. Bouché aussi ce qui devait être l'accès aux charrettes. Maintenant, deux ventaux vitrés dans une armature de fer noir s'ouvraient sur un petit parvis au-dessous d'une marquise désargentée. C'était devenu un dancing. Dès "cette" heure, des filles rejoignaient des garçons... non... des garçons rejoignaient des filles... non, c'est bien ça, des filles rejoignaient des garçons. On sortait des 203 et des Renault 8 Gordini ; on avait pris des filles tout au bout des chemins d'herbe de leur fermes, leurs fermes intentions ; on les ramènerait après leur avoir fait danser des danses américaines. On mâchait du chewing-gum à la chlorophylle en écoutant des chansons."
Autres mots-clefs à utiliser dans ce texte et à faire respirer si possible dans la même phrase : slow, fête, pantalon patte d'éléphant et "Adieu jolie Candy".

La permanente de fonction : Allez, vous parviendrez à vos fins. Attendez-vous au pire. Si le très banal arrive, vous pourrez le considérer comme du meilleur. Nous n'avons plus rien à nous dire ?

L'employé aux écritures : Non, je ne crois pas. Ah, si ! J'allais oublier. Il y a du nouveau ici. Venez voir. (Il conduit la permanente de fonction au centre de la scène ; de l'index, il désigne une ligne jaune matérialisée au sol qui scinde l'espace en deux.) Je ne vous apprends pas qu'ici, avant, il n'y avait que dalle, et si nous ne sommes pas un peu bas de plafond, nous sommes un peu haut de plancher. Ca en rassure certains... (Venant du dehors, on entend une musique de carnaval). Qu'est-ce que c'est ? Ah ! Maudit carnaval ! Vous étiez de celles et ceux qui ne ne pouvaient voir que dalle en peinture : vous voici confortée. On a peint cette longue ligne jaune qui part de là-bas, à l'infini... (Il désigne la coulisse.) ... jusque là-bas, à l'infini ausssi... (Il désigne le public, qu'il feint de fendre d'un geste de la main.)

La permanente de fonction : Et ça sert à quoi ? A diviser ?

L'employé aux écritures : C'est un indice. Un indicateur. Dès que vous dépassez ce ruban, vous franchissez à la fois la ligne jaune et le rubicond.

La permanente de fonction : Mais alors, comment faut-il faire pour aller de l'autre côté ?

L'employé aux écritures : En prenant des risques. Je ne peux pas me porter garant de ce qui vous y attend.

(Désarçonnée, la permanente de fonction s'aperçoit qu'un cube est resté de l'autre côté de la ligne jaune.)

L'employé aux écritures : Appelez-moi quand même en cas de force majeure et de nécessité de service. Mais, à l'avenir, regardez où vous laissez traîner les choses...

(Après un moment d'hésitation, elle s'en va à reculons, avec prudence, sans oublier sa pelle et son balai.)

(A suivre.)

------
Brève :

Chacun sa dose.

Les compulsions de relecture les plus épuisantes et les plus sévères m'accordent encore le plaisir de savourer tous les samedis matins, la page "Mon journal de la semaine" que Libé offre à un "un intellectuel, un écrivain, un artiste". Si je garde en tête le nombre inhumain de signes et d'espaces octroyés, je me régale souvent de cette actualité où la petite histoire rejoint la grande. Ainsi aujourd'hui, c'est Jean-Paul Enthoven, directeur éditorial chez Grasset et critique littéraire au "Point" qui est à la page.
Il publie pour cette "rentrée" littéraire où "sortent" quelque 700 livres "Ce que nous avons eu de meilleur".
"Bizarre,
écrit Jean-Paul Enthoven, quand on est soi-même éditeur, de publier (comme je m'y risque) un roman en pleine rentrée littéraire. Si le roman (bon ou mauvais) a du succès, l'auteur sera aussitôt suspecté de s'être facilité les choses et d'avoir égoïstement exploité ses réseaux. S'il n'en a pas, comment l'éditeur pourra-t-il continuer à occuper la place du "sujet-supposé-savoir" que ses auteurs, s'ils lui font confiance, lui demandent d'être ? Pourtant, je suis convaincu que "tous" les éditeurs devraient, de temps à autre, prendre le risque de se déguiser en écrivain afin de s'inoculer le désarroi de ceux qu'il lance, chaque automne, dans la mêlée. Publier un roman, c'est réclamer sa dose d'amour."

Lire "Libération" d'aujourd'hui, page 21.

JF

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22 août 2008 5 22 /08 /août /2008 19:51

La femme : Monsieur l'employé aux écritures a encore fait des siennes. Monsieur l'employé aux écritures a encore dérapé. Monsieur l'employé aux écritures est indécrottable.

L'homme (L'employé aux écritures) : Madame la permanente de fonction a toujours son mot qui tue. Madame la permanente de fonction a toujours sa langue hors de sa poche. Madame la permanente de fonction est exaspérante.

La femme (La permanente de fonction) : J'ai des choses à vous dire. Je peux vous les dire ?

L'employé aux écritures : Dites toujours. Si c'est pour me dire que dehors, c'est carnaval, inutile... Je sais déjà...

La permanente de fonction : Le fournisseur de pneus des autocaristes a rappelé. Il voudrait savoir où vous en êtes de la brochure...

L'employé aux  écritures : Je bute sur un pays. Faites-lui une réponse-bateau. Ce type-là, je ne peux pas le voir...

La permanente de fonction : Je ne saurai trop vous rappeler à la réalité de votre fonction : dans cette maison, vous êtes chargé d'avoir des idées, oui ou non ?

L'employé aux écritures : Oui et non. Voulez-vous encore me rappeler où nous sommes ?

La permanente de fonction : Nous sommes ici, dans l'arrière-vestibule d'une agence, l'arrière-vestibule où il circule tant de monde. (Elle désigne l'espace, d'une rotation de la tête.) Oui, il y a toujours autant de monde. Mais vous, vous ne voyez que celles et ceux que vous voulez bien voir, c'est bien ça ?

L'employé aux écritures : Nous sommes de plus en plus nombreux et il y a de moins en moins de place. C'était mieux avant. Rappelez-moi quel jour nous sommes.

La permanente de fonction : Le premier, mais...

L'employé aux écritures : Mais ?

La permanente de fonction : ...

L'employé aux écritures : Ne serions-nous pas plutôt le trente et un, mais...

La permanente de fonction : Mais... Je sais simplement qu'aujourd'hui, dehors, c'est carnaval.

L'employé aux écritures : Rappelez-moi encore qui je suis...

La permanente de fontion : Un gratte-papier et un rond-de-cuir. A moins que ce ne soit le contraire. Le comédon perce la peau ; l'agrafe le papier.

L'employé aux écritures : Oui... Oui...

(A suivre.)

------

CES PHRASES QU'ON AURAIT VOULU ECRIRE...

Mon blog étant maintenant arrivé à un âge honorable, et seulement "nourri" de ma production personnelle, je cède enfin à la tentation de vous faire partager ces morceaux choisis, phrases-pépites, de celles dont on est jaloux de ne pas les avoir écrites. Elles produisent un effet qui peut se nommer plaisir, bonheur, larmes, rires...

Aujourd'hui :


" - Comment ça va, Janet ?
- Mal et ça dure.
- Tu souffres ?

- De la tête.
- La tête te fait mal ?
- Non. Elle ne fait pas mal comme aux autres ; elle est pleine, voilà, et elle craque toute seule dans l'ombre, comme un vieux bassin. On me laisse seul tout le temps, je peux pas parler, ça s'accumule dans moi, ça pèse sur les os. Il en coule bien un peu par les yeux, mais les gros morceaux, ça peut pas passer. Ils restent dans la tête.
- Les gros morceaux de quoi ?
- De vie, Jaume.
- Des morceaux de vie ? Comment tu veux dire ?
- Ca, tu vas voir :
"Je me souviens de tout ce que j'ai fait dans la vie. Ca vient par gros morceaux, serrés comme des pierres, et ça monte à travers ma viande.
"Je me souviens de tout.
"Je me souviens que j'ai ramassé un bout de ficelle sur la route de Montfuron, en allant à la foire de Reillanne. J'en ai arrangé mon fouet. Je vois la ficelle. Je vois le fouet, je vois la roue de la charrette comme je l'ai vue quand je me suis baissé pour ramasser la ficelle. Je vois les pieds du mulet que j'avais à cette époque.
"Sur le mur, là, en face, je vois tout ça, tout le temps : la ficelle, le fouet, la roue. Je ferme les yeux, alors c'est dans ma tête.
"Et c'est comme ça de tout ce que j'ai fait.
"Maintenant que je t'en ai parlé, ça passe un peu.
- Tu te souviens de tout ?
- De tout. Même des choses...
- Des choses ?...
- Je veux dire des choses qu'on fait, parfois, en croyant que ça s'effacera, et puis ça reste ; après, on les retrouve, dans le temps, toutes droites, qui vous attendent.
- Des mauvaises choses ?
- Tu sais, toi, ce qui est mauvais et ce qui est bon ?"
Jaume se tait. Il y a dans la parole du vieux des avens où gronde une force cachée."

Jean GIONO ("Colline" - Les Cahiers Rouges. Grasset. Pages 60 et 61)

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21 août 2008 4 21 /08 /août /2008 20:09

"Jusques en haut des cuisses
Elle est bottée
Et c'est comme un calice
A sa beauté."
Serge Gainsbourg (Initials BB)


PERSONNAGES

L'Employé aux Ecritures
La "Botteresse"
La Permanente de Fonction
Le Fournisseur de pneus des Autocaristes


PREMIER ACTE

Nous pourrions envisager :

Cet endroit semble être un lieu public, un de ces lieux de transit tels un hall de gare, un local administratif, une agence...

Un perroquet, dénué de tout effet vestimentaire.
Une cabine téléphonique.

Une table est encombrée de trois boîtes à chaussures et d'un jeu de cubes.

Un homme est attablé et joue avec ledit jeu.

Il construit un petit mur.

Dehors, c'est Carnaval...


L'homme :  Je ne sais plus quand les choses se sont décalées. Je sais seulement à quel moment elles sont basculé. (A la défaveur d'un faux mouvement, le petit mur s'écroule.
L'homme balaie rageuseusement de la main les cubes qui tombent à terre, en fracas.
Il ouvre une boîte à chaussures, en sort une liasse d'images.)
Autant le dire sans jambages, ma collection me fait abonder. Je suis fétichiste des bottes en cuir qui dépassent le genou. (Il regarde quelques illustrations puis relève la tête.) J'ai passé mon enfance avec une petite fille, à peu près de mon âge. Un jour, en jouant, je suis tombé le nez à terre, la tête entre ses bottes : une sensation forte, agréable, insoupçonnée...

(Un temps.
Silence.

Une femme s'approche en fumant.
Elle porte des bottes qui dépassent le genou.
Elle se dirige vers la cabine téléphonique, y entre, compose un numéro qui n'en finit pas et se pend au combiné.

L'homme regarde la femme.)

Elle vient ici tous les jours à la même heure se mettre en vitrine. Les tarses calés dans des bottes carénées comme des paquebots de croisière. Bottes magnifiques. Charme mystérieux. Fume beaucoup. Boit tout autant les paroles de son mystérieux interlocuteur. Si elle agit comme d'habitude, voici ce qui va se passer : elle va raccrocher, elle va venir ici, juste derrière moi éteindre sa cigarette de la semelle de sa botte et va tourner les talons. Je me lèverai, j'irai sauver la relique, redonner un peu de rondeur à ce pauvre mégot écrasé, à la marbrure ourlée de son rouge à lèvres : il y a là quelque chose de sa bouche...

(La femme raccroche, fait quelques pas jusque derrière l'homme, écrase la cigarette de la semelle de sa botte et tourne les talons.
L'homme se lève, ramasse le mégot, lui redonne de la rondeur, le hume, et revient à sa table.
D'une boîte à chaussures, il retire un flacon déjà à demi rempli de mégots, l'ouvre et, avec respect et minutie, y dépose le dernier rebut de cigarette en date.

Une femme en tablier de nylon bleu, plus tout à fait toute jeune, s'approche, pelle et balai en mains.
En panique, l'homme range le flacon.
La femme balaie les cubes.)

(A suivre.)

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20 août 2008 3 20 /08 /août /2008 19:33

"L'EMPLOYE AUX ECRITURES"
de Joël Fauré

Avec "L'Employé aux Ecritures", j'ai voulu soulever un problème qui ressemble à ces croûtes de peau que l'on soulève aussi parce que ça démange.
Je raconte l'histoire d'un homme fétichiste "des bottes en cuir qui dépassent le genou".
Sa marotte, obsédante, gère son système de pensée jusqu'à l'assiéger.
Alternant fascination et répulsion, il analyse cliniquement l'anomalie.
Une femme viendra, le comprendra et l'aidera dans sa démarche.
Pour y voir plus clair.

J.F.



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19 août 2008 2 19 /08 /août /2008 19:16


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12 août 2008 2 12 /08 /août /2008 19:34

Un blog est-il un conservatoire ou un laboratoire ?
C'est la question que je me pose alors que j'ai entrepris de poser aussi mes tripes et mon cerveau "sur la table", par le biais de mes innombrables rêves.
Si mes textes "aboutis" trouvent ici leur place, comme ils la trouveraient dans un ouvrage édité, je me demande s'il n'en va pas autrement de ces matières premières, brutes, éclatées d'une carrière gigantesque.
A relire la profusion de cette récolte onirique, qui s'étend sur plus de 10 ans, je retrouve des thèmes récurrents (peurs archaïques, sentiment d'abandon, carences, frustrations, phantasmes...)
Je conserve donc en archives sur le papier ces notes prises au réveil et publie ici les dernières livraisons d'une sélection de mes "carnets de rêves".

Rêve de la nuit du 19 au 20 septembre 2001 :
A la place de mon poste de travail, on met rapidement un arbre. En faisant du tri, je retrouve des articles inconnus sur les TOC.
- Je tire à la carabine sur un très gros canard. Je rate la cible presque à bout portant !

Rêve de la nuit du 4 au 5 juin 2002 :
Dans un grand véhicule qui circule (grand car), le chauffeur est le Président de la République. Crainte d'un accident. Près des toilettes, un homme arrive et sort une arme. (1)

Rêve de la nuit du 21 au 22 janvier 2003 :
Un petit lac dans les plis d'un vallon.

Rêve de la nuit du 22 au 23 janvier 2003 :
Quelqu'un essaie de savoir (et insiste) ce qu'il y a dans un dossier en s'incrustant.
- Avant de rentrer chez mes parents, je retrouve mon fouet par terre abandonné dans un lieu qui ressemble à un pré.

Rêve de la nuit du 4 au 5 février 2003 :
Un spectacle. Peu de public. Je suis en retrait. Tout le public participe au spectacle sauf moi. Mal à l'aise bien connu maintenant. Une femme m'entraîne à participer avec une sorte de chaîne, de corde... Elle me tracte...

Rêve de la nuit du 18 au 19 février 2003 :
(Très prégnant. Long, étalé dans la nuit, dilué, dilaté.)
Contours imprécis. Sensation forte d'ECHEC. Maison. Porte pas fermée à clef. MUTISME. Près d'un fossé ? Attente près d'une maison. Grande pièce vue d'en haut.

Rêve de la nuit du 19 au 20 mai 2003 :
Motards m'arrêtent. J'ai les cuissardes lacérées. Pourquoi brillent-elles comme ça ? "Vous voulez voir mes papiers ?" Cuir souple. Un motard s'est blessé au tibia profondément. "J'ai l'habitude." dit-il.

Rêve de la nuit du 22 au 23 mai 2003 :
Je suis dans des WC publics. Une femme attend que te "termine", m'essuie, etc... Elle enlève ses escarpins, se lave les pieds et se rechausse, sans s'essuyer, puis elle va à quatre pattes avec sa mère (couches-culottes ?)

Rêve de la nuit du 2 au 3 juin 2003 :
Un car, dans une descente. L'avant du car est/semble très loin de l'arrière...

Rêve de la nuit du 31 juillet au 1er août 2003 :
X : "J'ai des cuissardes. Je les mettrai demain." Improvise. Caravane. Fourgon dans caravane. Crustacés.

Rêve de la nuit du 20 au 21 novembre 2003 :
Un plat n'est pas cuit dans une cafétéria. J'hésite. Une femme s'énerve. Finalement, je prends salade et poulet. Je suis en retard pour l'embarquement dans l'avion. Je me retrouve dans la soute, la queue, près d'une femme enchaînée (prisonnière ?) Quelqu'une : "Dans la soute, on a l'impression d'être dans un rêve." Si accident, premiers touchés. En fait, des hublots.

Rêve de la nuit du 10 au 11 décembre 2003
Une bête (imprécise) veut me mordre.

(Très prégnant. Dur au réveil.)

Rêve de la nuit du 11 au 12 janvier 2004 :
Sous les jupes d'une femme. Chaud. Sensuel. Fouet.

Rêve de la nuit du 25 au 26 janvier 2004 :
Un animal (chat) veut "me prendre" par la jambe. Très forte éjaculation. Jets saccades.


Rêve de la nuit du 9 au 10 février 2004 :
Dans les étages de la clinique X, rencontré X : "Vous me ramenez ?"
Chambre basse "la meilleure". Du bazar. Vitre.
De nouveau dans la chambre.
Groupe d'infirmières : INCOMMUNICABILITE. Des infirmières. Sur le lit. Une tache de sang ? Qu'est-ce que c'est ? Une infirmière (jolie, les cheveux courts) me touche le sexe et en ramène un peu de sang au bout des doigts pour comparer.

Rêve de la nuit du 22 au 23 mars 2004 :
Ma mère. Maison
. Une partie s'affaisse. Je suis BLOQUE. Je ne fais plus rien. Mur. Une équipe de médecins. Bêche cassée : tout est fini ?

Rêve de la nuit du 6 au 7 août 2004 :
Public. Sur scène un animateur me dit : "Vous, vous buvez..." Tête de turc.

Rêve de la nuit du 9 au 10 août 2004 :
Reportage TOC avant/après filmé. Micro. X. "Je serai vrai. Je suis dur pour mes parents. Je suis un patient difficile, très narcissique.". Décor. Chez X. Pour y accéder, murs, échelles, etc...

Rêve de la nuit du 28 au 29 août 2004 :
Mon oncle X appelle. Il voudrait que je l'emmène à un enterrement. Ma mère dit que je ne peux pas. Il gueule. Sa femme aussi. Enterrement copain du Nord ? Il raccroche. Mon oncle prêtre est au bout du fil. Nous nous parlons en Espagnol. Il a reçu des livres que j'avais commandé par correspondance. L'un est l'histoire d'un moine qui aime se faire fouetter. Mon oncle, un autre prêtre et la bonne disent que ce livre est malsain, etc... Coupure de téléphone. Je descends dans la maison. Le téléphone re-sonne. D'autres livres sont bien sur les champignons, les plantes, un sur Bruxelles.
Puis mon oncle sort de chez lui et me montre (!?) l'emballage des livres : un tube de carton. Je veux faire tomber la paille qui protège. "Non, pas dans la rue, tout le monde est fâché."
Puis :
Mon oncle est à la maison. Il voudrait mettre le tube de carton dans la voiture (2 CV ou 4 L ?) Il faut le plier. Mon père tient le volant. "Ils" ont enlevé le siège avant.
Mon oncle : "Regarde dans un des livres en fonction de l'année de la voiture comment on l'éteint." On tourne la clef. La voiture ne s'éteint pas.

Rêve de la nuit du 3 au 4 septembre 2004 :
Un prof
: "Ceux qui ont des TOC vont faire des exercices dans une autre salle."
Moi
: "Je m'adresse au médecin, pas au prof. Vous manquez d'empathie."

X arrive, voilée.
Sa mère est morte.
(Et la mienne presque.)

Rêve de la nuit du 10 au 11 septembre 2004 :
A l'Ecole. Comment calculer la surface d'un slip ? (qu'on nous a distribué.) Formule. Je vais chercher de quoi écrire, y compris prospectus. Agitation. X. A l'école. X attend pour une réunion. L'autre institutrice me confie la clef de la malle de sa voiture. Mal à fermer.
Puis :
Appartement. Un système électrique ne fonctionne plus pour baisser un rideau. Un bouton à appuyer.

Rêve de la nuit du 12 au 13 septembre 2004 :
Dans le train qui mène à X, je projette des images de cirque. Témoignage de madame X. Un important espagnol en béquilles se plaint. On me reproche cette projection.
X écrit à un clown espagnol sur carte postale "Epicerie Epargne X" : "Para mi mujer, quien es su hija ?"
Clinique X dernier étage 23.
Leïka...



(1) Jacques Chirac, alors Président de la République, a échappé à un attentat le 14 juillet 2002.



Les blogs sont-ils des conservatoires ou des laboratoires ?

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10 août 2008 7 10 /08 /août /2008 19:44

Rêve de la nuit du 1er au 2 février 2001 :
Passé la nuit avec X dans
lit chambre parents. Empêtré avec couverture.
Tocs. Boîte de Prozac. Cadeau emballage individuel et pompe. X n'a pas trop la forme morale.
Puis dans voiture R5 X près pharmacie. Arrive un attroupement. Tracteur et projecteur. Mât dressé devant maison. Mère s'emporte.

Rêve de la nuit du 6 au 7 mars 2001 :
Grand homme politique X dans une gangue de bois près escalier école X. Rallye touristique. Quelqu'un, de la famille de l'homme politique, a 400 ans. Comme un jeu tournant pharaon, puis l'homme politique signe des autographes à mère, X...

Rêve de la nuit du 7 au 8 mars 2001 :
Brouette roue tordue dans allée racine. Quelqu'un vient à ma rencontre ? Connaissance gêné ? Quelqu'un veut consuluter un dossier. Avec la brouette -peu de place pour passer- je lui fais mal, involontairement. Il regarde longuement s'il n'a rien.
Une ancienne connaissance -jeune- danse... comme autrefois.

Rêve de la nuit du 26 au 27 mars 2001 :
Tombe
de famille dans le fossé près de chez X. Fossé plein d'eau. Croix. Pourquoi creusé quand "y'avait pas d'eau" ? 2 mètres, l'eau est venue. Une voiture s'arrête près du caveau : Renault 6 beige. C'est X qui regarde. Une autre voiture double.

Rêve de la nuit du ? au ? 2001 (Vendredi au samedi, début mai) :
***
Un morceau de chair se détache de l'orteil. J'ai l'impression que morceau après morceau, petit à petit, tout le corps va "y passer"..., se grignoter, se morceler, se réduire à néant...

Rêve de la nuit du 8 au 9 juillet 2001 :
Un feu d'artifice sur une place. Un incendie. Evacuation. Une fusée, à gauche, vite éteinte. Une à droite. Intervention des pompiers et des municipaux. Font la chaîne avec des seaux d'eau. Lieu indéfini. Un incendie rapide dans un appartement.
Rêve interrompu par sonnerie réveil. Une semaine avant feu d'artifice à Toulouse. Désarmorcer l'angoisse. Se confronter de face. Exposition avec prévention de la réponse.


(A suivre...)

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en essayant le plus possible
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